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Repenser l’avenir des institutions éducatives francophones en contexte minoritaire

Crédit visuel : Amina Achouri — Courtoisie

Article rédigé par Hai Huong Lê Vu — Journaliste

Le 5 mars dernier, dans le cadre d’une initiative visant à examiner les dynamiques changeantes dans les institutions postsecondaires, plusieurs panels se sont tenus au pavillon des diplômés Alex-Trebek, réunissant des acteurs clés du milieu éducatif francophone en Ontario. Parmi ces discussions, un atelier en particulier s’est penché sur  l’évolution et la transformation du rôle des institutions éducatives en contexte minoritaire.

Une éducation francophone sous-financée

La table ronde a débuté avec les interventions de Christian-Charles Bouchard, directeur de l’éducation et secrétaire-trésorier du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CPO) et d’Amine Aïdouni, surintendant de l’éducation du même conseil. Selon eux, le financement demeure un obstacle majeur, les institutions anglophones, largement majoritaires, étant avantagées dans l’attribution des ressources. Le recrutement d’un personnel qualifié, particulièrement des enseignant.e.s francophones en sciences, constitue une préoccupation constante, a ajouté Aïdouni. Les panélistes du CPO ont également souligné la croissance notable des effectifs dans les écoles publiques de langue française, entraînant des besoins accrus en infrastructures et une pression sur les ressources.

La professeure en science politique de l’Université d’Ottawa (U d’O) Geneviève Tellier a ensuite pris la parole pour aborder l’importance des ententes financières entre les paliers fédéral et provincial pour soutenir les institutions postsecondaires. Elle a toutefois soulevé un manque de transparence et de reddition de comptes quant à l’utilisation des fonds alloués par les gouvernements de l’Ontario et du Canada.

Tellier a dénoncé l’approche du gouvernement fédéral, qui, selon elle, conclut des ententes individuelles avec les provinces et les universités, sans qu’elles soient accompagnées d’une stratégie globale et cohérente pour la francophonie. Elle a exprimé des doutes sur l’impact réel de certaines ententes, notamment celle portant sur l’embauche de professeur.e.s francophones à l’U d’O. La professeure a également souligné un manque de clarté autour des critères d’attribution des fonds, ainsi que l’absence d’une vraie consultation des besoins de la communauté.

Tellier a poursuivi en évoquant le contexte budgétaire difficile des universités ontariennes, marqué par des compressions et une logique de commercialisation de l’éducation, qui, selon elle, pourrait nuire aux programmes francophones moins populaires. Elle a plaidé pour une meilleure représentation des communautés francophones dans les processus décisionnels concernant l’enseignement postsecondaire.

Des institutions francophones fragilisées par un financement inéquitable

En entrevue avec La Rotonde, Tellier dénonce une inégalité d’accès aux programmes et services entre les étudiant.e.s anglophones et francophones à l’institution uottavienne, attribuant cela en partie à une logique de rentabilité qui désavantage les petits programmes francophones. « S’il faut procéder à des coupures budgétaires, ce sera dans les programmes en français, qui coûtent le plus cher, et c’est plus facile de couper des petits programmes […] Ça ne devrait pas se produire ainsi », dénonce-t-elle.

Les échanges se sont poursuivis avec l’intervention d’Aurélie Lacassagne, rectrice de l’Université de Hearst. Elle a exposé le rôle fondamental de son établissement dans les petites communautés francophones éloignées du nord de l’Ontario. Selon elle, le modèle actuel de financement des universités ne prend pas en compte les réalités uniques des petites institutions francophones en milieu minoritaire, et privilégie la quantité d’étudiant.e.s au détriment de la qualité de l’enseignement.

Enfin, Martin Normand, président-directeur général de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), a présenté une perspective pancanadienne, rappelant que le milieu postsecondaire francophone évolue dans un contexte où l’opinion publique, notamment dans les médias anglophones, n’est pas toujours favorable.

Normand a mis en avant le rôle de l’ACUFC comme interlocuteur privilégié auprès du gouvernement fédéral, particulièrement depuis l’inclusion du postsecondaire dans la Loi sur les langues officielles. Comme Aïdouni et Bouchard, Normand a reconnu le potentiel de collaboration entre les institutions, tout en dénonçant les obstacles administratifs et la mise en concurrence des établissements francophones.

Une mobilisation étudiante à renforcer

Les organisatrices du symposium, Luisa Bernice et Nathalie Bélanger, expliquent à La Rotonde qu’elles ont voulu explorer les liens entre la francophonie minoritaire, les populations étudiantes en mutation, et le rôle des institutions francophones. Bélanger insiste sur la diversité croissante de la population étudiante, ainsi que sur la nécessité d’impliquer les étudiant.e.s dans ces réflexions.

Présent à cet atelier, Adjmal Younoussa, président de l’Association des étudiant.e.s internationaux.ales de l’U d’O (AÉI), met en lumière les défis spécifiques auxquels font face les étudiant.e.s internationaux.ales francophones, notamment leur difficile adaptation au système scolaire et financier canadiens, ainsi que le manque d’information et de promotion des services universitaires auprès de cette population étudiante. Il insiste sur le rôle crucial, mais souvent sous-estimé par l’Université, des associations étudiantes dans le soutien aux étudiant.e.s. Le président de l’AÉI appelle ainsi à une plus grande consultation de l’Université auprès des leaders étudiant.e.s francophones.

Younoussa exprime finalement le regret de constater un faible taux de participation de la communauté étudiante à ce type de discussions, qui concernent pourtant leur propre avenir et celui des institutions francophones.

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