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Élections anticipées en Ontario : quel bilan pour Doug Ford ?

Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique

Article rédigé par Ismail Bekkali — Journaliste 

À la fin du mois dernier, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, annonçait officiellement la dissolution de l’Assemblée législative provinciale, déclenchant ainsi des élections anticipées. La manœuvre politique aurait été justifiée par un besoin d’obtenir un nouveau mandat afin de mieux faire face aux défis économiques à venir que pourrait présenter l’administration Trump.

Une manoeuvre politique plutôt qu’une nécessité ?

En dépit de ce contexte d’incertitude commerciale, la décision de Ford soulève tout de même des appréhensions. Entre véritable nécessité ou stratégie électorale, cette mesure parachève ce mandat tout aussi controversé. 

En effet, pour Micheal Wigginton, chercheur postdoctoral en science politique à l’Université de Carleton, la dissolution de l’Assemblée législative n’était pas une nécessité immédiate. « Le Parti progressiste-conservateur détenait déjà une majorité à Queen’s Park et aurait été capable d’avancer ses priorités dans la législature », avance le professeur. Il estime que cette initiative s’apparente davantage à « un choix stratégique » de la part de Ford, qui profiterait de la menace d’instabilité commerciale du gouvernement Trump. « Les rumeurs d’une élection anticipée avaient déjà commencé avant les élections présidentielles aux États-Unis », ajoute-t-il.  

Le chercheur en représentation politique poursuit en soulevant les conséquences que pourrait avoir cette décision précipitée sur la dynamique électorale. Il mentionne qu’un scrutin avancé réduit le temps de préparation pour les partis d’opposition et complique la mobilisation des électeur.ice.s habituellement moins engagé.e.s en politique.

« On en voit déjà les effets. Élections Ontario a rencontré des difficultés dans l’envoi des cartes d’information, que plusieurs Ontarien.ne.s n’ont toujours pas reçues. », illustre le professeur. Il met en avant, en addition de la soudaineté de ces élections, la difficulté, pour les jeunes électeur.ice.s et nouveaux.elles citoyen.ne.s, de s’informer et de participer à l’élection dans un délai aussi court. De même, les conditions de la météo hivernale pourraient, d’après Wigginton, contribuer à une baisse du taux de participation électorale.

Un mandat controversé 

Alors que les motivations politiques derrière cette décision restent sujettes à débat, David Gray, professeur de science économique à l’Université d’Ottawa, revient plus en détail sur les raisons l’ayant justifiée, ainsi que le cadre économique ontarien actuel dans lequel les élections prennent place. Gray décrit l’état de l’économie ontarienne comme plus fragile que celle d’autres provinces et attribue cette faiblesse en partie au gouvernement Ford. Gray affirme que, pendant longtemps, Ford « a considéré que l’éducation et la santé n’étaient pas une priorité ». Il pointe également du doigt la pénurie de médecins, le sous-financement des universités et un taux de chômage supérieur à la moyenne. Tous ces éléments sont, selon lui, non seulement des défis pour le.a prochain.e élu.e, mais aussi des facteurs pouvant influencer le vote des électeur.ice.s.

En plus de la gestion économique de Ford suscitant des interrogations, Gray développe le sujet de sa politique en matière d’éducation. Ce dernier dénonce en effet que le manque de financement « prive les établissements de ressources essentielles ». Il cite en exemple le gel des frais de scolarité pour les étudiant.e.s canadien.ne.s, qui, bien qu’avantageux à court terme pour les étudiant.e.s, a privé selon lui les universités de revenus cruciaux. Résultat selon Gray : des classes surchargées, un personnel académique en diminution et une qualité d’enseignement en déclin. Les universités et collèges de l’Ontario figureraient parmi les moins bien financé.e.s au Canada, fragilisant selon Gray leur capacité à offrir une éducation qualitative et à répondre aux besoins des étudiant.e.s. 

En faisant plus largement un bilan de ce mandat, le professeur en économie estime que le gouvernement Ford a manqué l’occasion d’initier des réformes pour stimuler davantage le marché de l’emploi, préférant concentrer ses efforts sur les infrastructures de transport, une priorité que Gray qualifie d’« absurde ».

En plus de ces faiblesses structurelles, l’Ontario reste selon lui vulnérable en raison de sa dépendance économique aux États-Unis, dans un contexte de pression des tarifs douaniers sur les produits canadiens. Le professeur met ainsi en garde contre les effets potentiels d’une « guerre tarifaire » avec le voisin américain, particulièrement en cas de réélection de Ford, dont le programme politique serait d’après lui inchangé. 

Dans ce climat politique incertain, reste à savoir si le vote de demain assurera la continuité de ce mandat, ou si les citoyen.ne.s opteront pour une alternative politique qui remettrait en question la gouvernance actuelle.

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