Inscrire un terme

Retour
Actualités

Coupures budgétaires à la FÉUO : Austérité et secret au pays de la justice sociale

Actualités
11 avril 2016

– Frédérique Mazerolle et Clémence Labasse –

Vingt-quatre étudiant.e.s ont soudainement perdu leur travail pour l’été, quand leur employeur a révélé par communiqué de presse jeudi 31 mars qu’il rencontrait quelques petits problèmes d’argent. Pour essayer de combler le trou dans les caisses laissé par le déficit récemment découvert de 1,6 million de dollars, la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) a en effet décidé de ne pas faire fonctionner 9 de ses 12 services habituels. Retour sur la débâcle d’un gouvernement à qui peu d’étudiants font encore confiance.

La nouvelle en aura étonné plus d’un. Il y a deux semaines, la FÉUO a révélé qu’elle serait déficitaire depuis maintenant près de 3 ans. Personne n’avait, semble-t-il, pensé à vérifier l’équilibre financier de l’organisation avant la mi-mars. Lors de son Assemblée générale, la Fédération a présenté aux quelques étudiants rassemblés un budget daté de janvier 2016, assurant que tous les petits déficits seraient comblés par le flot d’argent qu’apporterait la hausse de la cotisation en septembre. Les toutes dernières mesures imposées par la FÉUO auront cependant prouvé le contraire.

Austérité : les graines de la colère

24 employés ont ainsi perdu leurs emplois pour l’été, 16 n’ont pas vu leurs contrats être renouvelés, et la plupart des employés ont vu leur nombre d’heures être réduit. Le nombre d’activités sera aussi réduit pour le reste de l’année 2016-2017. À l’exception du Centre des droits étudiants, de la Banque alimentaire et de la Coop Vélo, tous les autres services seront fermés durant l’été.

Dans un courriel interne obtenu par La Rotonde, le comité exécutif explique que la plupart de ces services seront pris en charge par l’exécutif entrant dès le 1er mai, et ce jusqu’en août. Ceux-ci devront donc assurer le travail des employés de ces services et gérer 4 à 5 portfolios chacun. À ce jour pourtant, les nouveaux membres de l’exécutif n’en auraient pas tous été informés.

Ces décisions de dernières minutes ont tant choqué la masse des employés de la FÉUO que le syndicat SCFP4943 a organisé une Assemblée générale d’urgence le jour même.

Bastien Zara, traducteur à la FÉUO, n’a pas vu son contrat être renouvelé. Il avoue avoir ressenti « surtout de l’énervement et de la panique » suite à l’annonce des coupures.

Les employés se sont empressés de prendre les réseaux sociaux pour faire part de leur grande frustration et colère quant à ces décisions que certains jugent « arbitraires ». Lors de la réunion du Conseil d’administration (CA) du dimanche 10 avril, une pluie de critiques et de questions est tombée sur les membres de l’exécutif. Selena Hoffman, représentante de la Faculté des Sciences sociales, a lu au nom de 16 autres membres du CA une déclaration faisant part de leur désillusion par rapport à la fédération étudiante, qu’elle a par la suite publiée sur sa page Facebook.

« Au cours des dernières semaines, il est devenu évident que l’exécutif de la FÉUO a pris des décisions allant à l’encontre de la transparence ou de l’’accountability’ envers ses membres. En soutenant des mesures d’austérité, l’exécutif va à l’encontre des valeurs pour lesquelles le mouvement étudiant se bat », peut-on ainsi lire dans celle-ci.

Dans le courriel interne, les membres de l’exécutif expliquent que d’autres alternatives de coupures, comme l’annulation de la Semaine 101 ou la réduction des salaires de l’exécutif, ont été étudiées… mais que les coupures au niveau des ressources humaines étaient « la seule option viable et le dernier recours » pour la FÉUO.

D’où sort ce déficit? 
Dans le courriel, le comité exécutif explique aussi que la source principale du déficit serait l’assurance santé, qui causerait des soucis financiers à la FÉUO depuis 2013. L’exécutif explique que malgré le fait que le dernier référendum passé au mois de février dernier leur a permis d’augmenter les cotisations étudiantes pour le plan de santé cela ne permettra pas de combler les pertes déjà accumulées.

Ainsi, ce serait sous le premier gouvernement d’Anne-Marie Roy, et la vice-présidence aux finances de Dave Eaton, que tout cela aurait commencé. Selon une source interne, le déficit serait passé inaperçu lors de ses deux années en poste. Enfin, lors de la présentation du budget 2015-2016 au Conseil d’administration (CA) en août, celui-ci prévoyait un déficit deux fois plus gros que celui que rencontrait alors déjà la FÉUO. Celui-ci passa sans problème. La vice-présidente en poste, Taylor Davidson, a donné sa démission un mois plus tard, officiellement pour des raisons médicales.

Le présent comité exécutif aurait été informé par le département de la comptabilité de ces problèmes seulement deux semaines avant la publication du communiqué. Ils ont par la suite organisé un CA d’urgence, le 23 mars, pour en discuter. Les échanges sur le sujet ont pris place en huis clos.

Ce n’est qu’après l’annonce officielle que certains employé.e.s de la FÉUO ont reçu des courriels les informant de leur futur.

Adam Gilani était v.-p. aux finances un an avant que les problèmes ne commencent. Il explique : « Il y a vraiment deux sources à ce problème. Premièrement le problème de flux de trésorerie, mais surtout, c’est le fait qu’il existe de plus gros problèmes systémiques. Par exemple, à cause de la façon dont les référendums sont passés pour les services, on ne peut réallouer l’argent qui leur est attribué autre part. On se retrouve alors avec des services avec trop de fonds et d’autres qui n’en ont pas assez. De plus, à cause du règlement 7 de la constitution, le v.-p. aux finances doit présenter un budget qui ne prend pas en compte les revenus des commerces de la FÉUO, et donc incomplets. »

Il conclut : « Je pense que les décisions qui ont été prises par l’exécutif ne sont pas viables au long terme. Dans quelques années, le problème va revenir. »

Entre silence radio et contradictions

Officiellement, aucun mot n’a été prononcé sur le processus décisionnel ayant mené aux coupures.

Cependant, lors de l’Assemblée extraordinaire de SCFP4349 organisé pour informer tous les employés des derniers détails sur les coupes, les membres de l’exécutif auraient présenté une histoire inattendue. Selon une source au sein des employés présents, Nicole Maylor, v.-p. aux affaires d’équité, aurait indiqué que les administrateurs avaient eu l’opportunité de contester la décision de l’exécutif en ce qui concerne les coupes budgétaires, lors du huis clos.

Peter Baccin-Smith, représentant de la Faculté des arts au CA, nie cette version des faits. « Il n’y a pas eu aucun vote ou même débat sur les coupures d’emplois. Le plan nous a tout simplement été présenté », soutient-il. Selon les codes du Robert’s Rule d’ailleurs, il est illégal de faire un vote durant un huis clos.

Les employés et membres de l’administration ont également reçu un courriel la semaine dernière de la part du coordinateur de l’exécutif, Jesse Root, leur rappelant de ne pas commenter l’affaire. Lors des nombreuses tentatives de La Rotonde pour obtenir plus de détails sur la position de la FÉUO, Roméo Ahimakin, v.-p. aux communications de la FÉUO, nous a systématiquement reconduits vers le communiqué de presse.

 

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire