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Crise en Ukraine : La partition du pays de plus en plus plausible

Web-Rotonde
9 mars 2014

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– Par Samuel Lafontaine –

Depuis la mi-novembre, l’Ukraine fait face à une crise qui ne cesse de s’aggraver. Les manifestations citoyennes ont conduit à la démission du président pro-russe Viktor Ianoukovitch, qui s’est depuis réfugié en Russie. Cette dernière a envahie son voisin ukrainien en passant par la région autonome de Crimée. L’avenir politique de l’Ukraine semble désormais plus précaire que jamais.

L’héritage de la révolution de 2004

En 2004 déjà, avec la « révolution orange », les Ukrainiens protestaient contre les résultats du second tour de l’élection présidentielle, largement perçue par la société civile comme ayant été truquée par le clan au pouvoir. Mouvement pacifique, en grande partie organisé par les partis d’opposition, les manifestations ont débouché sur l’organisation d’un « troisième tour » et sur la victoire de leur candidat, Viktor Iouchtchenko, contre le dauphin du régime en place, Ianoukovitch. Dans la foulée, une nouvelle constitution a été adoptée. Cependant, les nouveaux dirigeants ont rapidement déçu les aspirations des manifestants en se montrant incapables d’endiguer la corruption qui gangrenait le pays. D’ailleurs, les vainqueurs de 2004 ont été les battus de 2010, année où le président récemment destitué, Viktor Ianoukovitch, avait été élu face à la première ministre sortante, Ioulia Tymochenko (pro-européenne), depuis accusée et emprisonnée pour corruption.

La crise actuelle

Dix ans après la révolution orange, qui avait soulevé beaucoup d’espoir dans cette ancienne république soviétique, des étudiants et des opposants du président Ianoukovitch se sont rassemblés le 21 novembre 2013 à Kiev, la capitale, pour manifester contre l’abandon d’un accord d’association entre leur pays et l’Union européenne. Moscou aurait fait pression sur Kiev pour que l’accord avec l’UE soit abandonné afin de conclure un accord économique entre les deux pays. Un accord qui a été signé le 17 décembre dernier et dont la pierre d’assise consiste en une réduction du prix du gaz et à un prêt de plusieurs milliards de la Russie à l’Ukraine. L’approvisionnement en gaz naturel est un enjeu important dans les relations russo-ukrainiennes. Il s’agit d’un atout important pour le géant russe, qui souhaite garder son voisin dans sa zone d’influence.

Les deux pays partagent une longue histoire commune, certains Russes considérant Kiev comme la première capitale de la Russie au Moyen Âge, et également plusieurs traits culturels communs, notamment la langue. En effet, si l’ukrainien est la langue officielle du pays, le russe reste largement parlé par la population de l’Est et du Sud du pays et bénéficiait jusqu’à récemment d’un statut de langue régionale, statut abrogé par la Rada le 23 février dernier. Cette division entre l’Est du pays, plus russophone et russophile, et la partie ouest, plus occidentalisée, s’explique par les anciennes divisions du pays au cours de son histoire. Polonais, Austro-hongrois et Russes ont à tour de rôle dominé ce territoire. La crise actuelle résulte des difficultés économiques, de la corruption et d’un rapprochement entre le régime et la Russie de Vladimir Poutine, qui a ravivé les anciennes divisions entre deux visions différentes qu’ont les Ukrainiens de leur pays. Dans ce contexte, les manifestations pro-européennes ont gagné en popularité partout au pays et ont provoqué la démission d’Ianoukovitch et le retour à la constitution de 2004, le 21 février 2014. Des élections présidentielles sont également fixées au 25 mai prochain. Entre le 18 et le 21 février seulement, 80 personnes seraient décédées et plusieurs centaines auraient été blessées à cause des manifestations et de la répression policière du régime. Le lendemain, le 22 février, l’ancienne première ministre, Ioulia Tymochenko, a été libérée de prison, où elle purgeait une peine d’emprisonnement pour corruption.

À la fin du mois de février, le président russe Vladimir Poutine a obtenu l’autorisation des parlementaires de son pays afin d’intervenir militairement sur le territoire ukrainien. L’armée a alors déployé au début du mois de mars plusieurs milliers de soldats en Crimée où, en vertu d’un accord avec les autorités ukrainiennes, elle possède des installations militaires. Au même moment, de petites contre-manifestations pro-russes ont pris place à l’Est du pays, comme par exemple à Donetsk où se sont réunies quelque 300 personnes le 3 mars. Le 6 mars, la Crimée, régione autonome correspondant à la péninsule du même nom et dont la population est majoritairement d’origine russe, a demandé à être rattachée à la Russie. Cette demande a vivement fait réagir les dirigeants européens et la communauté internationale.

Le gaz naturel et les tensions Kiev-Moscou

Au-delà de l’aspect culturel, il y a également l’aspect économique avec, comme mentionné plus haut, l’enjeu du gaz naturel. Environ un quart du gaz naturel consommé par les pays européens provient de la Russie et 60 % de ce gaz est acheminé à l’ouest par l’entremise de l’Ukraine, elle-même grande consommatrice de gaz notamment pour son industrie métallurgique. Le pays possède par conséquent une importante dette vis-à-vis de son voisin russe et celui-ci en profite pour transformer cette dette économique en influence politique. La compagnie gazière Gazprom a déjà par le passé joué le rôle de bras armé du gouvernement de Vladimir Poutine en provoquant deux crises d’approvisionnement, en 2006 et 2009, avec l’Ukraine.

Réaction canadienne

Au Canada, où vit une importante communauté d’origine ukrainienne, surtout présente dans les provinces des prairies, les réactions ont été pratiquement unanimes à l’encontre de l’intervention russe. Par la voix de son ministre des affaires étrangères, John Baird, le gouvernement conservateur a dénoncé une « agression à la soviétique » contre l’Ukraine, un pays où il s’est rendu dernièrement. Le ministre Baird, qui n’écarte pas des sanctions supplémentaires contre la Russie, n’envisagerait cependant pas une intervention militaire de l’OTAN contre les troupes russes en Ukraine.

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