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Fermeture de la radio CHUO : une énorme perte pour la communauté étudiante de l’Université d’Ottawa

Crédit visuel : Élodie Ah-Wong— Directrice artistique

Chronique rédigée par Michelet Joseph — Chef du pupitre Actualités

J’ai appris avec consternation que la radio indépendante et bilingue d’Ottawa-Gatineau, CHUO FM, émettant sur la fréquence 89,1 FM, cessera ses activités à compter du 15 décembre, sauf miracle, pour des raisons de contraintes budgétaires. En tant que bénévole pendant plusieurs mois, je ressens profondément cette fermeture comme une perte personnelle et comme celle de tou.te.s les autres bénévoles ayant contribué à ce projet.

Mon aventure à CHUO en tant que bénévole

En mai 2024, nouvellement arrivé au Canada, mon objectif était de m’installer et de m’impliquer. Informé par Elizabeth Drapeau du label Tolalito Music à Montréal, j’ai découvert la station universitaire CHUO-FM, qui  autrefois accueillait une émission sur la culture caribéenne. Sur ses conseils, je m’y suis investi en appliquant pour mettre mes compétences au service de cette radio communautaire.

Quelques mois plus tard, me voilà bénévole, portant deux chapeaux :  celui de bénévole à la sensibilisation et celui d’animateur de radio. En effet, je co-animais « Let’s Ploge », une émission culturelle dédiée au Konpa haïtien. J’ai découvert les studios, l’équipe, l’esprit du bénévolat et la puissance d’une radio libre. Grâce à ce micro, j’ai pu partager mes influences, ma musique, mes origines haïtiennes et ma façon de percevoir le monde à travers le Konpa.

Et puis, la coupure. Brutale. Après des années de difficultés financières, la station va cesser complètement sa programmation et mettre fin à ses activités régulières d’ici le 15 décembre, à moins qu’elle ne parvienne à relever les 150 000 $ nécessaires pour rester en fonction. Cette annonce, survenue sept mois après mon engagement, a été un choc pour moi et pour plusieurs bénévoles, provoquant un sentiment de vide, presque un deuil. En effet, c’est un coup de poignard : celui de voir un espace de parole s’éteindre dans l’indifférence générale.

Le début de la fin

L’affaire de CHUO FM dépasse largement le cadre des considérations économiques.  L‘élément déclencheur est connu : en 2023, les étudiant.e.s de l’Université d’Ottawa ont voté via un référendum  pour supprimer le financement obligatoire accordé à la radio, un montant de 4,99 $ par étudiant. Cette contribution représentait la plus grande source de revenus de la station. Privée de ce soutien, CHUO-FM est condamnée, à moins qu’une mobilisation citoyenne rapide se produise. On pourrait affirmer que la fermeture découle d’un vote démocratique. 

En réalité, ce vote reflète, pour moi, quelque chose d’inquiétant : l’absence de sentiment d’appartenance envers les institutions culturelles sur le campus. La majorité des étudiant.e.s ne connaissaient pas la radio. Elle n’était pas « leur » média, elle n’était pas « leur » espace. Elle éprouvait des difficultés à attirer des bénévoles et susciter l’intérêt général était un défi. Je me rappelle que durant la semaine 101 2025, le CHUO avait un kiosque pour faire de la promotion, dont je faisais partie. Ma surprise a été grande quand j’ai découvert que des étudiant.e.s, dont des finissant.e.s, ne savaient pas qu’il y avait une radio sur le campus.

Pourtant, le rôle d’une radio communautaire sur un campus n’est pas de divertir passivement, comme un réseau commercial. Elle doit être un laboratoire, un terrain d’essai, un espace d’expression, un lieu de formation journalistique, artistique, culturelle. On ne va pas à la radio pour se détendre : on va à la radio pour contribuer et s’engager.

Retour sur l’implication étudiante

L’arrêt de la diffusion de CHUO FM met en évidence une nouvelle épreuve : l’engagement des étudiant.e.s. Dans ma chronique précédente, je disais que les associations et les organismes universitaires ont du mal à mobiliser les jeunes. Cette radio en est l’exemple le plus extrême. Un média communautaire peut persister à travers des restrictions budgétaires si les gens y croient, s’y rendent et le défendent. 

Ce qui a fait défaut à CHUO FM n’était pas seulement des ressources financières, mais une communauté engagée et consciente de sa valeur.

Le véritable défi est que les stations de radio universitaires, telles que CHUO FM, se trouvent souvent en marge de la vie académique. Bien qu’elles soient physiquement présentes sur le campus, elles sont culturellement marginalisées, absentes des salles de classe, des événements étudiants, des services d’accueil pour les nouveaux.elles arrivant.e.s et encore moins des espaces francophones et internationaux. Comment peut-on défendre ce qu’on n’a jamais eu l’occasion de connaître ?

Alors que CHUO FM s’apprête à fermer temporairement ses ondes le 15 décembre, cette interruption annoncée laisse déjà entrevoir le vide qu’elle créera sur un campus où les étudiant.e.s étranger.e.s sont nombreux.ses, où les communautés racialisées cherchent un espace pour exister publiquement et où les artistes émergent.e.s comptent sur des plateformes accessibles pour se faire entendre. 

Cette fermeture n’est toutefois que transitoire, car les mobilisations et les efforts de levée de fonds se poursuivront sans relâche afin de permettre une réouverture prochaine de la station. Du moins, je ne peux que le souhaiter. Car, une radio libre et autonome n’est pas simplement un service, mais un lieu social, politique et identitaire essentiel. Je vous invite d’ailleurs à contribuer, selon vos moyens, pour soutenir cette relance et préserver ce précieux espace communautaire.

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