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La guerre inquiète les étudiant.e.s congolais.es de l’Université d’Ottawa

Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique

Article rédigé par Mireille Bukasa — Cheffe du pupitre Actualités

Le 8 février dernier, les dirigeant.e.s des pays d’Afrique australe et de l’Est, réuni.e.s en sommet en Tanzanie, ont demandé un cessez-le feu immédiat dans la partie Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Des combats entre l’armée congolaise et le mouvement rebelle du M23, soutenu par le Rwanda, s’y poursuivent depuis quelques semaines. Ce conflit, qui dure depuis trois décennies, devient préoccupant pour la communauté étudiante congolaise de l’Université d’Ottawa (U d’O).

Initiatives congolaises

« Le conflit en cours dans l’Est de la RDC, que l’on pourrait qualifier de génocide congolais, nous touche profondément », exprime Ephrem Kalimaji, vice-président de l’association des étudiant.e.s congolais.es de l’U d’O (AECONGO). « Dans la mesure du possible, l’AECONGO, avec l’aide d’autres associations congolaises de la région d’Ottawa-Gatineau, s’efforce d’apporter un soutien psychologique à ceux et celles qui en ressentent le besoin », ajoute-t-il. D’après Sharon Mwepu, secrétaire aux communications et marketing de l’AECONGO, ces initiatives sont mises en place pour accompagner les étudiant.e.s directement affecté.e.s par ce conflit. 

Mwepu et Kalimaji évoquent les campagnes de sensibilisation menées sur les réseaux sociaux par la communauté étudiante. Les deux membres de l’AECONGO mentionnent aussi les actions faites auprès des instances universitaires et politiques pour alerter sur la gravité de la situation et inciter à des mesures concrètes. Mwepu et Kalimaji soulignent l’engagement de la communauté dans la collecte de fonds destinés à soutenir les populations affectées dans l’Est du Congo, notamment à travers l’initiative Million Little Miracles, qui facilite l’acheminement de l’aide humanitaire dans la région.

Dans la même veine d’idées, Yvon Muya, doctorant à l’École d’études de conflits de l’Université Saint-Paul, encourage la communauté congolaise de l’U d’O à faire preuve de solidarité. Il suggère notamment de prendre des nouvelles des un.e.s et des autres, et d’organiser des séances d’études en groupe. Selon lui, ces actions peuvent aider à rompre l’isolement, toujours néfaste dans de telles circonstances.

L’AECONGO, quant à elle, suggère à l’U d’O de mettre en place un centre d’urgence qui offrirait un soutien moral aux étudiant.e.s congolais.es qui en éprouvent le besoin.

Un soutien psychologique s’impose

L’impact de la situation sur les étudiant.e.s congolais.es dépasse largement le cadre de l’engagement communautaire. « Pour les étudiant.es originaires du Kivu en RDC, dont les études dépendent entièrement du soutien financier de leur famille restée au pays, cette situation peut rapidement devenir un problème », souligne Muya. Le spécialiste en gestion des conflits affirme qu’il s’agit ainsi d’une situation qui nécessite un suivi psychologique. « L’U d’O dispose de suffisamment de ressources pour accompagner les étudiant.e.s dans le besoin », insiste-t-il.

Muya explique que, bien que le Canada soit éloigné géographiquement de la RDC, les réseaux sociaux ont réduit cette distance, permettant aux étudiant.e.s congolais.es au Canada de rester constamment informé.e.s des événements dans leur pays. D’après le professeur, cela peut affecter la concentration des étudiant.e.s et influencer négativement leurs performances académiques.

Divine Alipaye, étudiante en relations publiques à l’U d’O et originaire de la RDC, partage son inquiétude : « Même si je suis physiquement loin, l’angoisse est permanente en raison de ma famille et de mes proches restés au pays. Cette situation influence ma concentration et mon bien-être émotionnel. Il est difficile de suivre les cours normalement en sachant que nos proches vivent dans des conditions précaires ». Angel Nabintu, étudiante en communication, ressent des émotions similaires : « Ma famille et mes ami.e.s vivent précisément dans la région touchée par les affrontements. Cette insécurité et l’incertitude du lendemain génèrent en moi une profonde angoisse, ce qui affecte ma concentration et mon parcours académique. Tout ce que je souhaite, c’est un soutien moral de la part de l’Université ». 

Muya est d’avis que si l’Université doit rester neutre sur la politique des pays d’origine des étudiant.es, elle se doit en revanche d’informer les étudiant.e.s au sujet des enjeux qui les touchent. 

Situation sur place

Pendant ce temps, sur le terrain, la situation continue de se détériorer. Rejoint par La Rotonde, Albert Cinyabuguma, journaliste à la radio communautaire Kalinga du Kivu, affirme que la ville de Goma est sous le contrôle des rebelles du M23 depuis le 2 février dernier.

« La situation est critique : de nombreux.ses civil.e.s ont été tué.e.s, certain.e.s calciné.e.s dans la prison centrale de Munzenze, et des infrastructures essentielles ont été détruites. L’économie est paralysée, avec une pénurie de francs congolais et un effondrement des échanges commerciaux. L’aéroport est encerclé, empêchant l’arrivée d’avions, et la radio nationale est occupée par les rebelles », relate-t-il. D’après le journaliste, appuyé par les déclarations du Burundi au Conseil de sécurité des Nations Unies du 26 janvier, cette guerre menace de s’étendre vers toute la région des Grands Lacs, voire à l’Afrique dans son entièreté. 

Spécialiste des questions de sécurité des pays en voie de développement, la professeure Marie-Ève Desrosiers de l’U d’O souligne que la recrudescence de cette violence est, d’une certaine façon, liée à la présence de groupes armés dans la région et d’un soutien certainement récurrent de la part des voisins, notamment du Rwanda.

Desrosiers reconnaît l’ampleur du défi et l’engagement de la communauté internationale, notamment à travers la Mission de l’organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO). Selon elle, bien que des actions aient été entreprises, il est nécessaire de les repenser afin de trouver des solutions plus durables. Elle estime que la seule véritable voie de sortie de cette crise réside dans la cessation du soutien des pays voisins aux groupes armés dans l’Est de la RDC.

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