– Par Émilie Deschamps –
Vendredi 23 novembre dernier, grâce à l’Association étudiante des cycles supérieurs en sociologie et anthropologie, une vingtaine de personnes a pu assister à une présentation du film Les boxeuses de Kaboul, en compagnie du réalisateur, Ariel Nasr.
Le documentaire, paru en 2011, suit trois jeunes boxeuses afghanes qui rêvent de représenter leur pays aux Jeux olympiques de Londres, en 2012. Le manque de ressources – les jeunes filles n’ont même pas de ring pour s’entraîner – et la pression sociale et familiale de ceux qui voient d’un mauvais œil des femmes faire de la boxe sont autant d’obstacles qui se dressent sur le chemin. Le film s’ouvre sur la première compétition internationale à laquelle les filles ont participé. Le tournage s’est poursuivi sur une période d’un an.
Une histoire inspirante sur la persévérance, certes, mais qui a aussi ses revers. Le réalisateur Ariel Nasr explique que l’une des jeunes boxeuses avait parfois l’impression d’être utilisée indirectement, bien qu’elle ne l’ait pas laissé paraître à la caméra: « Au niveau international, on veut montrer qu’on a atteint certains objectifs, surtout en ce qui concerne la situation des femmes, alors on leur dit: « Va chercher des médailles et revient », mais il y a peu de support réel offert. »
Nasr explique aussi que beaucoup de reportages sur ces jeunes filles ont été réalisés par des médias occidentaux. « Nous, [occidentaux qui sommes intervenus en Afghanistan,] voulons vraiment croire que ce que nous faisons là est positif. […] Les gens voient ça comme une lutte épique entre les valeurs orientales et les « bonnes » valeurs occidentales, qu’ils aiment voir triompher. » D’où cette fascination, selon lui, pour tout ce qui touche la condition féminine en Afghanistan.
La projection était suivie d’une discussion animée par Audrey Rousseau, étudiante au doctorat en sociologie, et par Nicolas Moreau, professeur à l’École de service social. Ce dernier a souligné la pertinence de la thèse du sport comme vecteur de résistance, apparue en sociologie du sport depuis une vingtaine d’années, pour analyser le documentaire. Audrey Rousseau a plutôt approché le sujet dans une perspective féministe.
Pendant un moment, le réalisateur a pensé faire une suite à ce film, alors qu’il semblait que Sadaf, l’une des boxeuses, allait participer aux Jeux olympiques. Mais un coup du sort dans une compétition asiatique a mis fin à cet espoir. Nasr travaille maintenant à un projet de film sur la justice et la corruption à Kaboul.
Le film Buzkashi boys, également produit par Nasr, pourrait être nominé pour un oscar. Il espère qu’une telle nomination pourrait amener un peu plus de visibilité au cinéma afghan, au niveau international. Nasr est d’ailleurs membre du Afghan film project, une organisation non-gouvernementale qui vise le développement de l’industrie cinématographique en Afghanistan.