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Oblats, pensionnats et l’Université d’Ottawa

Rédaction
24 juin 2021

Article rédigé par Emmanuelle Gingras – Journaliste 

Crédit visuel : Emmanuelle Gingras – Journaliste

Jacques Frémont publiait le 3 juin une déclaration relative à la découverte des dépouilles d’enfants à l’ancien pensionnat autochtone de Kamloops. Dans cette dernière, il y a une brève mention à « l’histoire religieuse de l’établissement » et à la «  nécessité […] de faire face aux erreurs du passé ». La Rotonde trace un portrait de ce passé religieux de l’Université d’Ottawa  (U d’O).

Emma Anderson, professeure en études anciennes et sciences des religions à l’U d’O, explique que les Oblats Marie-Immaculée, qui ont fondé et longtemps dirigé l’U d’O, sont les mêmes qui ont été responsables d’une grande majorité des pensionnats à travers le Canada, dont celui de Kamloops. D’après elle, ces derniers ont dirigé l’Université de 1846 à 1965.

Qui sont les Oblats ?

Anderson présente les Oblats comme un groupe de missionnaires religieux, fondé en France à Marseille au début des années 1800. Elle poursuit que sous l’invitation dIgnace Bourget, évêque puissant de Montréal, les missionnaires font leur apparition au Canada vers 1840 et qu’ils commencent l’un de leur principal mandat; assimiler les peuples autochtones. 

« Ils [Les Oblats] ont joué un grand rôle dans le système des pensionnats. Leur idée était principalement de séparer les membres des Premières Nations de leurs coutumes ancestrales », renchérit-elle. Alors que les Oblats sont historiquement reconnus comme les conservateurs majoritairement responsables du génocide culturel autochtone au Canada, leurs tendances idéologiques chavirent au libéral à partir des années 60, signale l’historienne.

C’est aussi dans ces mêmes années que les Oblats deviennent moins nombreux et perdent leur capacité de faire fonctionner l’U d’O. « Ils deviennent de plus en plus dépendants du gouvernement. En 1963, une entente est faite avec le gouvernement ontarien pour faire un transfert de pouvoir », souligne Michel Prévost, ancien archiviste en chef de l’U d’O. 

Selon un article de Radio-Canada, deux ans plus tôt, en 1961, le gouvernement élimine l’article 112 de la Loi sur les Indiens. Cet article stipule la perte de statut d’Indien de tout membre de Première Nation recevant un diplôme universitaire.

La relation entre les Oblats et les membres de Premières Nations sur le campus demeure peu connue, puisque peu de recherches y ont été consacrées, remarque l’ancien archiviste en chef. Il insiste toutefois que leur présence était très faible lors du règne des Oblats. Emma Anderson ne connaît pas non plus ce volet de l’histoire de l’U d’O.

Lettre ouverte qui fait réagir

Pour Prévost, il n’existe pas de lien entre les Oblats de l’U d’O et ceux responsables des pensionnats. « C’est deux questions complètement différentes », insiste-t-il.

L’U d’O n’aurait pas été, selon lui, formée des Oblats. Autrefois connue sous le nom de Collège Bytowne, l’Université offrait des cours de niveau primaire et secondaire, avance Prévost. Il ajoute que l’objectif de sa fondation était de donner une éducation aux jeunes garçons dans un cadre bilingue. 

Malgré tout, plusieurs comme Armaan Singh, Commissaire à la revendication du Syndicat Étudiant.e.s de l’U d’O, ont pointé du doigt la contribution de l’université aux génocides autochtones. Celui-ci croit que « l’U d’O doit reconnaître que notre institution a joué un rôle actif dans le génocide des peuples autochtones de l’île de la Tortue ». 

Singh rappelle que « cette institution a été fondée par les Oblats et établie dans le but de former des individus pour administrer et faire du mal aux enfants autochtones dans les pensionnats ». Ne « pouvant pas se laver les mains de cette histoire », il demande à ce que l’Université s’attaque à ce problème en embauchant plus de professeur.e.s et de membres du corps professoral, autochtones.

En réponse à la lettre ouverte de Jacques Frémont, Anderson exprime qu’elle a l’impression que l’U d’O « ne veut peut-être pas beaucoup attirer l’attention sur son rôle dans le passé ». Elle pense de son côté que « l’Université n’a peut-être pas de lien direct avec ces morts [cadavres d’enfants retrouvés dans pensionnats], mais [qu’elle] a formé beaucoup d’Oblats et [qu’elle] a partagé les mêmes idéologies. »

Qu’en est-il des archives ?

Anderson ne croit pas vraiment aux actions symboliques. Elle insiste sur le fait qu’il est important d’écouter et de faire des actions concrètes pour aider les membres de Premières Nations, endeuillé.e.s par l’annonce. Cette dernière soulève entre autres la déclaration du Bureau de la Cheffe Kukpi7, Rosanne Casimir. Casimir mentionnait d’ailleurs en entrevue à Radio-Canada que plusieurs morts n’auraient jamais été documentés.

Selon Anderson, les archives n’ont pas été une source fiable parce que les rapports, en général, auraient aussi très mal achevés par les religieux de Kamloops. 

Anderson fait référence au rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada de 2007 a été comme une prophétie. Il y est indiqué que le gouvernement s’attendait à ce que plus d’enfants que documenté.e.s aient péri dans les pensionnats.  « On ne sait pas si c’est qu’ils [les Oblats] tentaient de cacher quelque chose ou si c’est parce qu’ils ont été paresseux, mais les rapports sont horribles », souligne l’historienne.

Prévost défend de son côté qu’en 30 ans de carrière dans les archives de l’U d’O, celui-ci n’a jamais entendu parler d’une situation similaire au sein de l’Université : « La politique a toujours été très accessible. C’est dans les lois.  Quelqu’un ne peut pas arriver aux archives et demander de changer des choses. De plus, la politique des archives permet un accès le plus que possible ». L’expert en archive conclut en affirmant espérer que le plus d’accès possible aux archives sera donné pour fournir des informations aux familles endeuillées.

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