– Par D.D. –
Évènement et parole
Puisqu’il est de notre mandat journalistique de reprendre l’actualité, la chronique philo de cette semaine ne pourrait passer outre les incidents survenus au parlement cette semaine. En même temps, on s’interroge sur la nécessité de rajouter à la multitude de discours déjà proférés depuis ce malheureux drame.
Bien au-delà de la tragédie, le fait marquant demeure l’ampleur socio-médiatique entourant cet évènement. Je parle d’évènement, car c’est bien à cela que l’on a assisté mercredi dernier.
Pour reprendre les propos du fameux sémioticien français Roland Barthes, « toute secousse nationale produit une floraison brusque de commentaires écrits ». C’est qu’il identifie comme la parole qui rétrospectivement rend le fait, le drame ou la tragédie comme évènement potentiel.
Ce mercredi 22 octobre, cette secousse a littéralement eu l’effet d’une bombe et en un instant un essaim de paroles s’étaient propagées comme une trainée de poudre. Ainsi, entre le fait divers et l’évènement, le travail rétrospectif n’était plus nécessaire.
Les commentaires écrits déferlaient de partout au moment même que le drame se produisait. Dès midi, on était plongés au sein de l’évènementiel que chaque nouveau statut Facebook, que chaque nouveau tweet allait magnifier. C’est comme si entre ceux qui s’inquiétaient, ceux qui montraient leur solidarité, ceux qui posaient déjà leur analyse sur la situation, tous cherchaient, ce 22 octobre, à mettre sa petite participation.
De manière générale, lorsque j’assiste à ce type de réaction, un sentiment d’inconfort m’enviait quant à l’importance de ces voix qui s’élèvent de partout. En dehors du phénomène de mode, elle semble nous rassurer quant à notre participation à l’événement. Elle est devenue l’action même dans nos sociétés où chaque secousse devient subito-presto un évènement car l’accès aux commentaires écrits est démesuré. C’est à se demander que se passerait-il s’il fallait que les Gazaouis se mettent à Twitter. On s’en rendrait vite compte du caractère totalement assourdissant de la parole proférée à tout bout de champ et du caractère parasitaire de ces nouveaux médiums de communication.
Ces drames viennent aussi montrer à quel point nous avons intégré l’inertie comme composante de nos vies. Nous savons pertinemment que dans certaines contrées pas si lointaines, ce genre de drame est quotidien, nous affichons quand même de la stupéfaction lorsqu’il se produit dans nos cours, comme quoi l’illusion de sécurité que procure la vie dans les sociétés libérales entraine une insouciance généralisée. Lorsque de tels drames frappent à nos portes avec autant de fracas, on semble totalement désemparés et d’un coup, nous voyons que finalement notre palais de cristal ni garant de notre paix et de notre sécurité. Que les drames qui se produisent ailleurs sont aussi les nôtres