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Le patrimoine francophone à Ottawa : encore et toujours en danger

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11 septembre 2012

Éditorial

– Par Vincent Rioux –

Dans une ère où l’ensemble des décisions prises par nos dirigeants politiques cherche à atteindre un idéal d’efficacité, tout semble devoir être réglé au quart de tour et porter instantanément ses fruits. Tout doit très concrètement servir l’économie et la population, sans que celle-ci n’ait toutefois besoin d’être consultée puisqu’on agit supposément pour son bien. S’opposer à un projet de société qui va dans le sens de cette efficacité – un projet qui augmenterait la fluidité du trafic, ou qui créerait des emplois en grand nombre et souvent sous-qualifiés – relève d’une pure absence de bon sens pour les partisans de la productivité. Il faut avant tout «  faire rouler l’économie », comme le chantait le regretté Dédé Fortin.

Une fois de plus, la communauté franco-ontarienne est sur le point d’être victime de cette funeste efficacité. C’est avant tout au nom d’arguments économiques, dissimulés derrière une cause écologique, que la Commission de la capitale nationale (CCN) désire aller de l’avant avec un projet d’envergure qui vise à élargir la rue Sussex dans le quartier de la Basse-Ville Ouest. Nos représentants de l’Hôtel de Ville ont recommandé unanimement de démolir les bâtisses aux 273 et 275-279, rue Sussex.

Ces maisons, dans lesquelles des générations de Canadiens-Français ont vécu, vont être détruites pour permettre l’élargissement du boulevard de la Confédération. Non seulement ces maisons sont « dans le chemin » d’un projet supposément visionnaire, mais elles ne seraient « pas en harmonie avec le cachet [de la promenade Sussex] », d’après la CCN. Le boulevard de la Confédération est aussi une artère régulièrement empruntée par les dignitaires qui visitent le pays. Nettoyer la voie de ces bâtiments populaires reviendrait donc à présenter au monde une ville, certes monumentale, mais sans histoire francophone, comme si on avait affreusement honte d’un passé ouvrier pourtant fondateur.

Quelle perte! Refusant de voir dans ces quelques vestiges l’occasion de préserver une trace de l’établissement de la communauté francophone dans la Basse-Ville, la Ville d’Ottawa est sans équivoque : ces maisons doivent être détruites et, avec elles, c’est tout un pan de l’histoire des Franco-Ontariens qui continue à s’effriter, après l’annonce récente de la démolition de maisons sur les rues Bruyère et St Andrew, qui laisseront place à un complexe résidentiel orchestré par Claridge Homes. Nous ne détruisons pas de simples murs, mais une partie de la culture canadienne-française en Ontario. Voici le message que nous lançons aux futures générations de francophones : « Vous n’existez pas et, si vous avez existé un jour, nous nous efforçons désormais de faire disparaître vos traces, vos souvenirs et vous poussons à l’assimilation. Laissez votre passé franco-ontarien aux cours d’Histoire et aux plaques commémoratives ».

Dans les années 1960 et 1970, la Ville d’Ottawa, financée par le gouvernement et la Société d’hypothèque et de logement, a rasé la quasi-totalité des maisons privées dans le quartier de la Basse-Ville Est, pour réaliser des logements sociaux sous la forme de barres d’habitations grises et de maisons en rangée. La communauté francophone a été expropriée sans possibilité de retour, impuissante face à la démolition de son quartier. Et voici que, quelques cinquante ans plus tard, on méprise encore et toujours l’argument de la minorité qui a l’audace d’affirmer la valeur mémorielle d’édifices centenaires, rejetant le seul argument de la qualité esthétique et du « cachet ».

La Rotonde s’insurge contre la décision de la Ville et appelle tous les citoyens ottaviens, anglophones comme francophones, à joindre leur voix à celle de M. Marc Aubin, président de l’Association communautaire de la Basse-Ville, pour s’opposer au projet destructeur de la CCN. Parce qu’à chaque fois qu’on s’attaque aux éléments célébrant la culture francophone à Ottawa, on engage aussi les hostilités avec l’institution qu’est La Rotonde, porte-étendard franco-canadien. La Ville d’Ottawa a déjà détruit trop d’édifices dans la Basse-Ville, il est impératif de préserver ceux qui demeurent, au nom de la culture canadienne-française et de ceux qui se sont battus pour la sauvegarder.

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