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Affaire Rancourt : L’ancien professeur condamné à payer 100 000 $ d’indemnités

Web-Rotonde
21 octobre 2013

– Par Marc-André Bonneau –

Le juge Robert Smith de la Cour supérieure de justice  de l’Ontario a ordonné à Denis Rancourt de payer près de 100 000 $ en frais légaux à Joanne St. Lewis ainsi qu’à l’Université d’Ottawa (U d’O), suite au procès pour diffamation opposant Mme St. Lewis et M. Rancourt.

Cette décision du juge fait suite à la « motion champerty » de ce procès pour diffamation. M. Rancourt, ancien professeur de physique l’U d’O, doit verser 50 000 $ à Mme St. Lewis en plus de la taxe de vente harmonisée (TVH), ainsi que 40 000 $ plus la TVH à l’U d’O. Toutefois, ces sommes n’auront pas à être déboursées avant le 8 novembre, lorsque la motion sera entendue en Cour d’appel.

 

Retour sur l’élément déclencheur

Cette saga a débuté en 2008, suite à un rapport du Centre de recours étudiant (CRÉ) faisant mention de racisme systématique à l’Université. Mandatée par l’administration pour évaluer ce rapport, Mme St. Lewis, enseignante à la Faculté de droit, avait formulé une évaluation du constat dressé par le CRÉ.

À l’époque, Mme St. Lewis avait souligné que le document du CRÉ n’établissait pas la certitude de racisme « de façon mesurable ou analytiquement plausible ». En soulignant la faible taille de la population étudiante, cette dernière avait contribué à discréditer ce rapport.

C’est en 2011 que M. Rancourt a publié sur son blogue, U of O Watch, un article suggérant que Mme St. Lewis agissait comme la « reine-nègre d’Allan Rock » puisqu’elle avait contribué, selon le CRÉ, à discréditer ce rapport en collaborant avec le recteur de l’Université, plutôt que de faire une évaluation indépendante, comme il le fut annoncé. L’expression « reine-nègre » est utilisée pour qualifier un individu sympathisant avec l’establishment pour en retirer des avantages. La poursuite en diffamation contre M. Rancourt fait donc suite à ces allégations.

 

Un procès financé par l’argent public

Les frais juridiques de la plaignante sont assumés par l’Université. Allan Rock a alloué un budget sans limite au procès, situation que l’Association des libertés civiles de l’Ontario (ALCO) a dénoncée. L’ALCO a lancé une campagne publique intitulée « Public Money is Not for Silencing Critics », qui a dénoncé qu’il « n’est pas éthique d’un point de vue de la liberté académique, que l’Université s’engage à protéger » le fait que l’administration finance cette poursuite pour diffamation contre M. Rancourt.

Pour sa part, l’accusé a souligné que « les fonds publics ne devraient jamais être utilisés de cette façon-là. » M. Rancourt explique que « c’est l’apport de fonds publics qui amène ce déséquilibre dans les ressources [qui alimentent le procès]. Il n’y a aucune justification pour cet apport ».

 

Une bataille jugée injuste

Cet élément crée un déséquilibre au niveau des ressources, selon M. Rancourt. « Les deux avocats principaux […] ont déjà représenté des premiers ministres du Canada. Cela crée un déséquilibre de pouvoir dans le processus juridique », explique-t-il.

Les frais d’avocats impliqués dans le procès ont servi à établir la somme représentant la compensation. M. Rancourt a contesté le taux horaire de 540 $ de l’heure pour indemnité partielle de David W. Scott, qui a contribué à plaider pour la plaignante, alors que le coût maximal pour indemnité partielle est de 350 $ de l’heure. Contrairement à ses opposants, M. Rancourt a choisi de se représenter seul devant la Cour.

Ce dernier a d’ailleurs souligné à la Cour que la perte de son emploi devrait être considérée et mener à une réduction des charges imposées par le juge. Toutefois, le juge Robert Smith a affirmé ne pas être en mesure d’évaluer la situation financière de l’accusé.

Faisant le point sur ces coûts, M. Rancourt a évoqué que « ceux que paie l’Université ne sont pas les coûts partiels. [Ils déboursent] le plein coût de tout ce que font Mme St. Lewis et l’U d’O dans ce procès. »

 

Diffamation et liberté d’expression

« Toute action en diffamation, quand elle est financée, soit par une grande corporation ou par une grande institution publique, empêche la critique de ces grandes corporations ou de ces institutions publiques », s’est exprimé M. Rancourt.

Évoquant la situation de Hazel Gashoka, qui a été menacée d’être poursuivie pour diffamation après avoir véhiculé une vidéo approuvant son point de vue, M. Rancourt a exprimé qu’ « on ne devrait pas permettre aux institutions et aux corporations de faire taire les individus qui veulent les critiquer. Il y a beaucoup de mécanismes utilisés pour limiter l’expression sur le campus ».

Patrick Charette, directeur des communications institutionnelles de l’Université, a confirmé que le procès irait en Cour d’appel à Toronto en novembre, sans toutefois vouloir faire plus de commentaires.

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