Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique
Article rédigé par Miléna Frachebois – Cheffe du pupitre Actualités
Depuis 2014, l’Université d’Ottawa (U d’O) a mis en place l’exonération partielle des frais de scolarité pour les étudiant.e.s internationaux.ales francophones, qui permettait aux étudiant.e.s internationaux.ales inscrit.e.s à temps plein à un programme d’études en français ou en immersion en français, de bénéficier des mêmes frais de scolarité que les citoyen.ne.s canadien.ne.s. Un nouveau programme de bourse remplacera cependant ce système dès la rentrée de septembre 2021 pour les nouveaux.elles admis.es.
Sanni Yaya, vice-recteur à l’international et à la Francophonie, précise que celle-ci a permis d’accueillir un nombre considérable d’étudiant.e.s francophones à l’U d’O. Bien que le total de ces étudiant.e.s ne représente que 30 % de la population universitaire, il mentionne la nécessité d’un rééquilibrage linguistique sur le campus de la plus grande université bilingue français-anglais du monde.
Choix stratégique
Ce choix de réforme s’inscrit dans le cadre des « priorités institutionnelles », énoncées dans le plan stratégique Transformation 2030 qui veut apporter une réponse plus « robuste » et mieux adaptée aux ambitions de l’Université, clarifie Yaya. Pour lui, cette réforme permet de favoriser l’excellence ; à travers l’octroi d’une bourse d’exonération, le mérite et le prestige sont mis en avant, permettant ainsi de recruter les meilleur.e.s étudiant.e.s et les meilleur.e.s chercheur.euse.s. Le vice-recteur croit que cette initiative est un bon moyen de se démarquer des autres universités. Il insiste sur le besoin de se réinventer et d’innover dans un contexte de concurrence entre les établissements de la région.
Yaya indique cependant que la bourse représente une valeur de 10 % inférieure à l’ancienne exonération partielle. Tim Gulliver, Commissaire à la revendication au Syndicat Étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO) décrit ce changement comme « inacceptable ». Il rappelle que les étudiant.e.s internationaux.ales anglophones ont déjà vu leurs frais de scolarité augmenter de 10 à 15 % ces dernières années, et dénonce que le même phénomène s’étend désormais à l’autre partie des étudiant.e.s internationaux.ales.
Gulliver souligne que cette augmentation n’est toutefois pas égale dans toutes les facultés. Selon lui, un.e étudiant.e qui commence ses études en Arts payera 9 160 $ pour deux sessions, contre 6 088 $ avec l’exonération partielle, ce qui représente une hausse de 50,5 %. Il compare cela avec les frais d’un.e étudiant.e qui rentre en soins infirmiers, et devra payer 15 941 $ contre 6 088 $ précédemment, soit une hausse 162 %.
Silence radio ?
Cette nouvelle mesure significative est pourtant passée « inaperçue », s’étonne Nicholas Bond, étudiant international francophone en théâtre, qui trouve la nouvelle particulièrement perturbante. S’il est soulagé de ne pas être affecté par cette nouvelle mesure, il reste déçu et surpris : selon lui, celle-ci peut diminuer les opportunités pour beaucoup d’étudiant.e.s qui auraient pu accéder à cette université uniquement grâce à cette exonération. Cette bourse est une façon de nier le fait que l’U d’O veuille augmenter les droits de scolarité des nouveaux.elles étudiant.e.s internationaux.elles francophones, s’exclame Gulliver.
Yaya rétorque qu’il ne s’agit pas d’une omission étant donné que les étudiant.e.s actuel.le.s conservent leurs conditions d’admission originales. D’après lui, puisque la bourse ne touche que les nouveaux.elles étudiant.e.s, il n’y avait pas lieu de communiquer cette décision aux étudiant.e.s déjà inscrit.e.s. Il précise cependant que les « communications ont été faites aux candidat.e.s à l’admission et auprès des divers partenaires qui travaillent avec l’Université sur les questions de recrutement ».
Mission de l’Université
Si dans le cadre de Transformation 2030, l’U d’O met, selon Yaya, la francophonie au cœur de ses priorités, Bond insiste sur le fait que cette réforme va à l’inverse des valeurs de l’Université et de son désir d’être parfaitement bilingue. Il croit que cela pourrait sincèrement nuire à son image, ainsi qu’à la démographie francophone de l’U d’O, qui verrait ses chiffres diminuer dans les prochaines années. Même s’il est trop tôt dans le cycle d’admission pour spéculer sur les conséquences de ces changements, Yaya démantèle cette idée et indique que les données préliminaires en date du 8 février soulèvent une augmentation de 25.8 % de la demande francophone internationale.
Pour Gulliver, il s’agit plutôt de faire face aux malheureuses coupures dans les budgets opérationnels des universités ontariennes du gouvernement Ford que d’agir pour l’excellence ou la francophonie. Ce qui est regrettable pour le Commissaire aux revendications, qui espère une éducation bilingue plus abordable, et de meilleure qualité. Il précise que les étudiant.e.s internationaux.ales représentent moins d’un cinquième de la population étudiante du premier cycle, et invite donc l’Université à trouver de l’argent ailleurs.