Crédit visuel : Noémie Calderon Tremblay
Par Noémie Calderon Tremblay – Journaliste
Le boycott ou non des artistes accusés d’inconduite sexuelle est un débat qui fait rage ; il s’agit d’un sujet très sensible et complexe à aborder. Personnellement, j’ai automatiquement moins envie de suivre un.e artiste, si je sais que celui ou celle-ci a eu des gestes déplacés. Toutefois, est-ce que c’est la bonne chose à faire ? Ça, j’en suis moins certaine. Je ne remets pas en question le mouvement #MeToo, mais je tente tout de même d’avoir un esprit critique par rapport à ces mouvements qui prennent énormément d’ampleur.
Je crois fermement qu’il est temps que les victimes cessent d’être anonymes et que les agresseur.euse.s prennent conscience de leurs gestes. Cependant, il faut se demander, est-ce qu’il y a possibilité de réconciliation ou de réparation ? Est-ce qu’il y a une possibilité que l’artiste soit plus que seulement un.e agresseur.euse ?
Soi-même coupable
J’ai dernièrement vécu une expérience qui m’a fait remettre en question le statut presque implacable d’agresseur.euse presque à vie que l’on accole à certain.e.s artistes. Une personne m’a envoyé un message pour me faire part d’un geste critiquable que j’aurais commis il y a six ans. Un geste dont je n’ai aucun souvenir.
Je me suis tout de même excusée et si jamais c’est moi, je suis bien déçue de moi-même. Je ne préciserais pas le geste en question, mais je tiens à dire que ce n’est pas une agression sexuelle ou verbale.
Si je parle de cet événement, c’est que cela m’a fait réaliser que l’on a tous.tes la possibilité de commettre des gestes reprochables, même si l’on se targue d’être des défenseur.euse.s de l’égalité, de l’écoute et de la non-violence sous toutes ses formes. On ne se rend pas toujours compte, mais nous sommes tou.te.s des êtres profondément contradictoires et complexes. Il est possible, qu’on ait commis par le passé des choses avec qui notre « nous » d’aujourd’hui serait en désaccord.
Il est valable que certain.e.s artistes perdent une partie de leur popularité due à certains de leur geste ; ce sont des figures publiques et il y a des responsabilités qui viennent avec ce statut.
Toutefois, on ne peut pas s’arrêter là. Si l’on souhaite qu’il y ait du changement, il faut que chacun.e de nous s’implique. Ça veut dire que c’est aussi le temps pour chacun.e de faire un bilan de ses propres conduites et ses réactions que l’on a pu avoir par le passé.
Si jamais tu réalises que tu as déjà un jour agi en désaccord avec tes valeurs, est-ce que tu souhaiterais avoir la possibilité de remédier à la situation ? Je ne dis pas d’effacer les conséquences, mais de s’impliquer dans quelque chose pour peut-être un jour, arriver au pardon.
Bien sûr, si l’artiste ne s’excuse pas et ne remet pas en question son geste, il ou elle est certes condamnable, mais il existe sûrement certaines de ces personnes qui sont prêtes, pour éviter que cela se reproduise, à faire des changements considérables dans leur façon de travailler et dans leurs relations sociales. Il n’y a pas que des agresseur.euse.s pure laine et des innocent.e.s, il y a aussi une pléthore de gens entre les deux.
Comment nuancer
Par ces propos, je ne souhaite pas ici faire l’apologie du viol, au contraire, je crois que les gens qui ont commis des gestes illégaux et des crimes doivent être amenés devant les tribunaux et que certains de leurs privilèges leur soient retirés. Je parle plutôt, comme je l’ai mentionné plus haut, de la possibilité d’un entre-deux.
Pouvons-nous mettre toutes les expériences sous le seau d’agressions sexuelles ? Je me demande, qu’allons-nous faire avec les actions qui seraient plutôt du domaine du maladroit, de l’erreur non reproduite ou de l’inconscience, plus floues et moins catégorisables ? Celles-là méritent-elles toutes les mêmes répercussions et conséquences légales et sociales qu’un viol ou d’une agression sexuelle plus explicite ?
Je crois qu’il y aurait beaucoup plus de gens qui réfléchiraient et s’ouvraient sur des gestes répréhensibles qu’ils auraient par le passé, si dans notre société, il y avait une place pour le pardon. Bien sûr, pour cela, il faut que les victimes y consentent, mais si elles le souhaitent, cela pourrait même avoir une incidence sur leur rétablissement ou leur guérison.
Je parle ici dans un contexte où la violence du geste et l’action sont reconnues par la victime et l’agresseur.euse et que les deux souhaitent entreprendre des démarches pour aller de l’avant et réparer le passé.
Oui, il faut que des gestes soient accomplis pour ne pas oublier le passé, mais nous devons impérativement préparer demain. Quelle sera la place dans la société que nous donnerons à celles et ceux qui ont commis des erreurs par le passé ? Une des choses que nous pourrions faire, ce serait de songer à des modèles de justice réparatrice.