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Éditorial

Vérité et réconciliation : un demi-pas en avant qui arrive tardivement

Rédaction
27 septembre 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Un éditorial rédigé par Miléna Frachebois – Co-rédactrice en chef

En juin 2021, le Canada est touché face aux tragiques découvertes de dépouilles d’enfants sur les lieux d’anciens pensionnats autochtones. À la suite de cela, le gouvernement fédéral décide de nommer le 30 septembre la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Si cette journée appelle à la réflexion, commençons-là ensemble.

La Rotonde reconnaît et respecte les contributions actuelles et historiques des peuples algonquins et anishinaabe, en particulier sur leur territoire non cédé et non restitué, sur lequel se situe La Rotonde et où vivent nombre de ses employé.e.s.

Penny Ann Jacko, étudiante dans le programme spécialisé en sciences politiques et en histoire à l’Université d’Ottawa (l’U d’O) est membre de la réserve Kitigan Zibi Anishinabeg, une communauté algonquine située à une heure et demie de route au nord d’Ottawa, du côté du Québec. Lorsqu’interrogée par nos co-rédactrices en chef, celle-ci a préféré laisser la place à un aîné de sa communauté pour répondre à nos questions : M. Eddie Cote Pizendawatch. L’aîné a vécu dans le pensionnat St. Mary de Kenora dès l’âge de ses huit ans. 

La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation nous invite à penser au passé et à réfléchir à l’avenir. Elle est un pas en avant vers la réconciliation. Bien qu’elle soit d’une importance monumentale dans ce processus, nous ne devrions pas la saluer aveuglément : nous nous trouvons dans l’une de ces provinces qui a décidé de ne pas la rendre officielle. Et elle ne représente qu’un premier pas en avant, très attendu et beaucoup trop tardif.

Vérité et réconciliation

La vérité, qu’est-ce que c’est ? La réconciliation, qu’est-ce que c’est ? Boussad Berrichi, professeur à l’Institut de recherche et d’études autochtones de l’Université d’Ottawa, définit ces deux concepts importants. « La vérité, c’est dire toute la vérité, la vérité de ce que sont ces pensionnats, ce que les enfants ont subi, ce que les parents ont subi, ce que les Autochtones ont subi. »

Pour l’aîné Pizendawatch, la vérité est que le Canada a été créé à partir du colonialisme, et aux dépens des peuples autochtones. La vérité est qu’il existe de nombreuses revendications territoriales en suspens qui doivent être réglées. Les peuples autochtones du Canada ne sont même pas reconnus comme membres fondateurs du Canada.

Selon Berrichi, la réconciliation est un processus qui doit commencer par soi-même. Il faudrait donc se réconcilier avec soi-même pour comprendre le rapport que les un.e.s et les autres entretiennent entre eux.elles. Pour enclencher le processus de réconciliation, il faut conciliation. Même si un conflit direct n’existe pas d’après Berrichi, il faut s’éduquer et s’informer afin de maintenir une relation de respect réciproque entre les peuples autochtones et non-autochtones.

Plus qu’un jour férié

Un jour férié, à quoi bon ? Pourquoi devrions-nous donner un jour de congé aux personnes qui travaillent ou qui sont à l’école ? 

Il est important de nous remémorer le passé, de penser et de repenser aux blessures faites envers les peuples autochtones. Il nous faut reconnaître les horreurs des pensionnats. Entre autres, les abus physiques, mentaux, sexuels, les violences, le saccage psychologique et physique faits à ces enfants. C’est un génocide culturel dont le Canada est responsable. Les Canadien.ne.s, Autochtones et allochtones doivent dialoguer pour s’éduquer.

En tant que survivant de ces pensionnats, L’aîné Pizendawatch explique pourquoi cette journée est importante pour lui : « Les peuples autochtones peuvent éduquer en partageant leur histoire avec le reste du Canada, car une grande partie de l’histoire autochtone n’est pas enseignée dans les programmes scolaires au Canada. C’est une occasion pour les non-autochtones d’écouter et d’apprendre ». Il ajoute que c’est un « point de départ » pour progresser vers la décolonisation.

Cette journée fait le constat d’un « progrès » certes. Mais un progrès trop tardif. L’aîné Pizendewatch confie avoir des sentiments mitigés à cet égard. Cette action était attendue depuis trop longtemps, il était temps pour les survivant.e.s que le Canada les reconnaisse et les écoute. 

Allô l’Ontario ? 

Si cette journée est si importante, pourquoi le gouvernement Ford n’a-t-il pas décidé de la reconnaître en tant que tel ? Notre cher premier ministre de l’Ontario a décidé de ne pas officialiser cette journée comme étant un jour férié provincial. 

Pourquoi est-ce que cela importe ? C’est une occasion manquée pour certain.e.s Ontarien.ne.s de s’éduquer en ce jour. C’est une action nécessaire pour la réconciliation. En participant aux cérémonies commémoratives organisées à travers le Canada ou encore en réfléchissant aux actions de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Cela communique aussi indirectement l’idée que le gouvernement Ford refuse de reconnaître, de s’éduquer et de réfléchir pour appuyer le processus de vérité et de réconciliation de notre pays. Pourtant, de nombreuses communautés autochtones se trouvent en Ontario. L’aîné Pizendawatch déplore d’ailleurs qu’aucune d’entre elles n’ait été consultée dans la décision de ne pas mettre en œuvre le 80e appel à l’action recommandé par la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR). 

Expliquez-nous, M. Ford, pourquoi vous décidez de garder dans la liste des jours fériés de l’Ontario la Fête de la Reine (symbole du colonialisme, rappelons-le), l’Action de Grâce, le Vendredi Saint, mais que vous n’êtes pas capable d’incorporer  la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation ? Qu’est-ce que ce message devrait nous révéler sur vos priorités ? En réalité, nous le savons déjà, vous n’avez pas le sens des priorités. Vous préférez avoir des jours fériés devenus des fontaines d’argent plutôt que de vous salir les mains. Mais votre inaction et votre pathétisme frustrent de nombreux.ses Ontarien.ne.s.

Ce n’est que le début…

Berrichi est satisfait de l’existence de cette journée. Mais, il explique que celle-ci n’est qu’une première étape vers la vérité et la réconciliation. Ce processus est un projet de longue haleine, transgénérationnel.

Ce n’est que le début. Parce qu’il est du devoir des nouvelles générations d’apprendre la vérité. 

Ce n’est que le début. Parce que le Canada a seulement créé la CVR en 2008. Parce qu’il a seulement commencé à lancer des enquêtes criminelles et des fouilles dans les pensionnats autochtones en 2021. Parce qu’il a seulement commencé à éduquer sur la vérité dans les écoles, si on peut le dire comme cela. 

Ce n’est que le début. Parce que cette journée nous permet de nous remémorer, mais surtout nous pousse à aborder d’autres questions. Parce que cette journée est une passerelle entre Autochtones et allochtones, entre le passé et le présent, entre le présent et le futur.

Ce n’est que le début. Parce que le niveau de vie des Autochtones au Canada, puissance économique du G7, est parfois pire que celui de certains pays en développement. Parce qu’encore en 2021, de nombreuses réserves n’ont pas accès à l’eau potable, à une éducation, à des services de santé, à des produits de première nécessité.  

Malgré la décision contestable de Ford, les communautés autochtones de l’Ontario organiseront des commémorations ce 30 septembre. La Rotonde vous fournit une liste non exhaustive d’événements organisés par l’U d’O auxquels vous pouvez assister, pour vous éduquer et réfléchir : 

Jardin de t-shirts orange à l’Université d’Ottawa

Pavillon Tabaret, 10 h à 16 h

Cérémonie pour la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation

Pavillon Tabaret, 11 h

Vers des excuses nationales : dire la vérité pour façonner l’éducation autochtone

En ligne à 19 h

Pour vous inscrire à ces événements et en savoir plus, veuillez consulter ce lien.

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