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Sports et bien-être

Apprendre dans un système qui ne s’adapte pas : mon parcours avec le TDAH et la dyscalculie

Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique

Chronique rédigée par Charlie Correia — Journaliste

Née au Québec, j’ai eu le privilège d’aller dans une école publique de la province. Ce n’est pas une surprise pour les Québécois.e.s : notre système d’éducation n’est pas le meilleur sur terre. Mais pour un.e enfant comme moi, avec des difficultés d’apprentissage et un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), c’était l’enfer sur terre.

J’ai trois ans quand le diagnostic tombe : TDAH. On me médicalise et je me dis que tout va bien aller. Mais surprise : j’excelle dans toutes les matières à l’école, sauf en mathématiques. Bizarre. Selon mes enseignant.e.s, j’étais paresseuse et je refusais de faire des efforts. Ma mère se battait pour leur faire comprendre que ce n’était pas un manque de volonté, mais bien une difficulté réelle. Une évaluation en neuropsychologie a suffi pour qu’un deuxième diagnostic tombe à mes 13 ans : dyscalculie

La dyscalculie est un trouble des apprentissages encore méconnu du public. Il touche la sphère de la numératie, c’est-à-dire la capacité du cerveau à comprendre et manipuler les concepts mathématiques. Pour simplifier, les personnes atteintes de cette condition éprouvent de la difficulté à utiliser, à interpréter et à communiquer avec les nombres.

Concrètement, cela se manifeste par des lacunes à compter sans utiliser ses doigts, des problèmes d’orientation spatiale et, dans mon cas, une difficulté à lire une horloge – cela me prend du temps. Mon esprit met du temps à distinguer la gauche de la droite, et réaliser des inférences représente pour moi un véritable casse-tête.

Confusion entre « paresse » et troubles d’apprentissage

Mon parcours scolaire s’est relativement bien passé, sauf quand je mettais les pieds dans un cours de maths. Au moment où j’entrais dans la classe, toute mon estime s’évaporait. J’aurais aimé qu’un.e professeur.e vienne me voir pour tenter de m’aider, mais certain.e.s ne voulaient pas s’investir dans mon cas.

Au primaire, ma mère a dû rencontrer des éducateur.ice.s à de nombreuses reprises parce qu’ils.elles me prenaient encore pour une paresseuse. Jusqu’au jour où, lors d’un énième rendez-vous avec ma mère, l’un d’entre eux.elles m’a demandé de résoudre un problème « simple » et que je n’y suis pas arrivée. C’est à ce moment que mon trouble d’apprentissage a enfin été pris au sérieux.

Comme si ce n’était pas assez, j’ai aussi un diagnostic de TDAH. Oui, je suis sous médication, mais il y a des jours où la pilule ne fait tout simplement pas effet, et je deviens facilement distraite. En plus des efforts titanesques que je devais (et que je dois toujours) fournir dans certains de mes cours pour me concentrer, il me fallait en fournir le double pour comprendre l’algèbre.

Un système d’éducation inadapté et discriminant

Le système d’enseignement public est, selon moi, catastrophique. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison qu’il reproduit des inégalités sociales en imposant un rythme unique à des élèves aux besoins très différents : ceux et celles qui comprennent plus vite se retrouvent à attendre que les autres les rattrapent, comme dans une course où les plus rapides sont contraints de freiner leur élan faute de relais à passer.

J’ai découvert que notre modèle éducatif est empreint de capacitisme. Que veut dire ce mot ? Il s’agit d’un ensemble de préjugés et de discriminations envers les personnes en situation de handicap. Dans l’éducation, le capacitisme se traduit par des pratiques qui valorisent certaines capacités jugées « normales » tout en marginalisant celles et ceux qui opèrent différemment.

Coïncidence ? Je ne crois pas ! Le système d’éducation privilégie ceux et celles qui comprennent rapidement la matière, tandis que ceux et celles, comme moi, avec un trouble d’apprentissage, tombent dans les failles du système et sont laissé.e.s de côté.

Les élèves sont habituellement évalué.e.s sur leurs capacités à recracher des connaissances qu’ils.elles ont étudiées la veille sur une feuille blanche, et non sur leur aptitude à mettre leurs acquis en pratique dans le monde réel. La véritable définition de l’intelligence, selon moi, est la capacité d’adaptation à son environnement, et non pas celle à se souvenir de toutes les formules mathématiques que les enseignant.e.s nous font avaler.

Certain.e.s élèves ont une pensée créative très développée, mais sont incapables de retenir la matière. Cela ne fait pas d’eux et elles des moins que rien, ils.elles apprennent simplement de façon différente. Pourtant, le système refuse de s’adapter à cette réalité et continue d’imposer un modèle unique, excluant une partie de la population étudiante.

« Mais, tu as obtenu ton diplôme, non ? »

Après des larmes, des jurons, beaucoup d’aide et des efforts herculéens, j’ai finalement obtenu mon diplôme d’études secondaires. J’ai bénéficié de l’aide cruciale de certain.e.s de mes enseignant.e.s, mais une petite partie du corps professoral, tout au long de ma scolarité, a tenté de me mettre des bâtons dans les roues.

Je pense notamment à mon enseignante de quatrième année au secondaire. Ce jour-là, j’avais oublié de prendre ma pilule pour mon TDAH et je « tombais dans la lune » plus facilement. Comme j’étais distraite, elle à arrêté son cours, m’a fixé, et m’a dit devant toute la classe : « Ça serait l’fun que t’écoutes, t’es en échec présentement. » Autant vous dire que j’avais envie de pleurer, et le peu de confiance en moi qui me restait à disparu avec ces paroles.

Quand je suis arrivée à l’université, j’étais tellement soulagée de ne plus avoir de cours de mathématiques traditionnels. J’appréhendais le cours de méthodes quantitatives imposé par mon programme d’études. Mes craintes se sont diluées puisque la professeure expliquait la matière d’une façon claire et, si j’avais des questions, je pouvais aller la voir. Je n’ai pas eu un A+, mais j’ai réussi mon cours.

J’ai donc un message pour les éducateur.ice.s (actuel.le.s et futur.e.s) : ne soyez pas comme mon enseignante de quatrième année, soyez comme mon prof de secondaire trois, qui, lorsque j’avais de la difficulté, a pris de son temps personnel pour me donner des cours le matin, sans être payé. Son soutien m’a encouragé à rebâtir ma confiance en moi. Sans lui, je pense que je n’aurais jamais eu mon diplôme secondaire. Ce sont des éducateur.ice.s comme lui qui aident les enfants avec des troubles d’apprentissages.

Le plus grand fléau, ce sont les micro-agressions au sein des salles de classe, qui détruisent la confiance et l’estime de ces jeunes. Ne croyez pas que les enfants sont paresseux.se. Faites des recherches, allez au-delà des étiquettes et éduquez vous sur les réalités de vos étudiant.e.s, car vos mots ont plus d’impact que vous ne le pensez.

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