Démocratie en péril : Le triomphe de l’extrême droite aux élections européennes
Crédit visuel : Camille Cottais – Rédactrice en chef
Chronique rédigée par Ismail Bekkali – Journaliste
C’est au cours de la soirée du 9 juin qu’ont été dévoilés les résultats des élections européennes. Alors que cette annonce a sonné le glas de la victoire de plusieurs partis d’extrême droite en Europe, elle a aussi suscité, dans le cœur de nombreux.ses électeur.ice.s, une réflexion plus générale sur l’actuelle orientation politique des pays de l’Union européenne (UE).
Dans mon cas, c’est l’écho médiatique des résultats de la France qui m’a inspiré le sujet de cette chronique, sans que les limites de ma réflexion s’en soient restreintes. Il ne reste que la victoire écrasante du Rassemblement National n’est qu’un exemple parmi d’autres : l’extrême droite est également arrivée en tête en Italie, en Autriche, en Hongrie et seconde au podium en Allemagne, en Pologne, ou encore aux Pays-Bas.
Comment expliquer un tel succès des partis d’extrême droite ? Pietro Castelli Gattinara, professeur de communication politique à l’université libre de Bruxelles, explique dans un podcast de Radio France que ces partis d’extrême droite attirent des électeur.ice.s en promettant une société homogène et sécuritaire. Une sorte de terre promise, sans les conséquences considérées comme indésirables de la mondialisation : migrant.e.s, cultures étrangères et autres religions minoritaires en Europe.
Un exemple illustrant ce genre de politiques est celui la Première ministre italienne Giorgia Meloni, qui s’est distinguée par son intolérance envers l’immigration, et ce dès le lendemain de sa prise au pouvoir en 2022. Elle a en effet défendu le projet d’ériger un « blocage naval » contre tout intrus méditerranéen. Cette politique migratoire irréaliste s’est heurtée à la réalité du vieillissement de la population italienne, et la Première ministre a été forcée de conclure des pactes avec l’UE qui ont atténué l’extrémisme de sa position.
Une normalisation progressive
La montée de l’extrême droite en Europe n’est cependant pas nouvelle, elle suit un long processus depuis une vingtaine d’années de montée en popularité, mais surtout de légitimisation progressive. Les politicien.ne.s d’extrême droite ne se considèrent plus comme extrémistes, mais comme porteur.se.s des voix du petit peuple, celui ayant du mal à compléter les fins de mois avec un salaire minimum. Pourtant, ce sont ces mêmes politicien.ne.s qui se retrouvent embarrassé.e.s lorsque leurs récents votes à l’assemblée sont évoqués sur les plateaux de télévision. Il est alors difficile d’ignorer des positions comme celles de Jordan Bardella, chef du Rassemblement National, ayant voté contre l’augmentation du salaire minimum en juillet 2022.
C’est toutefois le cas. Jordan Bardella répond aux vœux et espérances de certaines populations. Celles d’une jeunesse patriote, se sentant délaissée par les politiques actuelles, et parfois simplement convaincue par le beau faciès et la sympathie du jeune politicien.
L’Europe envahie par la droite ?
Les résultats des élections européennes démontrent une popularité grandissante des partis d’extrême droite en Europe, mais les médias jouent aussi un rôle en exagérant ce constat. Dans un entretien avec France Culture, Marion Van Renterghem, journaliste française, affirme que la sphère médiatique exploite la situation actuelle en créant un face-à-face entre la gauche et une droite extrémiste de plus en plus populaire.
Nous sommes alors amené.e.s à voir l’Europe comme divisée et complètement envahie par les partis d’extrême droite. Toute ? Non ! Un petit nombre d’irréductibles partis de gauche résistent encore et toujours à l’envahisseur. Tâchons de ne pas faire de la montée de l’extrême droite une généralité.
Pour illustrer cela, revenons sur les résultats des élections européennes un instant. Certes, la France, l’Italie, l’Autriche ou la Pologne sont des pays où l’extrême droite ressort victorieuse, mais ce n’est pas le cas pour de nombreux autres pays. En Allemagne l’AFD reste deuxième du scrutin derrière le traditionnel parti conservateur. En Espagne, contre toute attente, la gauche triomphe sous la bannière du parti socialiste et le parti d’extrême droite Vox, lui, n’est que troisième au scrutin. L’Espagne fait figure d’exception au sein d’une Europe où la droite conservatrice est majoritaire et la droite extrémiste gagne du terrain. La gauche fait aussi une entrée fulgurante en Scandinavie avec un triomphe de la gauche radicale au Danemark, en Finlande et en Suède. Une tendance qui pourrait s’expliquer par la droitisation à l’extrême des politiques de ces pays au cours des dernières années : le vote à gauche apparaît alors comme une réaction contestataire face à la montée de l’extrême droite.
L’importance de l’engagement politique
Il est évident que la gauche se fait pour le moins discrète en Europe de l’Ouest. « Où est la gauche ? » se demandent certain.e.s. Bien que la réponse à cette question ne m’ait pas été prodiguée par la providence, tâchons au moins d’apprécier l’effort de ceux et celles qui essaient de lutter contre l’extrême droite. Que ce soit en s’investissant en politique ou en rédigeant une simple chronique, il serait temps d’avoir conscience du pouvoir de la parole de chacun.e, et, pour les citoyen.ne.s européen.ne.s le pouvant, de faire honneur à ce concept abstrait qu’est la démocratie en allant voter.
Si la participation aux élections est en hausse dans certains pays, il subsiste un taux alarmant d’absentéisme dans les urnes. Un absentéisme qui ne peut que soulever, dans certains cas, l’hypothèse d’une victoire par forfait. Lorsque la moitié de la population européenne ne vote pas, il me paraît effronté de devoir supporter les plaintes de ceux et celles n’ayant pas fait l’effort de se déplacer pour aller voter. Je conçois que l’on puisse ne pas se sentir représenté.e.s par les instances dirigeantes, mais je ne conçois pas que l’on puisse les laisser gagner. Le vote d’opposition, bien que moins honnête, reste tout de même partisan du moindre mal.