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Étudiants internationaux : départ précipité, retour à confirmer

Rédaction
15 juin 2020

Crédit visuel : Archives

Par Caroline Fabre – Rédactrice en chef 

Alors que l’Ontario est entré dans sa deuxième phase de déconfinement, la propagation du virus dans le reste du monde se fait de manière plutôt disparate. Rentrée dans mon pays d’origine, la France, pour me confiner en famille, je vais aujourd’hui vous parler des différents sentiments qui se sont bousculés en moi suite à l’annonce de ce confinement.

Vivant à Senlis, une petite ville de la campagne française, je me doute que ma vie de tous les jours est bien différente de celles des habitants des grandes villes, voire même de celle que vous vivez, au Canada. J’ai conscience de ma position privilégiée, surtout puisque j’ai pu rentrer chez moi. 

Des sentiments mélangés

D’abord, il y a eu le choc. Le choc de voir ce satané virus toucher à la fois la France, mais aussi le Canada, deux des pays entre lesquels je partage ma vie depuis plus de trois ans. Nous en entendions parler depuis quelques temps déjà, mais je pense que, comme pas mal de monde, j’étais loin de m’imaginer que ce virus se transformerait en pandémie.

Des virus propres à des pays en particulier, il en a existé des centaines dans le passé. Pourquoi le coronavirus aurait-il été différent de ceux-là ? Et puis, la COVID-19 a commencé à se propager dans les pays limitrophes de la Chine, considérée comme son épicentre.

Ensuite, il y a eu le déni. Le déni de le voir se rapprocher, à l’aide d’une carte interactive mise en ligne par l’uni­ver­sité améri­caine Johns-Hopkins. Le déni de le voir toucher de plus en plus de pays, et de plus en plus fort. Souvenons-nous de l’Italie et de l’Iran, frappés de plein fouet au début du mois de mars.

Et l’inquiétude qui s’en est suivie. Étant étudiante internationale, l’apparition de cas en France m’a angoissée au plus haut point. Ma famille, mes amis, mes proches allaient-ils être touchés ? Allaient-ils réaliser la gravité de ce nouveau virus, et respecter les consignes mises en place par le gouvernement ? À vingt ans, certains ne prennent pas les choses au sérieux. Nous sommes supposés avoir un système immunitaire robuste, pourquoi nous protéger ?

Après, il y a eu la colère. La colère de voir les gens continuer à vivre normalement, à ne pas se protéger, à ne pas respecter les gestes barrière. La colère de voir les pays fermer un à un, de voir le nombre de victimes monter en flèche. De voir que les différents gouvernements assuraient qu’il ne se propagerait pas dans leur pays, au lieu de mettre davantage de mesures en place.

La colère de devoir rentrer, de devoir abandonner ma vie canadienne du jour au lendemain, à cause d’un virus qui ne semblait pas si redoutable, au premier abord. De devoir rentrer en urgence, prendre un billet d’avion à des prix vertigineux, en ayant à peine le temps de faire mes valises, de dire au revoir à mes amis. Certains que je ne reverrais surement pas, puisqu’ils graduaient cette année.

Enfin, il y a eu l’acceptation. Cette dernière étape a pris un certain temps, je dois l’avouer. Et elle a été la plus longue à mettre en place. Accepter que nous soyons impuissants, qu’un vaccin ne peut pas être inventé du jour au lendemain, et que mener des tests, ça prend du temps. Accepter de devoir rester chez soi, confinée, à ne sortir que deux ou trois fois en deux mois. Accepter de prendre du temps pour soi, aussi. 

Sans vraiment le réaliser, j’ai vécu, à ma façon, les différentes étapes d’un deuil. Un deuil qui, je l’espère, ne sera que temporaire.

Les défis d’un.e étudiant.e international.e

Avec la propagation du virus, j’ai dû, comme tous les étudiant.e.s internationaux.ales de l’université, repenser à toutes les difficultés que cela allait engendrer. Rester au Canada était-il le meilleur choix ? Rentrer auprès de mes proches impliquait-il forcément de les mettre en danger ? 

Si je décidais de ne pas rentrer, allais-je rester bloquée dans mon pays d’accueil ? Allais-je pouvoir conserver mon emploi tout en travaillant à plus de 5 000 kilomètres, et avec plusieurs heures de décalage ? Allais-je mourir d’inquiétudes en sachant ma famille et mes proches aussi loin ? Rentrer chez moi impliquait de vivre à nouveau avec mes parents ; comment allais-je vivre le fait de perdre ma liberté si durement acquise ? Si j’attrapais la COVID-19 au Canada, aurais-je été aussi bien soignée que dans mon pays, où les frais médicaux sont presque tout le temps remboursés ? 

J’ai donc choisi de rentrer chez moi, en France, pour pouvoir profiter de ma famille, et me reposer en territoire picard. 

Mais ranger et emballer trois ans de ma vie en trois jours s’est avéré être un défi de taille. Surtout concernant la taille de ma valise. Dire au revoir aux quelques amis que j’ai pu revoir aussi. Nous qui pensions que cette situation durerait un mois, voire deux tout au plus. Nous étions bien naïf.ve.s dans cette période sans précédent. 

L’avenir des étudiant.e.s internationaux.ales

Une question plane cependant au-dessus de nos têtes internationales : seront-nous capables de rentrer au Canada pour y poursuivre nos études ? Parmi mes ami.e.s, nombreux sont ceux et celles à vouloir revenir, invoquant de multiples raisons. Décalage horaire trop important, mauvais accès à internet, lieu de résidence peu propice à l’étude, ou tout simplement emploi étudiant.

C’est pour ces raisons-là que ma soeur et moi rentrerons coûte que coûte à Ottawa. Vous imaginez bien que le réseau internet au fin fond de la campagne picarde n’est pas le plus performant qui soit. Également, nous avons eu l’occasion de tester les examens de 19h à 2h pendant la période des examens finaux en avril, et devoir se réveiller pour les passer de 1h à 4h ne nous met définitivement pas dans les meilleures conditions.

Mais ce n’est pas faute de vouloir rentrer, mais y sera-t-on simplement autorisés ? Si ça semble être le cas pour le moment, une deuxième vague pourrait faire son apparition du jour au lendemain, contrecarrant les plans de tout un chacun.

La quarantaine obligatoire imposée suite à l’arrivée sur le sol canadien pourrait également en rebuter plus d’un ; ne pas pouvoir sortir de chez soi pendant quatorze jours, et devoir renoncer à son indépendance en se faisant livrer à manger, ou en se faisant faire l’épicerie pourrait en rebuter plus d’un.e.

À contrario, une petite minorité invoque le prix des logements, le manque de motivation ou l’absence de leurs ami.e.s. Si la décision semble difficile à prendre, il convient de la prendre en toute âme et conscience. 

Avec le recul, j’ai réalisé qu’il n’y aurait pas eu de confinement idéal, mais juste deux situations très différentes. Dans un cas comme dans l’autre, vivre recluse pendant un mois, ou plus, aurait été pénible. 

Même si j’ai parfois du mal à le réaliser, nous vivons une période qui restera gravée dans les livres d’histoires. De quoi égayer un repas de famille dans les années à venir.

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