
Lectures imposées: et si le problème venait du système universitaire?
– Par Camille Lhost –
Nombre de professeurs constatent que les lectures imposées aux étudiants ne sont que rarement effectuées. Certains répondent que le problème vient des élèves… d’autres, des professeurs!
Nancy Vézina, conseillère au Centre de pédagogie universitaire de l’Université d’Ottawa (U d’O), note que les étudiants ont une charge de travail importante en raison de leurs cours et des emplois qu’ils occupent en dehors de l’université. Elle ajoute que certains manquent de méthodes de lecture. Pour Guy Bourgeault, professeur spécialisé dans les méthodes d’apprentissage à l’Université de Montréal, le phénomène n’est pas nouveau: « Depuis que j’enseigne, c’est-à-dire depuis les années 1970, j’ai toujours côtoyé des étudiants qui ne lisent pas. »
Pourquoi sont-ils si nombreux à délaisser les lectures assignées? Le problème viendrait-il seulement des étudiants trop occupés? Ou bien faudrait-il repenser les méthodes d’apprentissage et d’enseignement? C’est en tout cas l’avis de certains professionnels de l’éducation.
Repenser les bibliographies
Guy Bourgeault note que les professeurs ont tendance à fournir des bibliographies surabondantes et que les étudiants ne savent pas faire le tri entre ce qui est pertinent ou moins pour compléter leurs cours. Il propose aux enseignants de sélectionner seulement les passages des lectures en lien direct avec les sujets abordés pour que les étudiants s’y penchent davantage. « Les étudiants posent très souvent des questions à leurs professeurs durant leurs heures de bureau ou par courriel, ces derniers devraient les orienter vers des lectures qui leur donneraient des réponses claires et précises. »
Il ajoute que, généralement, les professeurs ne sont pas assez exigeants: « Les questions à choix multiples qu’on propose aux étudiants lors des examens ne leur permettent pas de comprendre l’intérêt des lectures. Ils se disent que les questions ne porteront que sur le cours, que lire ne servira à rien! »
Cameron Montgomery, professeur en santé et éducation à l’U d’O et formateur à l’École des maîtres, confirme cette idée. Pour lui, les cours magistraux donnés sous forme de diapositives PowerPoint ne sont pas une bonne méthode d’apprentissage. Il explique: « Les cours sont exactement le résumé de la lecture. Pourquoi les étudiants perdraient du temps à lire? Ils ont un sentiment de redondance, de redite. Il est fondamental de repenser les schémas d’enseignement. »
Changer radicalement les schémas d’enseignement
Cameron Montgomery affirme que les méthodes d’apprentissage doivent être revues: « Il est plus facile de s’accrocher aux anciennes méthodes que d’en tester une nouvelle qui se risque à l’échec. » Mais, pour lui, l’échec est présent dans toutes les classes. Il poursuit: « Lorsque les étudiants bâillent, sont plus intéressés par leurs cellulaires ou Facebook, les professeurs doivent se demander comment le cours pourrait être donné autrement. »
Car, selon lui, le problème est là: les enseignants doivent se remettre en question. « Ceux qui tentent un nouvel enseignement sont frustrés, tendus, stressés, incertains, mais innovateurs! » M. Montgomery affirme que le pro- fesseur donne 1 % de la matière et que l’étudiant travaille les 99 % restants grâce à un engagement personnel. « À partir de là, il peut faire des liens entre les cours et les autres supports d’apprentissage (films, discussions) que les enseignants lui proposent. »
Les deux professionnels de l’apprentissage consultés concluent: « Il est primordial de solliciter les étudiants. Leur donner des cours tout cuits ne les aidera pas à progresser et à développer leur esprit critique. »