Crédit visuel : Akylis Jetté-Ottavi — Cheffe du pupitre Arts et culture
Chronique écrite par Akylis Jetté-Ottavi — Cheffe du pupitre Arts et culture
Au Canada, on ne survit pas à l’hiver, on l’apprivoise ! Entre les tempêtes de neige, les nuits qui débutent à 16h, les températures qui nous enveloppent dans nos couvertures chauffantes et le chocolat chaud qui devient notre nectar de survie, cette saison est bien plus qu’un simple chapitre du calendrier : c’est une muse. De Lawren Harris à vos « stories » Instagram, l’hiver inspire. Mais pourquoi cette obsession pour la glace et les flocons ?
L’hiver, un élément central
Quand nous pensons au Canada, nous imaginons rapidement les paysages blancs et les sports d’hiver. Avec ses neiges abondantes, ses températures glaciales et ses paysages figés sous le givre, l’hiver façonne non seulement le quotidien des Canadien.ne.s, mais aussi leur manière de voir le monde. Cette omniprésence a fait de cette saison une source d’inspiration artistique et un symbole profond de l’identité nationale.
À la fois magnifiques et imposants, vastes et souvent sauvages, ses paysages sont d’un visuel sans pareil. Pour un.e artiste, il s’agit de reproduire dans un tableau, une photographie, une scultupre, un récit, un sentiment qui rappelle ces scènes étendues de blanc infini, d’insérer une lumière propre aux journées enneigées ou de permettre aux spectateur.ice.s d’assister au silence sacré qui enveloppe la nature endormie.
C’est une esthétique qui n’existe certainement pas partout, sauf dans les pays froids. Elle se définit par une lumière douce causée par les journées courtes, par des couleurs subtiles créées par la neige, puis par des ombres projetées sur la glace. Elle devient un moyen d’explorer des thèmes comme la solitude, la puissance de la nature et la relation entre l’être humain et son environnement.
Héritage et art contemporain
Historiquement, l’hiver était synonyme de survie : braver les tempêtes, traverser les étendues gelées et s’adapter à un environnement hostile nécessitant une grande ingéniosité. De ce rapport intime avec l’hiver, les Canadien.ne.s ont forgé une résilience qui se reflète dans la culture. Ce qui autrefois paraissait comme un défi impossible à franchir est aujourd’hui devenu une source de fierté.
L’hiver a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de l’art canadien, notamment avec le Groupe des Sept. Ce groupe d’artistes actif au début du 20e siècle a élevé les paysages hivernaux au rang de symboles de l’identité nationale.
Parmi eux, Lawren Harris a peint des scènes spirituelles ancrées dans un univers glacé, comme les montagnes enneigées, qui devenaient des métaphores de la grandeur du Canada. D’autres artistes, tels qu’A.Y. Jackson, ont capturé les villages enveloppés de neige et les scènes rurales afin de refléter la vie quotidienne durant l’hiver canadien. Exposées dans les musées, comme le Musée des beaux-arts du Canada, leurs œuvres influencent toujours la perception de cette saison abrupte comme un élément fondamental de la culture et de l’art canadien.ne.s.
Aujourd’hui, les artistes contemporain.e.s revisitent le thème de l’hiver sous des angles nouveaux, souvent en lien avec des enjeux modernes comme le changement climatique, la migration ou la résistance face aux conditions extrêmes. Je pense notamment à Edward Burtynsky, photographe renommé qui documente les effets de l’activité humaine sur les paysages, y compris les environnements hivernaux, tout en explorant les questions d’écologie et de durabilité. Marc Séguin, peintre et romancier québécois connu, peint quant à lui des œuvres régulièrement accompagnées de symboles hivernaux pour explorer la relation entre les peuples autochtones et leurs territoires ancestraux.
Là où les artistes du passé cherchaient à immobiliser la beauté et la rudesse des paysages hivernaux, les artistes du présent se tournent vers des perspectives plus symboliques et critiques. L’hiver devient un miroir de notre époque, reflétant autant la fragilité de l’environnement que notre capacité créative à s’adapter et à réinventer le monde. Les deux époques continuent de dialoguer ensemble, que ce soit pour célébrer la nature, questionner nos actions ou explorer des récits personnels, cette saison reste un sujet inépuisable dans l’art canadien.
Il suffit de se promener en ville durant la saison pour apercevoir des monuments temporaires décorer les rues et les lieux touristiques. Je fais référence aux sculptures de glaces et aux expositions hivernales organisées par des artistes, des concours ou la municipalité.
De nombreuses activités
Pour accueillir le nouveau trimestre, l’Université d’Ottawa (U d’O) organise chaque année en janvier le « Rassemblement international d’hiver ». Cet événement est l’occasion pour les membres de la communauté universitaire de se réunir et de célébrer la diversité culturelle sur le campus. De la musique, des activités, de la nourriture et une ambiance chaleureuse sont au rendez-vous sur la terrasse du pavillon Morisset.
De plus, la Ville d’Ottawa offre diverses activités pour permettre à ses habitant.e.s de profiter à fond du froid, comme le fameux Bal de Neige, se déroulant du 31 janvier au 17 février 2025, et durant lequel des sculptures de glace et des activités culturelles permettront aux Ottavien.ne.s de célébrer.
Bref, la saison hivernale est importante pour la culture canadienne. Elle va jusqu’à enrichir notre milieu scolaire et à inspirer nos artistes locaux.ales. Dans ce pays, nous transformons l’hiver en tableau vivant, et on se gèle les doigts pour mieux tenir notre pinceau !