
Budget fédéral : l’éducation postsecondaire et la francophonie sont-elles à l’ordre du jour ?
Budget fédéral : l’éducation postsecondaire et la francophonie sont-elles à l’ordre du jour ?
Crédit visuel : Élodie Ah-Wong — Directrice artistique
Article rédigé par Sandra Uhlrich — Journaliste
Le budget fédéral du gouvernement Carney a été adopté en Chambre le 17 novembre dernier, malgré un vote très serré (170 député.e.s pour, 168 contre). Il compte 559 pages et s’intitule « Un Canada fort ». Bien que des économies aient été envisagées, il prévoit des investissements accrus dans des domaines tels que les infrastructures, la recherche et l’innovation ainsi que la défense. Il ne semble toutefois pas comporter d’investissements clairs en francophonie et en éducation postsecondaire.
Recherche et innovation : un signal positif malgré les inquiétudes
Le gouvernement a mis en place des coupures de près de 15 % dans la plupart de ses ministères et organismes, afin d’économiser 60 milliards de dollars d’ici trois ans. L’objectif consiste, entre autres, à optimiser la fonction publique, à réduire les coûts de fonctionnement courants et les dépenses superflues.
Cependant, le secteur de la recherche a bénéficié, quant à lui, de coupures plus modestes, soit 2 % de réduction budgétaire pour les trois conseils : le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et l’Institut de recherche en santé du Canada (IRSC).
Julie St-Pier, vice-rectrice de l’Université d’Ottawa à la recherche et à l’innovation, voit cela d’un bon œil : « [Cette annonce] consolide la position des universités canadiennes comme pôles d’innovation qui contribuent à bâtir un pays plus résilient et prospère, et reconnaît que les universités font partie de l’économie du savoir. »
Le trésorier de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU), Yalla Sangaré, se réjouit également de voir le secteur de la recherche protégé. Selon lui, la recherche, dans le monde actuel, revêt une importance cruciale. Avoir des institutions postsecondaires de très grande qualité, « c’est devenu une question de sécurité nationale et c’est ce qui fonde une recherche de très grande qualité ».
St-Pier mentionne aussi l’investissement de plus d’un milliard sur 13 ans pour attirer des talents internationaux, notamment pour les chaires de recherche et les priorités scientifiques du gouvernement.
Malgré son appui à la mesure de recrutement de talents à l’international, Sangaré souligne le besoin d’investir dans la rétention de talents déjà au Canada, comme les jeunes doctorant.e.s, postdoctorant.e.s. Il rappelle notamment la perte de près de 13 000 emplois à travers le pays, en raison des difficultés financières rencontrées par de nombreuses institutions postsecondaires.
La crise des étudiants internationaux : un impact majeur
Cependant, Sangaré s’inquiète profondément des coupures importantes dans le nombre d’étudiant.e.s internationaux et internationales admis au Canada. Il se désole de cet impact, tant sur la diversité canadienne que sur le budget des institutions postsecondaires. Le budget prévoit de stabiliser les admissions à 155 000 étudiant.e.s internationaux pour 2026, comparativement à un plafond de 360 000 étudiant.e.s pour 2024.
Fabien Hébert, président de l’Assemblée de la Francophonie de l’Ontario (AFO), s’attriste aussi de cette situation :
« Toute cette histoire de restriction au niveau des permis d’études a vraiment terni la réputation du Canada à l’étranger »
- Fabien Hébert -
Il souligne notamment l’importance de l’immigration pour la vitalité de la francophonie canadienne.
Il note toutefois l’annonce de 97 millions sur cinq ans pour la reconnaissance des titres de compétences. Il souligne que cela pourrait aider l’immigration francophone, notamment en facilitant la reconnaissance des acquis pour les personnes diplômées à l’étranger qui rencontrent des difficultés à faire reconnaître leur diplôme, et qui sont peut-être déjà présentes au Canada.
Francophonie : des annonces encourageantes, mais insuffisantes
Hébert décrit le nouveau budget fédéral comme apportant plus de questions que de réponses. Pour lui, beaucoup de paramètres restent encore à définir.
Il mentionne différentes mesures positives, telles que les 78 millions $ annoncés pour soutenir l’offre de santé en français (déjà dévoilés à l’été 2025) ainsi que l’investissement dans le diffuseur public CBC-Radio-Canada. Hébert souhaite également que le gouvernement renforce le rôle de Radio-Canada afin qu’elle puisse pleinement jouer son rôle de tissu social pancanadien. Il affirme : « Si on veut s’assurer qu’on préserve une francophonie forte à travers le pays, on doit s’assurer que Radio-Canada joue son rôle. » Il souligne aussi les difficultés financières des radios communautaires francophones, pourtant essentielles à la vitalité des communautés francophones.
L’AFO, qui mène actuellement des États généraux sur l’Ontario français jusqu’en 2027, rappelle l’importance de la complétude institutionnelle : pouvoir vivre en français, du berceau à la tombe. Cela nécessite de se doter « d’institutions qui soutiennent notre francophonie dans tous les aspects de nos vies », selon Hébert.
Sangaré dit rester vigilant quant à l’ampleur réelle et à l’effectivité des investissements nécessaires en francophonie, afin de préserver la qualité de l’enseignement en français et la vitalité de la francophonie canadienne dans sa globalité. Pour lui, ce qui reste à voir, c’est comment les fonds seront répartis. Hébert attend également de voir l’impact des décisions des sous-ministres sur ces allocations.
