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La censure démasquée : les voix propalestiniennes réduites au silence à l’U d’O

Rédaction
27 novembre 2023

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah – Directrice artistique

Chronique rédigée par la Rédaction en cheffe

Les campus universitaires sont considérés comme étant des bastions de la libre pensée, un espace où les idées divergentes se croisent, où les voix marginales trouvent un refuge. Cependant, l’Université d’Ottawa (U d’O) a récemment été le théâtre d’une série de décisions troublantes mettant en lumière une censure croissante des voix propalestiniennes. Ces incidents remettent en question la mission fondamentale de l’Université en tant que lieu de débat et de dialogue.

Là où tout a commencé

De nombreux syndicats et associations étudiants ont émis des déclarations sur l’attaque du 7 octobre et sur l’invasion de Gaza qui s’en est suivie. Celles-ci sont rapidement devenues le point central du débat dans les pays occidentaux. Alors que les reproches envers certaines de ces déclarations étaient attendus, voire justifiés, le gouvernement de l’Ontario a décidé que les critiques n’étaient pas suffisantes…

Ce gouvernement avait obligé, en 2019, tous les collèges et universités bénéficiant d’une aide publique à élaborer une politique en matière de liberté d’expression. Dès lors, ceux-ci ne pouvaient plus « tenter de protéger les étudiant.e.s contre des idées ou des opinions controversées ou offensantes », à l’exception des « propos qui contreviennent la loi ». 

Or, la ministre des Collèges et Universités a exhorté les institutions académiques à sanctionner les associations qui ne rétractaient pas leurs déclarations et ne présentaient pas d’excuses. Elle a procédé à l’interpellation de professeur.e.s et d’étudiant.e.s à Queen’s Park pour que leurs noms soient inscrits à tout jamais dans le registre public. 

En plus de diffamer de nombreuses personnes en les mettant tous.tes dans le même bateau, la ministre a négligé leur bien-être alors que le Canada subit une montée de l’antisémitisme et de l’islamophobie. Si la ministre réaffirmait la politique de son propre gouvernement en matière de liberté d’expression, elle insinuait sans doute que leurs propos enfreignaient la loi. Ce dangereux précédent a donné le ton pour une remise en question de la liberté académique et d’expression sur nos campus, dont nous voyons maintenant les effets dans la capitale nationale. 

Se cacher à la vue de tous.tes

Le 17 octobre, soit le même jour que le discours de la ministre, Integrity Not Spite Against Falistin (INSAF, qui signifie aussi « justice » en arabe) avait organisé un forum éducatif et une discussion sur la « complicité canadienne dans l’occupation sioniste de la Palestine et le génocide du peuple palestinien ». 

La veille du jour où la conférence devait avoir lieu, le groupe de défense des droits des Palestinien.ne.s sur le campus a rapporté que le guichet des Congrès et des réservations de l’U d’O avait annulé la réservation en raison de « problèmes de sécurité ». Selon INSAF, le guichet et la sécurité sur le campus ont indiqué que les « supérieurs » à l’Université « n’étaient pas d’accord avec le ton de l’évènement, insinuant qu’il promouvait la violence ». En plus du matériel publicitaire qui ne contient aucun appel de ce genre, aucune violence n’a été signalée sur le campus autour de cette conférence. 

Il est important de noter que cette tentative flagrante de censure est loin d’avoir surgi de nulle part. Les administrateur.rice.s à l’U d’O ont acquis une réputation d’étouffer les voix propalestiniennes sur le campus, ou plutôt, de violer la liberté d’expression de ces étudiant.e.s. De nombreuses institutions académiques de la région, y compris l’Université York, l’Université de Toronto et l’Université McGill, ont également partagé le penchant de l’U d’O pour la censure.

Le cas du Dr Yipeng Ge

Il y a trois semaines, en début novembre, l’administration de l’U d’O aurait suspendu un résident de la Faculté de médecine en raison de son soutien public et de ses déclarations en faveur de la Palestine. Le porte-parole de l’U d’O a cité des plaintes concernant un manquement présumé aux normes professionnelles sans fournir plus de précisions.

Le Dr Yipeng Ge est un militant antiraciste et résident de quatrième année en santé publique à l’U d’O. Dans le cadre d’un article publié en juin 2020, l’Université l’avait félicité pour avoir transformé « sa passion en action pour la santé et l’équité sociale ». Aujourd’hui, il parait que certain.e.s aient oublié que l’équité sociale inclut les voix propalestiniennes.

La suspension semble découler d’un blogue Substack du Dr Yoni Freedhoff, professeur à la Faculté de médecine. Ce dernier a rediffusé des posts de Ge sur les médias sociaux, en affirmant qu’ils étaient « antisémites ». Les preuves pour cette accusation préjudiciable, qui pourrait servir à détruire sa carrière, étaient faibles : ses propos n’étaient pas haineux.

Le professeur, et surtout certain.e.s membres de l’administration, ont utilisé leur autorité et leur pouvoir pour écraser les opinions divergentes. Et pourtant, la censure est contraire à tout esprit académique. L’université est en soi un lieu où tous.tes sont libres de suggérer, de manière constructive, différentes formes de pensées. Si ce n’est pas dans un milieu universitaire, où pouvons-nous nous exprimer librement ?

La communauté uottavienne a rapidement signalé son soutien à Ge dans une pétition dans laquelle elle a demandé « une enquête approfondie » pour identifier, entre autres, le ou les personnes responsables de cette décision. La suspension était non seulement une violation de plusieurs politiques de l’U d’O, notamment les règlements 121 et 130, mais de ses droits et libertés en vertu de la Charte. 

Le manque de transparence notoire de l’Université permet aux membres de son administration de se cacher derrière des excuses telles que « les plaintes de manquement professionnel » ou « les problèmes de sécurité ». Rappelons-nous que nous faisons tous.tes partie de l’U d’O, pas seulement les fonctionnaires que nous payons. Nous devrions ainsi être en mesure de savoir qui prend ces décisions et pour quelles raisons, afin de pouvoir leur demander de rendre des comptes. 

Nous nous trouvons aujourd’hui avec un goût amer d’injustice dans la bouche. Que pouvons-nous faire de plus lorsque nos institutions cessent de défendre notre liberté d’expression ? La réponse : ne pas cesser de s’exprimer et de dénoncer des violations claires de nos droits. Nos gouvernements et notre université sont responsables devant nous et nous seul.e.s. Mettez fin à la censure maintenant.



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