Inscrire un terme

Retour
Actualités

Impérialisme et hétérosexualité : réflexion sur un angle mort

Jacob Hotte
31 mars 2023

Crédit visuel : Pexels 

Article rédigé par Jacob Hotte – Journaliste

Après déjà trois ans de pandémie, la Conférence annuelle Shirley Greenberg organisée par l’Institut d’études féministes et de genre de l’Université d’Ottawa (U d’O) était finalement de retour en présentiel le 22 mars pour sa vingt-quatrième édition. Le conférencier de cette année était l’étudiant Joao Gabriel, qui a discuté de l’homonationalisme.

La conférence annuelle Shirley Greenberg, dont la langue alterne chaque année entre les deux langues officielles du Canada, offre l’opportunité à un.e conférencier.ère qui s’est démarqué de discuter de ses recherches. Cette année, la conférence était présentée par Joao Gabriel, un activiste guadeloupéen et doctorant en histoire à l’Université Johns Hopkins, où il effectue des recherches sur divers thèmes dont l’emprisonnement, l’esclavage et l’abolition en lien avec la colonisation de la Guadeloupe par la France.

Gabriel a mené une présentation sur l’impérialisme et l’hétérosexualité, qui avait pour but d’offrir une analyse critique de l’homonationalisme, souvent utilisé selon lui par « l’Occident » afin de démoniser continuellement les pays dits méridionaux ou « orientaux ».

Avant tout, un peu d’histoire

Le doctorant a commencé la présentation en abordant le sujet de la colonisation et de ses implications jusqu’à aujourd’hui, ainsi que les notions d’homonationalisme et de fémonationalisme. Il atteste qu’en réalité, ce ne sont pas seulement les catégories de « race » qui ont aidé à la politique coloniale, mais aussi le concept de genre. Selon lui, les normes de genre étaient nécessaires à la colonisation, car elles permettaient de créer une supériorité blanche et donc de pouvoir rabaisser les peuples colonisés qui s’opposaient à ces normes.

Gabriel révèle que le stéréotype de la « femme noire émasculée » provient de ce processus de hiérarchisation coloniale. Il explique que chez certaines populations africaines, les catégories d’homme et de femme n’existaient pas de la même façon, c’est-à-dire de façon binaire et hiérarchisée. Les colons européens ont ainsi décrit ces sociétés comme étant matriarcales. Quant aux populations asiatiques, certaines étaient considérées par les colons comme trop efféminées à leur goût, un argument qui a aussi été utilisé afin d’inférioriser ces sociétés, explique-t-il. Le doctorant souligne que les comportements et les opinions conservatrices présentes dans certains pays du Sud global sont le résultat du colonialisme qu’ont subi ces sociétés, particulièrement aux 19e et 20e siècles.

L’homonationalisme dans tout cela

Après avoir évoqué toutes ces informations, Gabriel a détaillé les politiques de l’extrême droite en ce qui concerne l’homonationalisme. Le doctorant explique que les discours homonationalistes tracent une frontière entre les groupes dits égalitaires et ceux considérés comme « arriérés », dans le but de susciter des sentiments hostiles envers les immigrant.e.s, les personnes racisées et les croyant.e.s non-chrétien.ne.s.

Selon le conférencier, ces individus utilisent la protection des droits de la communauté LGBTQ+ afin de justifier la démonisation des personnes racisées ou musulmanes par l’État. Ils.elles valorisent les personnes queers blanches et dégradent les communautés racisées ou de religion non chrétienne, fait comprendre Gabriel. Cependant, pour lui, ce discours autour d’un Occident progressiste et non homophobe ne se limite plus qu’à la droite : l’homonationalisme serait aussi de plus en plus présent du côté de la gauche. Plusieurs personnes semblent croire que les « valeurs » des pays de l’Est ou du Sud global s’opposent à celles de l’Ouest, devenant alors des ennemis de l’État.

Cependant, l’activiste a souligné l’hypocrisie du discours homonationaliste lors de sa présentation. Il révèle qu’en réalité, plusieurs pays occidentaux sélectionnent les pays qu’ils choisissent de condamner, tout cela dépendamment de leur utilité. Gabriel appuie cet argument par le cas des États-Unis, qui n’hésitent pas à condamner les violations des droits de la personne de nombreux pays, comme l’Iran, sans pour autant vouloir en faire de même avec leurs partenaires commerciaux, dont l’Arabie Saoudite et Israël.

Une conférence appréciée

Lilou Audry, étudiante en maîtrise à l’Institut d’études féministes et de genre à l’U d’O, a assisté à la conférence. Elle exprime que les gouvernements semblent vouloir influencer l’opinion publique dans le but d’avancer leurs intérêts personnels, en faisant passer certaines conséquences du colonialisme comme étant une question de culture.

Audry déplore la rareté des études critiques de l’hétérosexualité. Elle explique l’importance d’une telle conférence, qui permet selon elle une meilleure compréhension de l’intersection entre hétérosexualité et impérialisme. 

Audry discute aussi du choix de conférencier fait par l’Institut d’études féministes et de genre. Selon l’étudiante, Joao Gabriel était le candidat parfait pour la conférence en raison de ses expériences en recherche. En assistant à la conférence, elle a pu en apprendre plus sur le concept d’homonationalisme, qu’elle n’avait jamais entendu auparavant.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire