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Arts et culture

Légèreté et pesanteur : un vrai dilemme

Culture
3 décembre 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique 

Critique rédigée par Malek Ben Amar – Contributrice  

Publié pour la première fois en 1984, L’Insoutenable légèreté de l’être est le titre le plus connu de Milan Kundera. Cet auteur contemporain s’est réfugié en France dans les années 1970 après avoir quitté son pays natal de la Tchécoslovaquie. En 1988, ce classique indémodable a été adapté au cinéma par les réalisateurs Philip Kaufman et Jean-Claude Carrière.

Le titre oxymorique surprend déjà par sa tournure philosophique et prend son importance tout au long du roman. Structurée en sept parties qui fonctionnent en cercle et où les thèmes reviennent constamment, en échos et leitmotiv, l’œuvre titre généralement ses parties de deux pôles. Ceux-ci sont illustrés à chaque fois par ses quatre personnages principaux, Tomas et Tereza, Franz et Sabina. Kundera, dans ce monument de la littérature, nous offre également une réflexion profonde à travers de longues études psychologiques, ainsi que d’importantes références littéraires et philosophiques.

Personnages et allégories

L’Insoutenable légèreté de l’être tourne autour de différents personnages, principalement deux couples. Le personnage central est Tomas, chirurgien tchèque brillant, contrarié face au communisme et complètement hostile devant l’invasion soviétique de 1968. Tereza, son épouse, photographe, fidèle et dévouée, s’est accrochée à lui après avoir fui sa mère. Sabina, maîtresse de Tomas, est artiste peintre, contrariée de toute forme d’ingérence dans la pensée et enfin, Franz, amant de Sabina, est l’archétype de l’homme droit et fiable. La relation adultère de Sabina le torture.

Chaque personnage reflète une figure métaphorique. L’ambiguïté est représentée par le mari infidèle et volage, Tomas, trahissant sa femme. La morale, incarnée par Tereza, se manifeste par le dévouement à son mari et par l’amour dont elle fait preuve tout le long du récit. Sabina, vraie image de la légèreté, transmet quant à elle la modernité par son esprit transgressif. Tout comme Tereza, Franz est le trait marquant de la pesanteur. Englué dans un mariage non réussi, il représente le vieux monde.

Première partie

Tou.te.s ces personnages voient leur vie chuter au moment de l’invasion russe en Tchécoslovaquie en 1968 et dans les années de délation qui suivent. Kundera manifeste avec peu de mots, mais trop de justesse et d’efficacité, cet indescriptible état de « qui perd, perd ». On se sent mal seul et mal à deux, oscillant d’une attente vers l’autre sans jamais éprouver de mieux dans l’une ou l’autre situation. Cette partie du livre présente l’endroit idéal d’une médaille à double face représentée par Tomas et Tereza. Ainsi, l’auteur nous montre une perception bien particulière d’événements au travers du prisme que constitue le personnage central.

Deuxième partie

Cette partie est l’autre face de la médaille, vue par le prisme de Tereza, toujours avec subtilité dans le ressenti difficilement exprimable. En effet, c’est un procédé que Kundera évoque dans tout le roman. Bien que certain.e.s soient un peu déçu.e.s par cette incompréhensibilité et cette stagnation de l’action, je trouve que les événements sont légèrement transmis par l’auteur, et ce à sa propre façon. C’est à mon sens le grand intérêt du roman.

Avec Tomas, l’auteur nous interroge sur le dilemme de la légèreté et la pesanteur, en nous faisant remarquer qu’il est bien difficile de se prononcer sur la valeur positive ou négative de cette opposition. Avec Tereza, qui passe de longues heures devant le miroir à essayer de voir son âme derrière son aspect physique, il examine la dualité entre le corps et l’âme. Les nécessités du corps et les hasards de l’âme, pourtant forcés de s’entrelacer au sein de l’être, essayent souvent d’éviter les discordes.

Troisième partie

C’est dans cette partie que l’auteur se plonge dans le monde de la politique, à savoir l’oppression communiste en Tchécoslovaquie. L’incommunicabilité peut être considérée comme le thème dominant : celle des réfugié.e.s politiques avec les étranger.ère.s, celle des opposant.e.s déclaré.e.s et des opposante.e.s intimes, et celle des réfugié.e.s avec les personnes restées au pays. L’écrivain ne signale pas nécessairement un régime, mais il met en exergue le fait qu’un régime n’est rien d’autre qu’une somme de complaisances et de connivences qui contribuent à un système liberticide.

Étant un amateur de la littérature classique, Kundera a fait de sorte que le fil de l’histoire avance sans se soucier des individu.e.s, qui ont l’illusion de faire de bons choix. L’intrigue se base plutôt sur le fait que les choix des personnages ne changent rien et auraient pu être plus optimaux, sans que les résultats observés soient modifiés.

L’Insoutenable légèreté de l’être est une œuvre tellement profonde qu’on ne pourrait cerner ce qu’elle vaut en si peu de mots. Il s’agit certes l’un des plus grands romans universels du XXe siècle. Kundera y met en parallèle deux modes de vie, deux façons d’être, entre lesquelles j’étais parfaitement tiraillée. Pour cela, ce livre me touche plus que d’autres.

Si vous êtes, comme moi, en quête d’astuces pour tendre au bien-être et à l’accomplissement de soi, ce chef-d’œuvre vous orientera sur quelques réflexions intéressantes. Parfois, nous sommes tou.te.s attiré.e.s par la légèreté de la vie ; Kundera nous en montre les conséquences, et à travers son point de vue, il nous aide à créer la nôtre.

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