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Arts et culture

Conter l’Acadie avec Rémi Belliveau 

Marie-Ève Duguay
18 novembre 2021

Crédit visuel : Annie France Leclerc – Courtoisie 

Entrevue réalisée par Marie-Ève Duguay – Cheffe de pupitre Arts et culture

Rémi Belliveau est artiste interdisciplinaire et musicien.ne originaire de Memramcook au Nouveau-Brunswick. À travers son œuvre, iel s’intéresse surtout à la culture et au style de musique rock acadien. Belliveau partage aujourd’hui son parcours, ses démarches artistiques et son expérience en tant que finaliste pour le grand prix Sobey pour les arts.

La Rotonde (LR) : Comment est née votre carrière en arts ?

Rémi Belliveau (RB) : Je viens d’une famille musicale, et donc j’ai toujours eu un penchant pour la créativité. La musique a été ma première voie de création.

J’ai découvert les arts visuels de manière plutôt anodine à l’Université de Moncton. C’est là que j’ai fait mon baccalauréat dans le but de devenir enseignant.e. J’ai rapidement compris que ce n’était pas ce que je voulais faire, du moins au niveau primaire et secondaire ! Il était pourtant clair que j’étais artiste.

J’ai donc commencé à faire de l’art et j’ai compris que les arts visuels englobent plusieurs approches. Ce sont les approches interdisciplinaires qui m’intéressaient surtout, puisqu’elles me permettent de combiner la musique, la recherche, les dispositifs de présentation et les archives, entre autres. Je suis présentement en train de terminer ma maîtrise en arts visuels à Montréal.

L’art est un métier qui me permet de faire tout ce que je veux faire.

LRComment décririez-vous votre approche artistique ?

RB : Mon approche est interdisciplinaire. Je m’intéresse surtout à la musique, quoique certains de mes projets n’y touchent pas du tout. Les archives historiques et les artefacts jouent également un rôle important dans mon approche.

J’aborde souvent l’histoire, et je remarque de plus en plus que j’intègre beaucoup de fiction dans mes œuvres. Je me sers de la fiction comme stratégie pour explorer des histoires alternatives venant d’une communauté, celle de l’Acadie, qui est peu documentée et très fragmentée. Il est intéressant pour moi d’explorer les vides de l’histoire et de les compléter à l’aide de personnages et d’événements dans mes œuvres.

LR : Vous vous intéressez beaucoup à l’Acadie dans vos œuvres. Qu’est-ce qui vous interpelle le plus vers ce côté historique ?

RB : Je viens d’un petit village en Acadie. Il y a environ 3 500 habitant.e.s à Memramcook. Il n’y a pas d’ambiguïté quant au fait d’être Acadien.ne dans un contexte comme celui-là.

Étant une petite communauté, l’Acadie n’a pas toujours eu les moyens de se documenter. Par exemple, on en sait très peu sur les Acadien.ne.s qui ont vécu avant le 19e siècle. On en sait encore moins sur leurs perspectives, puisque c’était des gens qui souvent étaient illettré.e.s et qui ne pouvaient pas documenter leurs propres histoires.

Depuis ce temps-là, il y a eu un énorme mouvement de documentation, mais il n’y a pas beaucoup d’historien.ne.s qui s’intéressent à des sujets spécifiques. Cela participe énormément à la manière dont nous commémorons les choses, et le tout tombe à l’oubli. Je m’intéresse à l’histoire du rock acadien, mais il n’y a presque pas de documentation à ce sujet. À travers ma pratique, je fais de la recherche exhaustive et j’essaye de combler des vides avec de la fiction.

Je ne cherche pas à combler toute l’histoire de la région, je ne suis d’ailleurs ni historien.ne ni musicologue. Je suis artiste. Mais j’essaye d’aller le plus loin possible avec les thématiques qui me passionnent. La recherche que je fais est quand même valide ; je ne vois pas pourquoi je la garderais en archive !

LR: Vous avez récemment été finaliste pour le grand prix Sobey, qui vise à récompenser annuellement un.e artiste canadien.ne contemporain.e. Comment s’est déroulée cette expérience ?

RB : Dans les années précédentes, il n’y avait jamais d’artistes acadien.ne.s sur la liste des nominé.e.s pour le prix. Je me disais donc qu’il était totalement inatteignable. C’était une énorme surprise de me faire nominer et de faire la longue liste. Je ne m’attendais encore moins à faire la finale. Je n’y crois toujours pas, d’ailleurs ! C’était vraiment magique.

C’est une reconnaissance que je partage avec la communauté acadienne. Nous sommes très peu d’artistes acadien.ne.s, et c’est dommage, parce que nous avons du travail de qualité qui se fait au sein de la communauté. On manque beaucoup de visibilité.

C’est cliché à dire, mais je suis devenu.e ami.e avec les quatre autres femmes qui ont été nominées et nous avons développé une belle complicité. J’ai ressenti une sorte de magie cette année, et je suis très fier.ère d’avoir eu la chance de participer. L’amour était dans l’air !

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