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Arts et culture

L’art et les droits de la personne, plus proches qu’on ne le croit

Emmanuelle Gauvreau
19 décembre 2023

Crédit visuel : Courtoisie 

Article rédigé par Emmanuelle Gauvreau – Cheffe du pupitre Arts & culture

Le 8 décembre dernier se tenait la conférence Arts et droit de la personne : les multiplicités se parlent. L’évènement a été organisé par le Centre de recherche et d’enseignement sur les droits de la personne dans le cadre de la campagne Ignite Change du John Humphrey Centre for Peace and Human Rights. Lors du webinaire, les praticien.ne.s et défenseur.e.s des arts et des droits de la personne ont discuté de leurs démarches artistiques, expériences et rapports à la question : quels liens existent entre l’art et les droits de la personne contemporains ?

Oonagh Fitzgerald, président de l’Association de droit international du Canada, a animé la discussion qui a réuni neuf panélistes en ligne. Celle qui est elle-même artiste et avocate internationale a d’abord précisé que le panel se voulait en réponse à la célébration du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

L’académicienne a insisté sur la situation climatique actuelle, alors que « nous terminons l’année la plus chaude jamais enregistrée ». Dans le climat politique et légal actuel, elle a exprimé que les mots et la logique peuvent être alliés, mais aussi ennemis de notre conception du droit humain. « Nous allons réfléchir aux droits de l’homme et aux droits environnementaux par le biais des arts, afin d’essayer de les libérer de certaines des limites du langage juridique », a-t-elle lancé avant de tendre la parole aux autres participant.e.s.

Pour faire suite au manifeste

Les artistes présent.e.s lors du webinaire ont déjà fait une première rencontre dans le cadre de l’exposition multimédia Arts & Human Rights : Conversing Multiplicities, s’étant déroulée à Montréal du 30 mai au 8 juin 2023. Les artistes y ont développé un manifeste sur « la construction de relations positives entre l’art et les droits humains », décrit Fitzgerald. 

Ramon Blanc-Barrera, co-animateur de la conférence, a résumé le manifeste comme étant une réaction « aux nombreux défis » d’un monde qui a besoin « de solutions originales et créatives ». Ce dernier a décrit sa démarche artistique comme s’intéressant à « l’abstrait du futur de l’humanité » en réponse aux questions soulevées dans le manifeste. Il a ensuite présenté le premier panéliste, Philon Nguyen, compositeur d’opéra. Ce dernier a présenté une œuvre démontrant comment l’intelligence artificielle permet d’explorer différents univers musicaux en partant de sujets relatifs aux droits de la personne.

La parole a ensuite été donnée à Grazia Peduzii et Ann Wettrich. Celles-ci travaillent pour Emergent Art Space, une organisation à but non lucratif visant à offrir des plates-formes de communication et d’échange interculturel pour les jeunes artistes du monde. Peduzii a reformulé la question initiale : « Que peuvent faire les arts que les autres moyens traditionnels de défense des droits de l’homme ne peuvent pas faire ? ». Elle est d’avis que l’art parle au cœur, contrairement au vocabulaire logique, parlant à l’esprit. En effet, l’art active « des circuits différents » et, selon ses observations, permet une fertilité dans l’expression de soi et l’accueil de l’autre.

Prendre la parole

Kofi Oduro, codeur en direct, musicien et artiste visuel, a ensuite pris la parole en tant que membre de Reflective Iterative Scenario Enactments (RISE). Sa démarche s’intéresse notamment à la relation entre les formes d’oppression, le multisensoriel et le plurilinguisme, suggère-t-il. « Nous vivons dans un monde où la langue dirige quotidiennement tous nos sens, ce qui affecte directement nos interactions entre humains », a-t-il remarqué. Il a donné comme exemple la nature irrégulière des opinions sur des sujets purement esthétiques, tels qu’une couleur, donnant espoir sur l’élasticité de nos préjugés. « Comme dans le processus artistique, l’humain est apte à créer, s’adapter, détruire et reconstruire, ce qui n’est pas une mauvaise chose », a-t-il conclu.

L’artiste visuel et sculpteur Stanley Février a, de son côté, parlé de sa démarche ancrée dans les enjeux identitaires, la violence et les inégalités engendrées par cette dernière. Février a présenté une vidéo filmée en 2016 d’un port d’accueil de réfugié.e.s situé en Grèce, questionnant l’absurdité du rapport économique à l’accueil de personnes en situation de crise. 

Jay Marchand Knight est quant à iel un.e docteur.e en pédagogie vocale, chanteur.se d’opéra et éducateur.ice axé.e sur la diversité des genres. Suite à une série d’exercices testant les préjugés des auditeur.trices, Marchand Knight a souligné l’importance de créer des espaces inclusifs dans l’opéra, toujours très ancrés dans ses critères binaires de la voix. Cela veut aussi dire, selon iel, qu’il est nécessaire d’insister sur la création de lieux de présentation et de répétition accessibles pour toutes les formes de handicaps. 

Le pouvoir de l’art

Elsy Zavarce, artiste-chercheuse en art visuel et photographie, s’est ensuite lancée dans son explication de sa première œuvre performative filmées dans sa ville natale, au Venezuela. Elle y traite les différentes transformations que l’humain doit surmonter. 

Le dernier panéliste était Eldad Tsabary, directeur du Département de musique, codirecteur du Performing Arts Research Cluster de l’Université Concordia et chercheur pour RISE. Par rapport à l’art dans le domaine des droits de la personne, ce dernier a souligné sa force « créative » permettant de sortir « de la boîte », sa configuration « explorative », sa remise en question critique perpétuelle, sa nature « collaborative » et « introspective », mais aussi son habileté de pousser les limites d’un réel parfois violent dans ses méthodes logiques.

Les panélistes ont conclu en reconnaissant l’espace introspectif privilégié que permet la création, dans un monde où la violence serait souvent liée au rejet d’évolution.

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