Entrevue avec Angela Cao, jeune scientifique qui révolutionne la traduction en langue des signes grâce à l’IA
Crédit visuel : Courtoisie
Entrevue réalisée par Tom Chazelle Schulze – Journaliste
Âgée de seulement 15 ans, Angela Cao est étudiante à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) et récente lauréate du troisième prix du 35e concours de l’Union européenne pour jeunes scientifiques (EUCYS). Elle s’est entretenue avec La Rotonde au sujet de son projet de traduction anglais-langue des signes américaine en utilisant l’intelligence artificielle (IA).
La Rotonde (LR) : Quelle a été votre motivation pour ce projet ?
Angela Cao (AC) : J’ai grandement été inspirée par le domaine de l’IA qui travaille sur le traitement automatique du langage naturel et l’application de l’apprentissage automatique. Ce domaine vise à résoudre des problèmes de langage humain et de communication.
La directrice de mon école secondaire m’a également inspirée à poursuivre ce projet. Celle-ci a travaillé dans une école spécialisée pour les personnes muettes ou ayant des troubles auditifs ; elle a partagé qu’il y existait d’importantes barrières linguistiques entre les élèves avec des incapacités et ceux et celles qui n’en ont pas. Je me suis alors dit que ces barrières pourraient être éliminées grâce à l’apprentissage automatique.
LR : Comment fonctionne exactement le système ? Comment l’IA interprète-elle les signes et les convertit-elle en langage parlé ?
AC : S2S, soit « Sign to Spoken » est une innovation. Il s’agit d’une combinaison de nombreux modèles statistiques et d’apprentissage automatique différents.
Nous pouvons diviser mon travail en trois parties : premièrement, j’ai fait un travail avec les données disponibles. À partir de ces données, j’ai redessiné les mouvements des différents signes en squelette, puis créé une classification pour ces différents squelettes. En tout, le classificateur peut reconnaître et classer 2000 signes différents. Deuxièmement, j’ai créé un modèle statistique qui permet au modèle d’apprentissage de savoir à quel moment un signe se termine, et à quel moment un nouveau signe commence. Troisièmement, j’ai travaillé à combler le fossé grammatical entre la langue des signes américaine et l’anglais parlé, à savoir la différence dans l’ordre des mots.
LR : Quels ont été les principaux défis que vous avez rencontrés dans le développement de votre projet ?
AC : L’un des principaux défis était de loin la qualité et la quantité des données disponibles en langue des signes américaine. À l’heure actuelle, du moins selon l’Association des Sourds du Canada (ASC), il n’y a pas de recensement crédible quant à la population sourde ou malentendante au Canada. C’était choquant pour moi d’apprendre cela, parce que c’est une incapabilité qui touche une minorité démographique si importante.
Ne pas avoir de recensement digne de confiance nuit énormément à la recherche. C’est là le principal défi de mes recherches : trouver des sources de données et créer un modèle suffisamment généralisé pour différentes personnes et différentes caractéristiques.
LR : Quels sont les avantages que votre technologie apporte à la communauté sourde et malentendante en termes de communication quotidienne ? Avez-vous pu la tester dans la réalité ?
AC : J’ai travaillé avec les données disponibles pour les généraliser davantage à l’usage du public, afin que mon modèle soit toujours capable de reconnaître différents signes. Je pense que c’est vraiment important, d’autant plus que nous voyons de plus en plus d’interprètes présent.e.s lors d’événements, ou même dans la vie de tous les jours.
Il est certain que le domaine de recherche s’élargit. Je pense que mon modèle permettra au domaine de progresser. Je n’ai malheureusement pas pu tester mon modèle dans la réalité, mais il s’agit définitivement de ma prochaine étape ; je pense que mon projet ne sera pas abouti avant que je puisse l’appliquer dans la réalité.
Dans le futur, j’aimerais lancer mon modèle en format d’application mobile, afin que la population puisse réellement l’utiliser.
LR : Quels conseils donneriez-vous à d’autres jeunes scientifiques qui aspirent à réaliser des projets à l’impact social et technologique aussi fort que le vôtre ?
AC : J’aurais deux conseils : premièrement, ne pas abandonner. Mon projet a eu une si mauvaise réception à la foire scientifique nationale canadienne que je considérais abandonner le projet. Heureusement, j’ai des personnes qui croient en moi et qui m’ont poussée à continuer. Cela a été extrêmement bénéfique pour mon développement, non seulement scientifique, mais aussi personnel.
Ensuite, en travaillant sur des projets qui touchent un groupe démographique spécifique, il est important de considérer les opinions du groupe. Même si je n’ai pas pu faire d’entrevues moi-même, j’ai collecté beaucoup de données à partir d’entrevues faites auparavant. Il est donc important, lors de recherches théoriques, de ne pas seulement le faire pour la partie scientifique, mais aussi de considérer les impacts sociaux que pourraient avoir ces recherches.