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Étudiant.e.s-parents : deux rôles pour un seul acteur

Camille Cottais
26 décembre 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Article rédigé par Camille Cottais – Cheffe du pupitre Actualités

Concilier étude et parentalité, c’est le défi auquel sont confronté.e.s les étudiant.e.s-parents. Entre manque de sommeil, manque de vie sociale et manque de considération de la part de l’Université, leur quotidien n’est pas toujours facile, surtout lorsque les enfants sont en bas âge.

L’Université d’Ottawa (U d’O) ne rassemble pas de chiffres quant au nombre d’étudiant.e.s-parents, on peut cependant supposer qu’ils soient relativement similaires à ceux d’autres établissements canadiens. Ainsi, dans un rapport datant de 2014, l’Université du Québec déclare que les étudiant.e.s-parents représentent le quart de la population étudiante, tous cycles confondus, dont 16,3 % indiquent être seul.e.s à s’occuper des enfants et 19 % seul.e.s à assumer leur charge financière.

Services disponibles sur le campus

Alyssa Peyton est coordinateur.ice du Centre de ressources des femmes. Iel explique que celui-ci offre un service gratuit de garde d’enfants dans leur bureau, situé au Centre universitaire (UCU). Les parents peuvent y laisser leur(s) enfant(s) lors des heures d’ouverture du Centre, de 9 h à 17 h, mais doivent cependant rester sur le campus. De plus, le Centre fournit des jouets, collations, coloriages, livres, de façon gratuite, ainsi que des cours d’éducation parentale pour les jeunes parents.

La gratuité des services offerts par le Centre de ressources des femmes est primordiale lorsqu’on sait le coût que représentent les services de garde traditionnels. Sur le campus universitaire se trouve par exemple la Garderie Bernadette, qui sert principalement les membres de la communauté universitaire, étudiant.e.s comme employé.e.s.

L’existence de cette garderie, tout comme des autres services offerts sur le campus, semble néanmoins méconnue. En effet, aucun.e des trois étudiant.e.s-parents interrogé.e.s pour cet article n’avait connaissance de ces services. Amine Benhamida, en maîtrise à l’U d’O et père de deux enfants, affirme que l’Université n’a pas communiqué sur ces services.

Des difficultés financières

Une étudiante de troisième année, qui a souhaité rester anonyme pour éviter la stigmatisation qu’elle subit souvent en tant que jeune parent étudiante, explique vivre dans une grande précarité financière depuis la naissance imprévue de son fils, il y a bientôt deux ans. Cette étudiante a aujourd’hui 24 ans, mais elle en avait seulement 22 lorsqu’elle a appris sa grossesse, quelque temps après sa première rentrée universitaire.

Aidée financièrement par sa famille, elle éprouve tout de même de grandes difficultés pour payer à la fois ses frais de scolarité et les grandes dépenses pour son enfant. « J’ai dû quitter mon travail, car c’était inenvisageable d’à la fois étudier, travailler et m’occuper d’un bébé. Mais puisque ce travail m’aidait à payer mon loyer et mes dépenses quotidiennes, j’ai été contrainte de retourner chez mes parents et de contracter un prêt étudiant », explique-t-elle.

En tant qu’étudiante internationale, elle se désole que les frais des garderies soient plus élevés pour les étranger.ère.s que pour les Canadien.ne.s. « Avoir un enfant coûte cher, ce n’est pas un scoop, mais en rendant les frais plus chers pour nous, les étudiant.e.s internationaux.ales, on nous pénalise doublement », s’insurge-t-elle.

Peyton confirme que les frais de certaines garderies, notamment la Garderie Bernadette, diffèrent beaucoup entre parents canadien.ne.s et internationaux. Le Centre de ressources des femmes, la Maison internationale et le Syndicat étudiant font pression sur l’Université pour faire baisser ce coût très onéreux. Le Centre de ressources des femmes aimerait également que plus de bourses soient offertes aux étudiant.e.s-parents en difficulté financière. 

Des fonds d’urgence sont disponibles, comme le fonds d’urgence pour les naissances, mais celui-ci ne s’élève habituellement, selon Peyton, qu’à 250 dollars, un montant bien insuffisant.

Offrir des accommodements pour soutenir les étudiant.e.s-parents

Peyton explique qu’il n’existe pas présentement de politiques claires et que ces accommodements reposent largement sur la compassion des professeur.e.s.

Louise, étudiante en deuxième année à la Faculté d’éducation et mère de trois enfants, affirme que ses professeur.e.s se sont toujours montré.e.s compréhensif.ve.s et bienveillant.e.s à son égard. « J’ai accouché au début de ma première année et j’ai bénéficié d’accommodements et de délais supplémentaires », poursuit-elle.

Si la situation de Louise est différente car elle a démarré ses études pendant la pandémie, ce n’est pas le cas de l’étudiante anonyme qui a appris sa grossesse quelque temps après la rentrée universitaire de 2019 et a accouché à la fin de sa première année. Elle explique qu’il a été très dur pour elle de suivre ses cours pendant sa grossesse : « J’étais très fatiguée, je n’en pouvais plus, j’étais au bord du burn-out»

La plupart de ses professeur.e.s ont été compatissant.e.s, mais elle aurait aimé bénéficier de soutien de la part de l’Université. « Je pense que l’administration de l’U d’O n’est pas préparée à la situation d’une jeune étudiante enceinte, car mon cas reste tout de même assez rare, d’avoir fait le choix de continuer mes études malgré ma grossesse », affirme-t-elle.

La situation a été plus simple pour elle à partir de sa deuxième année, après la naissance de son fils, car les cours étaient en ligne et ainsi bien plus accessibles. Néanmoins, avec la pandémie, les sphères privée et scolaire se mélangent, explique-t-elle, rendant parfois le quotidien difficile.

Peyton tout comme l’étudiante anonyme souhaiteraient qu’il existe à l’U d’O un système formel permettant aux étudiant.e.s-parents de demander des accommodements, tout comme il en existe pour les étudiant.e.s ayant un handicap ou pour les survivant.e.s d’agressions sexuelles. Offrir du soutien permettrait, selon Peyton, de contrer le phénomène des étudiant.e.s abandonnant leurs études lorsqu’ils.elles ont un enfant ou apprennent être enceintes.

Toujours courir après le temps

La conciliation entre le rôle de parent et celui d’élève n’est pas facile, explique Louise. Elle peut suivre ses cours en journée lorsque ses enfants sont à l’école, mais peine à étudier et avancer sur ses travaux le soir lorsqu’ils sont de retour. Bien sûr, « le rôle prioritaire reste celui de parent, car j’ai une responsabilité envers mes enfants », affirme-t-elle.

Pour l’étudiante anonyme également, son fils reste le plus important, et ainsi doit-elle parfois sacrifier ses études au profit de son rôle de mère. Les études restent cependant primordiales pour elle : « Je ne me voyais pas les abandonner, ce n’était même pas envisageable. Je dois donc trouver un équilibre entre les deux choses les plus importantes dans ma vie : mon fils et mes études. »

Si elle craignait que sa grossesse puis son statut de parent nuisent à son intégration sociale au sein de l’Université, cela n’a pas été le cas. Elle a réussi à se faire des ami.e.s, bien qu’elle ait très peu de temps à leur consacrer. En ayant choisi de continuer d’étudier à temps plein, l’étudiante de 24 ans a fait face à des difficultés financières, sociales et scolaires, mais sa plus grande difficulté est au niveau de temps : « Parfois je me dis qu’il faudrait que la journée dure 40 heures au lieu de 24 pour que je puisse y faire tout ce que j’ai prévu. »

Face à ce manque de vie sociale, la jeune maman a peur de regretter plus tard de n’avoir pas vraiment eu de vie étudiante, ou bien de n’avoir pas pu assez profiter de son fils. Elle assume cependant son choix, même si elle craint constamment à la fois d’être une « mauvaise mère » et d’échouer en tant qu’étudiante.

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