Impliquer les étudiant.e.s dans la lutte contre le changement climatique grâce à une application
Crédit visuel : Courtoisie
Article rédigé par Camille Cottais – Cheffe du pupitre Actualités
Aïda Warah est fondatrice de l’organisation à but non lucratif GentleWays for OurPlanet, basée à Ottawa, qui lutte contre le changement climatique. Le but de leur application, i4ThePlanet, est d’aider les personnes, particulièrement les jeunes, voulant agir pour le climat mais ne sachant pas quoi faire ni où commencer.
La Rotonde (LR) : Quel a été votre parcours avant la création de GentleWays for OurPlanet ?
Aïda Warah (AW) : J’ai fait mon doctorat à l’Université d’Ottawa (U d’O) en psychologie clinique, après lequel j’ai ouvert une clinique privée que j’ai opérée pendant environ dix ans. J’ai également enseigné et fait de la recherche à l’U d’O dans le domaine du développement personnel et du leadership. Je me suis ensuite jointe à la fonction publique du Canada, j’ai travaillé pendant plus de 12 ans à Environnement et Changement climatique Canada puis, graduellement, j’ai avancé vers des postes de gestion. J’ai eu des affectations dans le domaine de la bonne gouvernance, du leadership, de l’éthique et du mieux-être, avant de prendre ma retraite.
LR : Pourquoi avez-vous décidé de créer GentleWays for OurPlanet et à quels besoins répond cette organisation à but non lucratif ?
AW : Je me souviens très clairement du moment où j’ai pris cette décision : c’était après avoir lu un article illustré par une image d’une baleine sur une plage, en Italie, qui était morte après avoir ingéré du plastique. Les expert.e.s ont trouvé 15 kilogrammes de plastique dans ses intestins. Cette image m’a profondément attristée, je savais à quel point le problème était sérieux et malgré tout, qu’il n’y avait pas assez d’action ni de progrès pour répondre à la crise environnementale.
J’ai donc décidé de faire ma part, pour sensibiliser et promouvoir d’autres manières d’entrer en relation avec l’environnement. En me basant sur mes antécédents en psychologie, j’ai décidé de créer, en décembre 2019, GentleWays for OurPlanet. La mission de GentleWays est de rendre facile la prise de mesures pour protéger l’environnement.
Au moment de créer l’organisation, j’ai lu un sondage fait par l’Association des psychologues américains. Il démontrait que le changement climatique était un souci primaire pour la majorité des Américain.e.s, mais que 42 % des gens n’avaient fait aucun changement au niveau de leur style de vie. Lorsqu’on a demandé la raison, ils.elles ont dit « on ne sait pas où commencer ». Je me suis donc dit qu’il fallait leur rendre la tâche facile.
LR : Vous avez récemment mis au point une application mobile, i4ThePlanet. Pouvez-vous me parler de son fonctionnement et de sa raison d’être ?
AW : J’ai conçu moi-même une application mobile, i4ThePlanet [œil pour la planète]. J’y ai inscrit toutes les informations et actions à entreprendre, regroupées sous six catégories de style de vie : alimentation, mode/électronique, énergie/voyage, matériaux/plastiques, bien-être et leadership. Il s’agit d’une application gratuite sans but lucratif ou commercial qui vise à faciliter la transformation vers un style de vie durable.
Sur l’application sont listées toutes les activités qui contribuent à la réduction des gaz à effet de serre (GES) et d’autres substances toxiques comme le plastique. L’utilisateur.ice peut cocher ce qu’il.elle a fait chaque jour. Cela lui permet d’obtenir une étoile comme récompense, dont la valeur n’est pas monétaire mais psychologique. Lorsqu’on ramasse 12 étoiles, on peut acheter un arbre pour un dollar. Pour rendre cela possible, nous avons conclu une entente avec deux organisations plantant des arbres, Ecology Ottawa et One Tree Planted.
Cette méthode est basée sur des principes psychologiques : on ne force à rien, on donne des choix. Chaque action est appuyée par des références à des articles qui démontrent les faits. Certaines actions visent également à protéger les animaux ou encore les forêts, bien que la réduction des GES soit le but primaire.
LR : Pourquoi cibler en particulier les jeunes et les étudiant.e.s ?
AW : N’importe quelle personne pourrait utiliser l’application, mais je souhaitais cibler les étudiant.e.s, car je pense que les jeunes se préoccupent davantage des questions environnementales, et donc sont plus prêt.e.s à changer leur style de vie.
Je suis également en train de concevoir un autre outil sur le leadership, car je voudrais inciter les étudiant.e.s à développer leur leadership personnel et organisationnel. Selon moi, si l’on fait face aujourd’hui à des problèmes environnementaux, c’est en grande partie relié à la manière dont on gère, dont on dirige, que ce soit au niveau personnel, interpersonnel ou international. La population jeune serait selon moi la population idéale pour revoir la manière dont on dirige, en tant qu’humain.e.s, les ressources de la planète.
LR : Votre organisation et votre application mobile semblent miser sur une approche individualiste du changement climatique. Mais est-ce que ce ne serait pas la responsabilité des gouvernements plutôt que des individu.e.s de protéger l’environnement ?
AW : Il y a en effet un débat sur l’impact des changements individuels comparativement à celui des changements systémiques. Certaines personnes, dont j’entends malheureusement de plus en plus les voix, prétendent que les changements individuels n’ont aucun effet, voire que ce serait un complot des grands organismes pour nous divertir des vrais problèmes. Moi, je n’y crois pas. Je pense que ce qu’on achète, ce qu’on consomme, comment on réchauffe nos maisons, etc., contribuent beaucoup aux émissions de GES. Des millions de petites actions peuvent faire bouger des montagnes.
Il faut dans les dix prochaines années réduire nos émissions de GES de 50%. Bien sûr, ce n’est pas suffisant sans l’action des gouvernements ; les actions individuelles et systémiques se renforcent mutuellement. Il faut rappeler que les changements politiques dépendent beaucoup des changements sociaux. Les politicien.ne.s regardent l’opinion publique pour écrire de nouvelles lois.
LR : Quelle vision du militantisme écologique défendez-vous ? Êtes-vous par exemple solidaire avec les peuples autochtones ? Défendez-vous la fin de l’exploitation animale à travers le véganisme ou le végétarisme ? Pensez-vous qu’il faut sortir du système économique capitaliste pour aller vers la décroissance ?
AW : Je prends position contre la croissance économique infinie. Nous croyons à tort que ce modèle est inchangeable, la vérité absolue, mais je pense au contraire qu’on peut le changer.
Je suis également une grande défenseure des peuples autochtones, desquels j’ai beaucoup appris et avec lesquels j’ai beaucoup travaillé. Leur pensée m’a énormément influencé, et le respect des peuples autochtones fait partie des valeurs prônées par GentleWays. Les humains se croient supérieurs à toute autre forme de vie sur Terre, et de là se donnent la permission de prendre et d’exploiter de manière infinie la nature.
Par rapport aux animaux, GentleWays souhaite bannir les fermes industrielles, qui sont des milieux atroces où l’on assujettit les animaux à un traitement cruel. Si l’on veut continuer à manger des produits animaux, il faut donc aller vers les petites fermes biologiques. GentleWays préconise la réduction de la consommation de produits animaux.