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Anorexie : tour des idées reçues

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10 mars 2020

Crédit visuel : Andrey Gosse – Directeur artistique 

Par Camille Cottais – Contributrice

Selon Statistique Canada, un à deux pourcent des femmes âgées de 13 à 40 ans souffrent d’anorexie. L’anorexie mentale me semble être une maladie souvent mal comprise et cible de nombreuses idées reçues. Je me propose de vous faire un tour des préjugés récurrents afin de mieux appréhender cette maladie.

L’anorexie ne touche que les femmes

L’association Beat, présente au Royaume-Uni tente d’appuyer les personnes souffrantes d’anorexie, les femmes représentent 90 % des anorexiques mentales.

Je pense cependant qu’il ne faut pas omettre la réalité des hommes anorexiques qui, de ce que j’ai observé, ne sont souvent pas pris au sérieux, que ce soit par leurs ami.e.s, leur famille ou même le corps médical. Les hommes atteints d’anorexie pourraient être sous-diagnostiqués en raison de la construction sociale de cette maladie.

L’anorexie est un caprice d’adolescente privilégiée

Selon cette même association, l’anorexie mentale touche davantage les personnes de moins de 25 ans. J’ai pourtant remarqué que toutes les tranches d’âge peuvent être concernées : adultes, personnes âgées et même enfants avant leur puberté. 

Je pense qu’il est donc blessant de réduire l’anorexie à une « crise d’ado » d’un.e adolescent.e qui se rebelle en arrêtant de manger. Ce serait simplifier et minimiser cette maladie mentale qui peut, dans certains cas, être mortelle. 

Selon mon expérience, l’anorexie est rarement un passage qui ne dure que quelques semaines. Elle revient au contraire de façon chronique, parfois durant toute une vie si elle n’est pas correctement prise en charge. 

Les représentations de l’anorexie que je croise dans la culture populaire semblent être quasi-exclusivement de jeunes adolescentes blanches. J’ai pu observé, malgré tout, qu’elles ne sont pas les seules touchées. Des personnes racisées ou issues de classes sociales populaires peuvent tout autant développer ce trouble alimentaire, comme l’actrice Zoë Kravitz.

Culpabiliser les personnes atteintes d’anorexie en leur rappelant la présence de la famine dans d’autres pays ne me paraît pas être le meilleur comportement à adopter. Ce n’est pas une question de volonté : elle a été reconnue en psychopathologie, comme une addiction, au même titre que la consommation d’alcool ou de drogues, dans les années 80.  

Les anorexiques sont toutes maigres

La perte de poids et la maigreur sont des symptômes de l’anorexie. Tout comme il est possible d’être atteint.e de n’importe quelle maladie physique ou mentale sans posséder tous ses symptômes, on peut être anorexique sans perdre du poids. 

L’anorexie est une maladie mentale qui se manifeste par un trouble de l’alimentation. Certaines personnes ont un indice de masse corporelle considéré comme « normal » mais présentent pourtant tous les symptômes de l’anorexie mentale. 

Il me semble important de noter que le poids d’un individu ne détermine pas la sévérité de son trouble alimentaire. Cette idée me parait grossophobe, stigmatisante et elle pourrait empêcher beaucoup de personnes de se sentir légitime à demander de l’aide. 

J’ai vécu le système de prise en charge des personnes ayant des troubles du comportement alimentaire, tout comme le système de santé de manière plus générale, rempli de préjugés. Une personne ayant perdu du poids après cela est considérée comme guérie lorsqu’elle en reprend. C’est le critère principal pour mettre fin à une hospitalisation. 

Pourtant, il ne suffit pas pour toutes les personnes atteintes de reprendre du poids pour s’en débarrasser. Le processus de guérison est possible mais reste long et fastidieux, et les rechutes sont fréquentes. Une personne ayant repris du poids peut aller mieux mais toujours être sous l’emprise de la maladie. Des critères comme une l’absence de règles ou un besoin de contrôle excessif semblent alors plus pertinents qu’un chiffre sur une balance. 

L’anorexie est une maladie sociale et non mentale

Les causes de l’anorexie me semblent multifactorielles et peuvent être difficiles à déterminer. Elles concernent rarement le physique, le poids, l’apparence ni même la nourriture, mais bien le psychique. C’est bien avant tout une maladie mentale, qui peut avoir des conséquences physiques. 

Les normes de beauté infligées aux femmes peuvent faciliter le développement de l’anorexie ou d’autres troubles alimentaires. L’industrie du régime et le culte de la minceur encouragent chez certain.e.s l’insatisfaction corporelle et poussent à vouloir contrôler notre poids et notre alimentation. Il me paraît important de ne pas confondre anorexie et régime pour éviter de caricaturer une maladie.

La Sainte Catherine de Sienne, ou l’impératrice d’Autriche Sissi sont des cas d’anorexie connus, bien que la maladie n’ait été identifiée qu’au 20ième siècle. Cette présence historique de symptômes des troubles alimentaires indique qu’il ne s’agirait pas seulement d’une maladie provoquée par les normes de la société contemporaine.

L’anorexie semble donc être à la fois une maladie sociale, issue de la construction de la minceur comme associée à la féminité et à la beauté, mais aussi et surtout une maladie mentale, aux causes et aux conséquences complexes. La culture du régime et le culte de la minceur, omniprésents dans nos sociétés occidentales contemporaines, peut certes être un déclencheur de la maladie. Présenter l’anorexie comme uniquement provoqués par la société me paraît dangereux car cela sous-entendrait qu’elle est un mode de vie, un régime ayant mal tourné, voire un choix.

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