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Trump, son mandat, ses effets et les élections américaines

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5 novembre 2020

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Par Miléna Frachebois – Cheffe du pupitre Actualités

Alors que le sujet des élections présidentielles aux États-Unis est sur toutes les lèvres, les résultats des dépouillements sont progressivement annoncés, état par état. À cette occasion, l’Association des étudiant.e.s d’histoire (AÉHSA) de l’Université d’Ottawa a organisé une conférence publique, virtuelle et bilingue le 3 novembre, intitulée L’élection américaine dans une perspective historique

Galen Perras, François Lalonde, Neil Soiseth, Godefroy Desrosiers-Lauzon et Heather Murray, cinq professeur.e.s d’histoire de l’Université y ont pris la parole, sous la forme de présentations individuelles. Chacun.e a pu y exprimer sa perception du mandat du président Donald Trump, et ses conséquences.

Mandat des changements

Perras a entamé la conférence en décrivant le Parti républicain actuel comme celui d’Abraham Lincoln, son fondateur. Il a défendu l’image d’un parti qui voulait, à l’origine, promouvoir l’ordre public et défendre les droits des Afro-Américains ; vision, selon lui, incompatible avec le républicanisme de Trump. Le panéliste a ensuite déclaré que le président ne s’est pas battu pour ces droits lors de son mandat, mais a cherché à « tromper le système, comme il essaie maintenant de le faire en bloquant le comptage des bulletins de vote ».

La discussion a ensuite été orientée par Lalonde, sur la manière dont Trump a modifié la façon d’enseigner l’histoire américaine. Il a déclaré avoir diversifié le contenu de ses cours depuis les élections de 2016, avec beaucoup plus d’histoire sociale et d’insistance sur les droits civiques. Selon lui, l’arrivée de Trump à la Maison-Blanche a fait de lui un meilleur professeur d’histoire, notamment en enrichissant le matériel de classe avec les différents événements médiatiques et scandales, et en provoquant un engagement plus accru des étudiant.e.s à ses cours. 

Afin d’illustrer cet intérêt croissant des jeunes pour sa matière, Lalonde a comparé la présidence de Trump avec celle de Barack Obama. Selon lui, ce dernier n’ayant pas provoqué de vagues majeures de scandales, il n’avait pas autant fait réagir les étudiant.e.s que son successeur, bien qu’il ait été très apprécié par une majorité d’entre eux.elles. Trump a, quant à lui, ébranlé la toile médiatique ; il est donc essentiel de parler de lui, a insisté le professeur. 

Prévoir l’imprévisible

Pour Soiseth, la présidence de Trump a fait ressortir une tendance populaire dite malavisée et malencontreuse : la tentative de prédiction des élections et de leurs enjeux. Dans sa présentation The Folly of Confident Readings of what Elections Mean in the Moment, ou le danger des interprétations sur ce que signifient les élections dans le moment présent en français, il a analysé des mandats présidentiels du XXe siècle, tout en expliquant en quoi ils étaient imprévisibles. 

Il a utilisé sa propre expérience des élections américaines dans les années 1980, pour justifier son propos. « Je me rappelle que ma mère hollandaise socialiste a dit “ ce maniac [Ronald Reagan] va tous nous tuer” », a-t-il confié à l’audience. Il a avoué craindre une guerre nucléaire étant enfant, bien que Reagan ait finalement négocié la réduction des armements nucléaires, contrairement aux dires de sa mère à l’époque.

Ainsi, le professeur a dénoncé la façon dont chacun.e veut prédire ce qu’il va se passer à l’issue du processus électoral. Il a confirmé l’impossibilité de fournir une prédiction certaine ni de l’avenir ni du déroulé d’un mandat présidentiel. 

Crise de l’expertise 

Un autre volet de la présidence Trump a été, pour Desrosiers-Lauzon, une révélation de la crise de l’expertise. Lors des résultats de l’élection de 2016, le professeur a avoué avoir été pris de court, et avoir eu un moment populiste, dans lequel il se révoltait du commentariat qui ne l’avait pas prévenu de l’élection du républicain Trump. Cette révolte contre les médias et les sondeurs l’a amené à se questionner sur sa propre condition en tant que professeur universitaire, et sur la légitimité qui est accordée aux expert.e.s.

Desrosiers-Lauzon a expliqué qu’après les années 60 et le virement droitiste des néo-conservateur.rice.s, les universités ont été déterminées par les changements de la nouvelle gauche, comme le féminisme, la diversification des curriculums, et la révision des contenus et de l’histoire.

Cependant, ces transformations n’ont, d’après lui, pas été acceptées par tou.te.s. « J’aimerais qu’on soit capable de reprendre le contrôle du narratif de ce qu’est l’université, qu’on participe à l’écriture du savoir produit à l’université, qu’on contribue à l’histoire des universités dans nos sociétés », a-t-il réclamé. Le professeur a souligné que les résultats de l’élection de 2016 ont mis en lumière une crise de la légitimité du savoir, qui s’abat aujourd’hui sur les institutions d’éducation.

Lire la présidence de Trump

Heather Murray a conclu en partageant une liste des ouvrages qui lui sont venus à l’esprit lors d’une discussion à propos de Trump. Elle recommande The Repeal of Reticence de Rochelle Gurstein, qui aborde le concept d’incivilité, Dilemmas and Connections de Charles Taylor, qui traite de l’exaltation de la violence, et Against Democracy de Jason Brennan, qui considère l’ère Trump comme un cri du coeur.

Elle conseille également In the Ruins of Neoliberalism de Wendy Brown pour comprendre la distinction entre populisme culturel et économique, et The Great Exception de Jefferson Cowie, qui aborde le retour au capitalisme illimité au lendemain du libéralisme économique aux États-Unis. 

Enfin, elle préconise Democracy and Truth de Sophia Rosenfeld, qui décrit un équilibre démocratique entre technocratie et populisme, et Will He Go ? Trump and the Looming Election Meltdown of 2020 de Lawrence Douglas, qui souligne les enjeux de l’élection à venir.

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