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Arts et culture

Kukum : un voyage culturel émouvant 

Culture
13 octobre 2021

Crédit visuel : Marie-Ève Duguay – Cheffe de pupitre Arts et culture

Critique rédigée par Marie-Ève Duguay Cheffe de pupitre Arts et culture

Michel Jean est un chef d’antenne, journaliste d’enquête et auteur québécois d’origine innue issu de la région Mashteuiatsh, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Son livre Kukum, qui a été publié en 2019 aux éditions Libre Expression, aborde entre autres l’impact des pensionnats et de l’adoption forcée d’un mode de vie sédentaire chez les peuples autochtones. 

En quête d’identité et de liberté

Le roman Kukum, dont le titre signifie en fait « grand-mère » en Innu-aimun, remonte dans le temps et s’inspire de l’histoire et des aventures de l’arrière-grand-mère de l’auteur.

Almanda Siméon était une orpheline blanche qui, à l’âge de 15 ans, a brisé les conventions et a adopté la culture innue en se mariant à Thomas Siméon. À une époque où les femmes étaient destinées à vivre dans la sédentarité et à se livrer aux travaux domestiques, elle a quitté son ancienne vie et s’est fait accueillir les bras ouverts par la famille de son mari.

À travers son roman, Jean cherche à relater l’attachement aux valeurs ancestrales et l’importance de la liberté pour les peuples nomades. Écrit avec un ton intime et personnel, le livre présente la vie des Innu.e.s de Pekuakami et raconte également les obstacles auxquels ils.elles se sont heurté.e.s au fil des générations.

Exploration et assimilation

En choisissant une protagoniste qui n’est pas Innue au départ, Jean a pu faire en sorte que ses lecteur.ice.s puissent découvrir la culture innue en même temps qu’Almanda. Dans la première partie du roman, elle se plonge tête première dans un tout nouveau monde : Almanda apprend à vivre en forêt aux dépens du cycle de la nature et découvre petit à petit la langue des Siméon.

L’écriture de Jean n’est certes pas flamboyante, mais elle remplit bien sa fonction. Le rythme est plutôt lent dans la première partie du roman, le style est simple et épuré, et les phrases sont courtes, mais néanmoins fortes en émotion. Le tout s’amalgame dans le but de bien refléter la quiétude et le calme qui sont décrits dans les passages où la protagoniste assimile tranquillement son nouvel environnement.

La deuxième partie du livre, qui raconte les tribulations du clan Siméon et de leur communauté, adopte un rythme beaucoup plus rapide et choquant. Almanda se voit confrontée aux barrières imposées aux femmes autochtones. Sa famille subit la violence des réserves et la perte des terres ancestrales. Certain.e.s de ses enfants sont envoyé.e.s au pensionnat de Fort George et perdent leur culture : « Ils ont pensé qu’en les dépossédant de leur langue, ils en feraient des Blancs. Mais un.e Innu.e qui parle français reste un.e Innu.e. Avec une blessure de plus. »

Ces scènes sont douloureuses. Le passage où les enfants de la réserve se font amener au pensionnat est particulièrement marquant, et la réaction d’Almanda l’est aussi : « Mais une fois qu’on a ressenti la colère, la tristesse aussi peut-être, cela ne nous quitte plus jamais. On apprend à vivre avec. C’est peut-être ce qui fait de nous des Innu.e.s. Malheureusement. »

En 2020, Jean a remporté pour Kukum le prix littéraire France-Québec octroyé par la Fédération France-Québec/francophonie, qui vise à faire rayonner en France certaines œuvres québécoises. Il n’est pas surprenant de voir pourquoi l’œuvre de Jean a remporté ce prix prestigieux : c’est surtout la manière dont l’auteur arrive à transmettre les émotions des personnages qui marque l’œuvre.

Grande sagesse

Dans une entrevue avec La Presse, l’auteur de Kukum a affirmé qu’il est « plus facile de comprendre les problèmes qui découlent de la perte du territoire et de la douleur des pensionnats quand ils sont incarnés [par des personnages de fiction] », et c’est pourquoi il a décidé d’adopter le format d’un roman pour raconter l’histoire de son arrière-grand-mère. « Je voulais juste qu’à travers des personnages authentiques qui incarnent de vraies valeurs, les gens ressentent ce que les Autochtones ont ressenti », a-t-il expliqué.

La littérature demeure un moyen très efficace pour se cultiver. Kukum n’est pas une exception à la règle : l’œuvre de Jean restera un livre qui émeut et qui instruit à la fois. C’est une lecture nécessaire dans notre contexte actuel, qui se veut axé sur la vérité et la réconciliation.

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