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Cinquième marche mondiale des femmes à Gatineau 

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21 octobre 2021

Crédit visuel : Dereck Bassa – Photographe

Article rédigé par Camille Cottais – Cheffe du pupitre Actualités

Dimanche 17 octobre dernier a eu lieu à Gatineau la Marche mondiale des femmes en Outaouais. La Marche mondiale des femmes est un mouvement international né au Québec en 2000 suite à la Marche Du pain et des roses de 1995. Présente sur tous les continents, elle se déroule tous les cinq ans afin d’interpeller les gouvernements et de sensibiliser la population quant aux discriminations et inégalités vécues par les femmes.

Les manifestant.e.s se sont réuni.e.s à 13 h au Quai-des-Légendes, à Gatineau. La marche, initialement prévue en 2020, avait été annulée en raison de la crise sanitaire. C’est donc en 2021 que se sont retrouvé.e.s les marcheur.euse.s pour la cinquième Marche mondiale des femmes organisée à Gatineau. Beaucoup de politicien.ne.s étaient présent.e.s, comme le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, le député fédéral libéral de la circonscription de Gatineau, Steven MacKinnon, ou encore la députée provinciale libérale de Hull, Maryse Gaudreault.

Partout dans le monde, les manifestant.e.s se sont réuni.e.s autour du slogan « Résistons pour vivre, marchons pour transformer » et de cinq thématiques en découlant : la pauvreté, les violences faites aux femmes,  les femmes autochtones, les femmes migrantes, immigrantes et racisées et la justice climatique.

De nombreuses revendications

Plusieurs discours autour de ces thèmes, traduits en langue des signes québécoise, ont été prononcés pour appuyer les revendications. Le premier a été prononcé par Laurence Meilleur, étudiante à l’Université d’Ottawa (U d’O) à la maîtrise en études féministes et de genre. Meilleur s’est rendue à la marche pour affirmer sa solidarité avec les femmes du monde entier, car l’égalité est, à son avis, loin d’être atteinte, certains acquis pour les femmes étant toujours fragiles et menacés. 

Chantal Courchesne fait partie de l’équipe d’Option Femmes, un organisme en employabilité qui lutte pour l’autonomie économique des femmes et la valorisation de la main-d’œuvre féminine. Interrogée sur ses raisons d’être à la marche, Courchesne rappelle l’importance de la reconnaissance du travail des femmes, qui ont souvent des emplois précaires et moins bien rémunérés que ceux des hommes.

Annick Brazeau est quant à elle directrice de la maison d’hébergement pour victimes de violence conjugale pour Elles des deux Vallées. Elle revendique plus de financements pour les maisons d’hébergement, avec davantage de logements abordables disponibles pour les femmes quittant leur conjoint violent, mais aussi une amélioration du système de justice qui ne répond, selon elle, pas adéquatement aux besoins des femmes victimes de violence : « Les femmes portent plainte et cela n’aboutit pas ou bien les peines ne sont pas assez sévères, ce qui les décourage », explique-t-elle.

Finalement, elle souligne l’importance de la prévention et de la sensibilisation dans les écoles. Encore aujourd’hui, elle remarque que certaines femmes ne se rendent pas compte qu’elles sont victimes de violence, et qu’il est donc nécessaire de démystifier la violence, trop souvent considéré comme étant uniquement physique.

Sandrine Vallée, étudiante à l’U d’O en maîtrise de sociologie avec une spécialisation en études féministes et de genre, est venue à la Marche avec son conjoint. Elle tenait une pancarte marquée de la citation d’Audre Lorde « Je ne suis pas libre tant que n’importe quelle autre femme est privée de sa liberté, même si ses chaînes sont très différentes des miennes », et souligne l’importance de la prise en compte de l’hétérogénéité des femmes.

Un accent sur les femmes autochtones

La solidarité avec les peuples autochtones était un des thèmes centraux de la Marche cette année. Dans son discours, Meilleur déclare : « Nous exigeons avec nos sœurs autochtones que la justice s’applique pour que les filles et les femmes autochtones obtiennent réparation et respect de leurs droits et que les forces policières cessent leurs pratiques de profilage racial. » Elle rappelle que les femmes autochtones ont onze fois plus de risque de se faire interpeller par la police que les femmes blanches.

Le comité organisateur de la Marche a invité les manifestant.e.s à porter du rouge pour rendre hommage aux filles et aux femmes autochtones disparues. L’aînée anichinabée Claudette Commanda était également présente et a prononcé un discours à la Place Abinan, un lieu de mémoire autochtone.

Commanda a affirmé vouloir la sécurité, la justice, l’égalité et la solidarité pour toutes les femmes. « Dans un pays comme le Canada qui se dit tellement généreux, progressiste et tolérant, pourquoi y a-t-il tant de violence contre les femmes ? », se demande-t-elle. Elle a prononcé quelques mots à la mémoire de Joyce Echaquan, un an après son décès. Mère de quatre enfants et grand-mère de dix, Commanda veut « que [s]es petits-enfants puissent vivre dans ce pays sans s’inquiéter d’être adoptés, assassinés ou portés disparus ».

Une marche pas assez contestataire ? 

Une manifestante interrogée après la Marche et qui souhaite rester anonyme s’est montrée très critique de celle-ci. Selon elle, la Marche ressemblait davantage à une parade festive qu’à une marche contestataire et radicale.

Le féminisme défendu par la Marche était selon elle très blanc, insistant sur la sororité internationale sans tenir compte véritablement des différences entre les femmes. Elle regrette qu’il n’y ait eu aucune mention de handicaps ou des enjeux LGBTQI+. De la même façon, les discours ont beaucoup insisté sur la binarité de genre alors qu’il ne s’agissait pas nécessairement, rappelle-t-elle, d’une réalité des peuples autochtones avant la colonisation. Les personnes autochtones queer ou bispirituelles ne se reconnaissant pas dans cette binarité de genre ont selon elle été oubliées.

Sur la page Facebook de l’événement, on peut lire que « le service de police de Gatineau s’assurera de la sécurité » en encadrant la Marche. Pourtant, selon cette source anonyme, la présence de la police ne crée pas un environnement sécuritaire, les communautés autochtones et racisées ou encore les travailleuses du sexe étant victimes des violences de cette même police. Selon elle, la Marche était trop libérale et pas assez radicale, croyant dans la police et le système de justice actuel. Elle qualifie ce féminisme de carcéral et de réformiste, et ainsi d’inefficace pour remettre en cause le système dans son ensemble.

Cette manifestante anonyme a également été surprise par la présence de tant de député.e.s à la Marche et se questionne sur celle-ci : « Les discours font des demandes au gouvernement, mais celui-ci est sous leurs yeux et marchent avec eux. Comment sommes nous censé.e.s penser que cette marche est solidaire avec les femmes autochtones alors qu’il y a tant de vecteurs de violence à la Marche avec nous ? » Elle juge ainsi violente la présence des député.e.s, car c’est en partie de ces dernier.ère.s que proviennent le manque d’action et la violence envers les peuples autochtones.

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