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Sports et bien-être

Droits des personnes 2SLGBTQQIA+, reculs et consolidation

Sandra Uhlrich
1 juillet 2025

Crédit visuel : Ilia Bronskyi (Unsplash)

Article rédigé par Sandra Uhlrich — Journaliste

Dans plusieurs pays, dont la Hongrie, le Royaume-Uni, les États-Unis, et le Canada, des organisations internationales tirent la sonnette d’alarme quant à la fragilisation croissante des droits des personnes queer. À l’Université d’Ottawa (U d’O), des activistes s’organisent face à cette réalité mondiale afin de rendre le campus plus sécuritaire et inclusif, tant par les services que par les efforts de sensibilisation. 

La montée de politiques anti-2SLGBTQ+ au Canada

Dans les dernières années, des gouvernements provinciaux ont adopté des politiques restrictives envers la communauté 2SLGBTQQIA+, limitant l’accès aux soins d’affirmation de genre, l’utilisation des pronoms et prénoms préférés pour les mineur.e.s, ainsi que l’enseignement de la fluidité de genre.

En Saskatchewan, une loi adoptée en 2023, connue sous le nom de Loi sur les droits parentaux, oblige les écoles à obtenir le consentement des parents pour qu’un.e élève de moins de 16 ans change de prénom ou de pronom, même si cela va à l’encontre de sa sécurité.

Des politiques similaires ont été mises en œuvre au Nouveau-Brunswick, et en Alberta, où la première ministre Danielle Smith a annoncé son intention d’interdire l’accès aux bloqueurs de puberté pour les jeunes de moins de 16 ans et de resserrer l’accès à l’enseignement de la théorie du genre en milieu scolaire.

Certaines de ces mesures font l’objet de contestations judiciaires, notamment de la part de groupes de défense des droits 2SLGBTQQIA+ qui soutiennent que la loi enfreint plusieurs droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés.

La semaine dernière en Alberta, une juge a temporairement bloqué l’entrée en vigueur d’une loi qui aurait empêché les médecins de fournir des soins d’affirmation de genre aux jeunes de moins de 16 ans, reconnaissant un risque de « préjudice irréparable ».

Dakota Salva, coordonnatrice au Centre de la Fierté (un service du Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO)), remarque que, depuis le retour de Donald Trump à la tête des États-Unis et l’amplification d’un discours caricatural visant la communauté queer par des groupes conservateurs, il y a eu un changement de pensée : la haine s’exprime désormais de manière plus ouverte.

Statistiques Canada note une augmentation significative des crimes haineux envers la communauté 2SLGBTQQIA+ au cours des trois dernières années.

Campus : un bilan positif, mais toujours perfectible

L’U d’O reste un environnement sécuritaire pour la communauté queer, selon Salva. Elle.iel salue l’engagement de l’Université envers la diversité et l’accessibilité, même si des améliorations restent encore à voir.

La coordinatrice communautaire demande notamment à la nouvelle rectrice de l’Université, Marie-Eve Sylvestre, de rendre gratuites les démarches d’affirmation de genre, telle que le changement de prénom, et d’accélérer l’implantation de toilettes neutres sur le campus pour mieux servir la communauté 2SLGBTQQIA+.

D’après elle.iel, la manière dont les cours abordent les questions touchant la communauté queer et les minorités gagnerait à être revue. L’étudiant.e considère qu’il faudrait ouvrir la conversation et ne pas se contenter d’une mention superficielle en plus de souligner le caractère intersectionnel de ces différentes réalités.

L’Université ne participera pas au Défilé de la Fierté d’Ottawa en août prochain, révèle Salva; une décision sur laquelle elle.iel a cherché à obtenir des explications, sans réponse claire de l’administration.

Dans un communiqué publié en ligne l’an dernier, le SÉUO et le Centre de la fierté annonçaient que « l’Université [avait décidé] de se retirer du Défilé de la Fierté dans la Capitale du 25 août [2024] […] suite à l’opposition déclarée des organisateur.ice.s de l’événement au génocide en cours à Gaza ».

Un porte-parole de l’U d’O n’a pas immédiatement donné suite à une demande de commentaire de la part de La Rotonde.

Un engagement étudiant pour la sensibilisation et l’accessibilité 

Samuel Streicher, étudiant en médecine à l’U d’O et activiste queer, combine son bagage en bioéthique, études féministes et biologie pour intégrer les enjeux éthiques et médecine, tant dans ses recherches que dans sa future pratique.

Il insiste sur l’importance de créer des milieux où chacun.e peut être soi-même. Pour lui, il est crucial que les institutions et les sphères de pouvoir soient des lieux de diversité, afin de rendre compte des différentes perspectives et expériences lors de la prise de décisions politiques, médicales ou universitaires.

Salva informe que le Centre de la Fierté propose plusieurs services, notamment un accompagnement dans les démarches administratives liées à l’affirmation de genre ou encore un soutien par les pair.e.s.

Dans l’optique de renforcer un climat plus sécuritaire et accessible par des efforts de sensibilisation et de revendication, une équipe de bénévoles au Centre travaille actuellement à documenter l’histoire de la communauté 2SLGBTQQIA+ canadienne, qui, selon Salva, est souvent éclipsée par celle des États-Unis et de l’Europe.

Dans le même esprit, Streicher collabore avec Jack Lawrence, un étudiant de l’Université Lawrence (États-Unis), pour créer des outils mettant de l’avant les principales justifications bioéthiques en faveur des soins d’affirmation de genre.

Ce projet a pour but d’outiller les personnes transgenres lorsqu’elles doivent défendre leurs intérêts dans un contexte médical ou social. Samuel espère que cet outil contribuera également à démystifier certaines idées préconçues à l’endroit de la communauté transgenre.

Quand les sphères se répondent : soins de santé et luttes queers

Streicher partage le travail complémentaire fait par l’Association canadienne des étudiant.e.s 2SLGBTQIA+ en médecine (ACÉQM), qui a rendu publics des guides facilitant l’accès et l’offre de soins d’affirmation de genre dans les provinces canadiennes.

Toutefois, l’étudiant précise que le recul global des droits de la communauté queer doit être envisagé dans un contexte plus large. D’après lui, « il est important […] d’envisager également l’avenir et le bien-être d’autres groupes minoritaires : les soins de santé pour les femmes, les soins liés à l’avortement, les lois sur l’immigration, etc. »

Il ajoute : «  […] ces questions juridiques sont liées. Et si nous érodons les droits de quelqu’un, je pense que cela crée un précédent pour l’érosion des droits d’autres personnes. Il ne faut donc pas se contenter d’attendre que son groupe soit affecté. Il faut essayer de réfléchir à ce que vivent les autres minorités. »

Salva, quant à elle.iel, encourage chacun.e à s’impliquer à sa façon, de continuer à faire rayonner la diversité et la communauté queer, en soulignant qu’il n’y a pas besoin de s’identifier à celle-ci pour s’impliquer au sein de cette dernière.

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