Crédit visuel : Camille Cottais – Rédactrice en chef
Chronique rédigée par Ismail Bekkali – Journaliste
L’été touche doucement à sa fin en même temps que le stage COOP de beaucoup d’étudiant.e.s de l’Université d’Ottawa. C’est l’occasion d’aborder la pertinence du système COOP et d’en réévaluer l’utilité. Les critiques des étudiant.e.s à ce regard sont loin d’être nouvelles, mais nous espérons un jour qu’elles soient écoutées.
La quête du saint stage
Comme chaque année, nombreux.ses sont ceux et celles n’ayant pas réussi à obtenir un stage d’été, et ce pour un florilège de raisons remettant en question l’utilité même de ce programme. La course aux stages débute dès le mois de janvier, ajoutant une pression supplémentaire tout au long du semestre pour nos concurrent.e.s. Chacun.e se démène pour jongler entre cours, lettres de motivation, emplois et entretiens d’embauche pour espérer décrocher le poste de ses rêves. Pour beaucoup, les mois s’écoulent en même temps que les prétentions professionnelles baissent. Qualifier la recherche de stage COOP de course est un euphémisme. Il s’agit en réalité d’une rude compétition de candidatures et de privilèges au sein d’un marché du travail saturé. Mais n’ayez crainte, car le bureau COOP prétend pouvoir vous épauler durant vos recherches…
Le personnel de ce bureau, aussi bienveillant soit-il, ne peut pas vous offrir un emploi sur un plateau d’argent. Leurs conseils et révisions de CV, bien qu’utiles, sont un minimum syndical pour paraître un tant soit peu qualifié.e auprès des employeur.se.s. Le programme COOP s’avère être une expérience extrêmement solitaire, une traversée du désert, vous laissant un goût amer pour des frais beaucoup trop chers. Payer jusqu’à plus de mille dollars pour une formation professionnelle offerte gratuitement par d’autres organismes de l’Université ressemble plus à un vol déguisé qu’à un service. Une escroquerie qui vous est imposée à chaque début de stage, vous amenant à vous interroger sur la nature des services pour lesquels vous payez. Le bureau COOP est supposé, en échange de cette rémunération, vous donner accès à un bassin d’offres d’emplois restreint et réservé aux étudiant.e.s. Un bassin qui serait donc inaccessible aux autres candidat.e.s. Ce n’est pourtant souvent pas le cas.
Le profil du stagiaire idéal
Linkedin, FSWEP, COOP-index et bien d’autres plateformes de recherche d’emploi vous feront réaliser la similarité flagrante entre les offres listées sur le navigateur COOP et celles de ces applications. Les employeur.se.s, comme il est d’usage sur le marché du travail, ratissent à large échelle afin de trouver le profil idéal. Le.la candidat.e parfait.e serait, par nature, déjà expérimenté.e. Iel a à son actif les acquis de plusieurs stages passés, a des compétences techniques, maîtrise bien entendu un recueil de logiciels méconnus, et… est Canadien.enne.
Un établissement aussi international que l’Université d’Ottawa priorise en effet les candidat.e.s nationaux.ales. Bien que cela est loin d’être une spécificité de notre université, force est de constater que la citoyenneté est un critère de sélection plus que redondant. La réalité d’un marché du travail local dominé par le secteur de l’administration publique est révélatrice d’une vérité que le bureau COOP a du mal à admettre : le programme COOP n’est pas destiné aux étudiant.e.s internationaux.ales. Cela ne l’empêche pas bien sûr de promouvoir son programme auprès de cette population étudiante, tout en le facturant plus cher pour cette dernière. Les frais sont en effet de 1075 dollars par semestre pour les étudiant.e.s internationaux.ales, 855 pour les autres. Des frais devant être payés une fois au moment de l’inscription puis au début de chaque période de stage.
La mesure de prévention n’intervient qu’une fois que cette première facture a été payée et qu’un.e agent.e du bureau COOP vous prépare innocemment à l’éventualité du chômage. Les autres, béni.e.s de naissance par cette compétence professionnelle qu’est la nationalité, ne sont pour autant pas garantis de trouver un emploi.
L’expérience COOP : une leçon de vie
Revenons un instant sur le chemin de croix de nos pèlerins, ceux et celles ayant trouvé leurs saluts dans l’obtention d’un poste, symbole d’une première expérience de travail professionnalisante. Ces étudiant.e.s ont des chances de se faire embaucher par une entreprise externe, même si ceux et celles à la recherche de leurs premiers stages se retrouvent souvent à travailler pour l’Université. Car oui, l’Université d’Ottawa gracie nos chercheur.se.s d’emplois en offrant sur son navigateur une majorité de postes du Régime travail-études (RTE) recyclés pour tout juste convenir aux critères d’un stage COOP.
Et bien sûr, les emplois RTE ne sont pas renommés pour leurs tâches inspirantes et leur généreux salaire. C’est rarement par choix, mais plus par contrainte par rapport aux offres restantes que les étudiant.e.s se présentent aux entrevues pour ces postes. Le défi qui se pose alors est de convaincre l’employeur.se de sa « motivation » à réaliser des tâches stériles tout en se montrant, par humilité, satisfait.e d’être sous-payé.e. Ce genre d’expériences n’est pas une spécificité de notre université. La réalité est que l’on se retrouve trop souvent déçu.e de l’inexpérience qu’apporte un premier stage, qu’il soit interne ou externe au milieu universitaire. Cependant, la chute est d’autant plus vertigineuse compte tenu de la publicité faite pour le programme COOP et des frais qu’il entraine.
Rappelons enfin que les vécus qui sont décrits ici ne sont pas une généralité. Il est tout à fait possible d’avoir une expérience de travail enrichissante et de rencontrer des opportunités inespérées grâce au bureau COOP, puisse-t-on avoir le bon profil pour y accéder. Toutefois, la surabondance flagrante de ce genre de plaintes ne peut que remettre en question l’utilité de payer des milliers de dollars pour une simple mention sur un diplôme. À défaut de tenir ses promesses, ce programme aura en définitive le mérite d’apprendre à ses client.e.s une grande leçon d’humilité quant à la réalité du marché du travail. Les étudiant.e.s arrivent avec des étoiles dans les yeux, pour repartir avec les larmes sur les joues.