Inscrire un terme

Retour
Actualités

Mon français, mon identité, ma fierté

Actualités
4 mars 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Chronique rédigée par Marie-Ève Duguay – Journaliste

Organisé tous les ans à travers le monde, le mois de la francophonie a pour but de célébrer la langue française et de promouvoir ses diverses expressions culturelles. Alors qu’il se déroule en mars au Canada, c’est pour moi l’occasion parfaite de réfléchir sur la place qu’occupe le français dans ma vie et dans un milieu minoritaire comme en Ontario. 

J’ai grandi dans une famille entièrement franco-ontarienne ; mon père est né à Smooth Rock Falls, une petite ville dans le nord de la province, et ma mère est originaire d’une famille francophone établie à Ottawa. Mes deux sœurs, mon frère et moi avons grandi avec la musique de Carmen Campagne, les livres de Martine, et les épisodes de Dans une galaxie près de chez vous qui jouaient en rafale sur VrakTV.

La langue française a donc toujours été importante chez moi. Alors je vous laisse imaginer ma surprise quand j’ai découvert que le français ne tenait pas autant à cœur à mon entourage, et que des limites étaient constamment imposées aux francophones. 

Accessibilité restreinte

Les défis qui viennent avec le fait d’être francophone dans un milieu minoritaire se font surtout ressentir dans l’offre des services dans leur langue, et ce malgré la loi sur les droits aux services en français en Ontario. Que ce soit au téléphone avec Service Canada ou simplement au service au volant du Starbucks près de chez moi, j’attends souvent un temps fou pour pouvoir me faire servir en français. J’ai un peu honte de l’admettre, mais j’ai souvent cédé et accepté de l’aide en anglais. 

Avec la pandémie, de nouvelles difficultés se sont présentées pour les francophones de la province. Les conférences de presse unilingues, les communications uniquement disponibles en anglais, et les ordres de Ford nous invitant à stay à la maison ont effectivement engendré des complications pour la communauté franco-ontarienne. C’est un problème qui nous accable, bien qu’il ne soit pas le seul sur la liste. 

Insécurité linguistique 

Si la difficulté des services accessibles dans la langue est un frein à l’épanouissement de la francophonie en Ontario, je crois qu’une difficulté encore plus grande s’impose : celle de l’insécurité linguistique. « Le français, c’est pas cool ! » ; voilà l’une des phrases qui se faisait souvent entendre dans les couloirs de mon école secondaire. Pourtant, je ne peux rien reprocher à mes ancien.ne.s collègues de classe. En effet, à force de se faire corriger, parler français peut rapidement devenir très décourageant. 

C’est malheureusement une réalité que nous vivons perpétuellement en milieu minoritaire. Il s’agit d’ailleurs d’un point qui a été soulevé il y a quelques années par Denise Bombardier, qui avait critiqué sur l’émission Tout le monde en parle la qualité du français de la Franco-Ontarienne Caroline Gélineault. Bombardier lui a suggéré de « passer tout de suite à l’anglais », puisque ses propos et ses expressions s’éloignaient un peu du « vrai français » que tenait tant à défendre la chroniqueuse. 

J’ai souvent vécu des expériences similaires. Aujourd’hui même, je me fais encore reprendre par des client.e.s au travail parce que j’ai osé dire qu’il fallait « faire sûr » que leurs produits soient disponibles. Les Québécois.e.s reconnaissent bien l’insécurité linguistique qu’ils éprouvent face aux Français.e.s, mais ils ne se rendent pas souvent compte qu’ils.elles produisent le même sentiment chez les francophones qui viennent d’ailleurs. Ce genre de commentaires peut pousser les gens à se renfermer et à renier leur propre langue.  

Richesse dans la diversité 

En tant qu’étudiante en lettres françaises à l’Université d’Ottawa, je côtoie quotidiennement des gens qui proviennent de milieux francophones différents. Nous parlons tou.te.s un français teinté de cultures diverses et, franchement, c’est beau à voir et à entendre.

Le bilinguisme des services sur le campus reste à désirer, mais la communauté francophone reste serrée. Si notre rapport à la langue varie, nous avons tou.te.s au moins une chose en commun : nous faisons, tous les jours, le choix difficile de vivre en français dans une société majoritairement anglophone. Il est important de se demander pourquoi nous faisons ce choix en dépit des difficultés qui l’accompagnent. Pour moi, la réponse est simple ; le français n’est pas simplement une langue, c’est une partie de mon identité dont je ne suis pas prête à me défaire. 

Il faudrait donc laisser tomber les corrections, et commencer à apprécier les différentes façons de parler français. Le mois de la francophonie existe pour célébrer la langue sous toutes ses formes, que vous disiez « patate » ou « pomme de terre ». Le vrai français, ce n’est pas celui qui respecte au mieux les nombreuses règles de grammaire ou de syntaxe, mais c’est celui qui se porte avec fierté et qui ne discrimine pas. Plus nous acceptons les différents dialectes de la langue, plus nous pouvons construire une identité francophone inclusive, à l’image de notre communauté. 

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire