Crédit visuel : Antoine Jetté-Ottavi — Chef du pupitre Arts et culture
Chronique rédigée par Antoine Jetté-Ottavi — Chef du pupitre Arts et culture
Dans le cadre de la fête d’Halloween, je me suis récemment installé devant la télévision pour regarder des œuvres d’horreur bien connues du cinéma, comme Scream, American Psycho, Dressed to Kill ou encore la série télévisée Jeffrey Dahmer, disponible sur Netflix. Ces visionnements m’ont poussé à réfléchir et m’ont fait comprendre une chose : le cinéma glamorise les criminels.
Le message derrière le masque
Au mois d’octobre, nous voyons apparaître une grande diversité de costumes dans les magasins et, parmi eux, nous retrouvons les masques des tueurs en série les plus populaires. Même s’il n’est pas trop choquant d’enfiler les traits d’un personnage de fiction comme Ghostface, Jason Voorhees ou Michael Myers, c’est une tout autre histoire de croiser dans la rue les lunettes de Jeffrey Dahmers (actif de 1978 à 91), celles de Charles Starkweather (actif en 1957), la perruque d’Aileen Wuornos (active de 1989 et 1990) ou celle de Ted Bundy (actif dans les années 1970 et probablement avant).
Tous ces meurtrier.e.s ont inspiré de nombreuses histoires cinématographiques et sont devenu.e.s des figures populaires bien connu.e.s par le grand public. Il ne s’agit pourtant peut-être pas d’un choix judicieux de choisir ces personnages comme costume d’Halloween. L’idée peut d’abord paraître alléchante, surtout si nous voulons manifester notre intérêt pour un film ou une série. Mais voilà ce que nous ne devons pas oublier : il s’agit de vrai.e.s meurtrier.e.s, de vraies histoires, de faits vécus.
Qui sait qui vous croiserez lors de votre sortie d’Halloween ? Un.e survivant.e ? Un membre de la famille des victimes ? Nos choix ont des conséquences. Ces costumes imposent des sentiments de peur, de colère, de regret. Ces visages portent une connotation très lourde et négative : ils symbolisent la destruction, la violence, la torture, le crime, le meurtre. Ce sont des êtres ayant fait des choses horribles. Tout comme les costumes à caractère raciste, nous devons éviter de les porter afin de ne pas leur donner plus de visibilité.
La romantisation des criminels à l’écran
Avez-vous déjà remarqué que ce sont toujours les plus beaux acteur.ice.s qui se retrouvent dans la peau des criminels ? Entre Zac Efron incarnant Ted Bundy (Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile), Christian Bale dans le rôle de Patrick Bateman (American Psycho), Tom Hardy interprétant les jumeaux Kray (Legend), Johnny Depp sous les traits de Whitey Bulger (Black Mass) et Darren Criss jouant Andrew Cunanan (American Horror Story), il devient facile de romantiser ces criminels grâce à leurs visages bien connus.
Nous pouvons parfois remarquer une ressemblance frappante entre l’acteur.ice et le personnage qu’il.elle incarne, mais souvent, aucun lien ne peut être fait : cela laisse place au questionnement quant aux intentions avec le casting. Je pense notamment à Michael Stuhlbarg, qui a été sélectionné en 2010 pour représenter Arnold Rothstein, un baron de la mafia juive de New York. L’acteur aux talents indéniables est d’autant plus mis en valeur par son visage, qui est considéré comme étant attrayant. Or, quand nous le comparons avec les traits du mafieux, nous ne remarquons aucune ressemblance. Le choix du casting relevait-il réellement des talents de jeu de l’acteur, ou plutôt de son air charmant ?
Je souhaite également aborder l’effet « Ted Bundy », nommé après l’homme ayant fait plus d’une trentaine de meurtres et ayant marqué le monde des médias en raison de son beau visage. Il était si ravissant qu’il a récolté de l’empathie et plusieurs groupies lors de son tribunal. Les femmes lui envoyaient des lettres, des déclarations, des demandes en mariage. Comme il le faisait avec ses victimes, il se servait de son charisme pour charmer le peuple à travers l’écran. Cela vous fait-il penser à quelque chose ?
Je pense surtout aux criminels dont les actes sont pardonnés en raison de leurs belles apparences. Est-ce ce genre de société que nous voulons fonder, un monde d’apparence où l’acte devient futile ?
TikTok, tout un complice
Depuis qu’Halloween est passée et que mon visionnement de films d’horreur a augmenté, mon fil d’actualité sur TikTok affiche de plus en plus de cosplays et de montages vidéos sexualisant les criminels du cinéma.
Le plus populaire est certainement le tueur en série de la franchise « Scream ». Les gens portent le masque de Ghostface et se filment en suggérant un contenu érotique, souvent accompagné de néons rouges, de sang, de couteau ou de menottes. Des hommes musclés, des femmes à la robe ouverte sur leurs cuisses, un habit moulant : tout est permis pour rendre le personnage aguicheur. Cette tendance met en scène une homme portant le masque, qui demande à son accompagnatrice de sortir avec lui. Puis, dans une transition sonore, il l’agrippe par la gorge. Certain.e.s utilisateur.ice.s de l’application trouvent cela excitant : je crois pourtant que cela ne fait que participer à la glamourisation des criminels.
Nous devons faire attention au contenu que nous consommons et, surtout, à la manière dont nous le consommons. L’impact qu’a ce genre de contenu peut s’avérer plus négatif que nous le croyons. Rien n’est séduisant dans le fait de commettre des crimes : si votre seul péché mignon est le mystère derrière le masque, je vous suggère plutôt de chercher des options moins provocatrices, comme un casque de motocyclette. Qui sait, peut-être allez-vous avoir une meilleure ride que dans la van du Gripper ?