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Arts et culture

Lutter pour exister ; le combat d’un peuple ignoré

Culture
10 mars 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Critique rédigée par Aïcha Ducharme-LeBlanc – Cheffe du pupitre Arts et culture

Le documentaire Tintamarre : La piste Acadie en Amériqueréalisé en 2005 par le cinéaste André Gladu, célèbre la résilience du peuple acadien. Plus de 200 ans après leur déportation de l’Acadie tout autour de l’Atlantique, leur culture est bien vivante et continue de s’épanouir, malgré la difficulté. En ce mois de la francophonie, découvrons la lutte de nos confrères et consoeurs francophones des Maritimes !

Aujourd’hui, il y a plus de trois millions de personnes d’origine acadienne en Amérique du Nord, dont les ancêtres ont fondé la première colonie du continent. Dans son documentaire, Gladu cherche à répondre à la tristement fameuse question : « Pourquoi les Acadien.ne.s doivent-ils.elles continuer à lutter pour se faire entendre ? »

Tradition et passion

Le mot « Tintamarre » dans le titre du film fait référence à une tradition de la communauté acadienne qui perdure depuis un demi-siècle déjà. Celle-ci consiste à défiler dans les rues en faisant beaucoup de bruit, afin de démontrer la vitalité du peuple.

« L’idée, c’est de faire un maximum de bruit pour être certain.e.s que les Anglais.e.s nous entendent et continuent de réaliser qu’on est ici », explique Jean-Marie Nadeau, journaliste et syndicaliste acadien, dans le documentaire. Organisé pour la première fois en 1955 pour commémorer le bicentenaire de l’expulsion de leurs provinces, le Tintamarre est célébré lors du 15 août, fête nationale des Acadien.ne.s.  

Passé toujours douloureux

L’un des points saillants de l’œuvre de Gladu est de mettre en lumière le passé souvent méconnu des Acadien.ne.s, et les efforts faits pour réhabiliter la mémoire collective. La Déportation, aussi nommée le Grand Dérangement, est un moment historique pénible pour tou.te.s ; après plusieurs tentatives de soumission du peuple à leur autorité, les Britanniques ont décidé de les expulser hors de l’Acadie par la force. Le réalisateur décrit cette opération comme « une des pires atrocités commises dans l’Amérique » ; c’est effectivement là un des premiers exemples de nettoyage ethnique du continent.

La plus grande tragédie selon Gladu, reste que les historien.ne.s, en particulier anglophones, minimisent l’ampleur de ce crime de guerre, et tendent à vouloir effacer l’histoire. Ainsi, reconnaître les efforts des militant.e.s, comme Jonathan Fowler, ou la cellule Beaubassin, est primordial pour rendre justice à ce peuple ignoré pendant si longtemps.

En regardant le film, j’ai été très surprise d’apprendre que de nombreux endroits au Nouveau-Brunswick (NB) et en Nouvelle-Écosse portent encore les noms de violents colonisateurs britanniques. La ville de Moncton au NB et l’Université de Moncton tiennent leur nom de Robert Monckton, administrateur colonial britannique ayant activement participé à la Déportation des Acadien.ne.s. 

Si le Grand Dérangement peut sembler lointain dans le passée, le Confederation of Regions Party du NB, réaffirmait dans les années 1980 et 1990, un fort sentiment anti-acadien, en affirmant « stopper la domination des minorités » dans la province. Plus récemment encore, le Premier ministre Blaine Higgs s’est opposé au bilinguisme officiel. Ainsi, les droits linguistiques des Acadien.ne.s et la préservation de leur culture sont toujours des enjeux d’actualité.

Identité francophone

Ce qui m’a particulièrement marquée dans la création cinématographique de Gladu, c’est son attention particulière à la valorisation d’une identité francophone. Quand un peuple a été réprimé et méprisé, il est d’autant plus difficile de fomenter une fierté culturelle et collective, comme le prouve l’entretien de Gladu avec Donna Doucet, une Acadienne qui a été élevée par ses parents pour être anglophone. Mais pour elle, apprendre le français a été un moyen, plus tard, de découvrir et d’apprécier son histoire et son identité.

Dans cette optique, le Tintamarre est bien plus qu’une manifestation des revendications de la communauté acadienne. C’est une question d’éducation, d’identification à une culture vivace, et de promotion d’une identité avec fierté pour des générations d’Acadien.ne.s à venir. 

En tant que Franco-ontarienne qui a grandi dans la méconnaissance de sa propre culture et de son héritage, le contenu de ce documentaire touche mon cœur. Il met en lumière des réalités des minorités linguistiques et culturelles qui sont bien trop souvent prises à la légère, voire invisibilisées. Une chose est certaine, je suis solidaire avec mes homologues acadien.ne.s. Je trouve leur lutte inlassable pour la reconnaissance de leur dignité très inspirante.

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