
Quand l’opéra devient conte : entre magie, passion et interprétation
Crédit visuel : Sophie Désy — Photographe
Article rédigé par Athéna Akylis Jetté-Ottavi — Cheffe du pupitre Arts et culture
Du 7 au 9 mars 2025, le club Opéra uOttawa présente, à la salle Huguette-Labelle du pavillon Tabaret, son nouveau spectacle mettant de l’avant les histoires de Cendrillon et d’Alice au pays des merveilles. Sous la direction musicale de Judith Ginsburg et la mise en scène de Dana Fradkin, ce spectacle est le résultat d’une année de travail.
La première partie du spectacle correspond à l’histoire de Cendrillon. D’une durée de 55 minutes, cette section est interprétée en français. L’heure qui suit met en scène l’histoire d’Alice au pays des merveilles, composée dans le style du compositeur britannique Will Todd. Les billets sont disponibles à la vente au coût de 11,30 $ chacun.
Un casse-tête artistique
Christiane Riel, directrice artistique du projet et professeure d’opéra, explique que la sélection des œuvres est un processus minutieux qui nécessite une vision d’ensemble. Pour cette année, Riel a choisi de monter Cendrillon de Pauline Viardot, une compositrice qui l’inspire profondément. Elle souligne son importance dans l’histoire de l’opéra et son rôle de pionnière : « Viardot est une femme en avance sur son temps […]. Elle n’a pas la langue dans sa poche. »
En recherchant un opéra complémentaire pour accompagner celui de Cendrillon, Riel est tombée, après de longues recherches, sur l’œuvre d’Alice. Cet opéra, mêlant jazz et technique classique, contraste avec l’aspect romantique du premier acte, souligne la professeure.
L’un des défis majeurs, selon Riel, était de veiller à ce que chaque chanteur.se puisse évoluer à travers les oeuvres choisies : « C’est comme un casse-tête, de s’assurer que chaque personne a, durant l’année, quelque chose à son niveau. » Riel voit son travail comme une grande construction artistique minutieuse, où chaque élément doit trouver sa place, tout en respectant les voix et les capacités de ses élèves.
« C’est un processus assez intéressant. Nous avons beaucoup de parties personnelles, nous devons comprendre la musique et faire des coachings avec notre pianiste […] Mais ce que je préfère, c’est de jouer avec les autres sur la scène et voir ce que ça devient une fois que le tout est mis ensemble », explique Lauren Reising, qui occupe le rôle principal dans Cendrillon.
Mina (Philip Lukic), directrice des costumes et interprète du Baron de Pictordu dans Cendrillon et de la chenille dans Alice, partage qu’il fallait également trouver la bonne alchimie entre les acteur.ice.s pour les scènes, un aspect qui a évolué au cours des pratiques. S’ajoutent à ce processus la chorégraphie et le jeu d’acteur.ice, souligne Emily Deschamps, interprète d’Armelaine et de la mère d’Alice : « Il faut faire un peu de danse, un peu de jeu. Il est vraiment intéressant d’apprendre les différents aspects de l’opéra et de la performance sur scène ».
Une expérience humaine et collective
Si l’opéra est avant tout une performance musicale et scénique, la professeure insiste sur le rôle du travail collectif et de la discipline exigée dans le milieu. Riel explique que les étudiant.e.s engagé.e.s et investi.e.s doivent apprendre à fonctionner en groupe, à respecter la vision de la metteuse en scène et à s’adapter aux exigences de la scène et de la musique.
Ce travail en équipe se retrouve aussi dans la conception des décors et costumes. Faute de budget important, les étudiant.e.s ont dû faire preuve d’ingéniosité et de créativité en utilisant des ressources existantes, parfois même leurs propres vêtements : « Nous avons essayé autant que possible de prendre des choses que nous avons dans notre garde-robe, dans notre atelier de costumes », précise la professeure.
Alice Newman-Goujon, cheffe du maquillage et coiffure, témoigne que c’était la première fois qu’elle avait « autant de liberté au niveau de la construction du spectacle », et partage que le fait de trouver des similarités entre Cendrillon et Alice a été un défi. Mina mentionne quant à elle l’intensité de la charge de travail, ayant fait elle seule l’esthétique de plus de 40 costumes.
L’art comme héritage et partage
Au-delà de l’enseignement et de la gestion du projet, la directrice artistique voit surtout l’opéra comme « une expérience humaine et artistique profonde », qui dépasse le simple cadre universitaire. Pour elle, l’art n’est pas là pour imposer une vision unique, mais pour offrir un espace d’interprétation et de ressenti personnel : « En art, il y a quelque chose que nous comprenons, c’est que nous donnons tout ce que nous voulons au service d’une vision. Après, ça ne nous appartient plus. »
Riel sait que chaque spectacle marque les étudiant.e.s et leur permet d’évoluer. Voir leur progression, leur implication et leur passion lui procure une satisfaction immense : « quand c’est fini, et que je les vois tou.te.s heureux.ses, je me dis que c’est moi qui ai permis cela », ajoute-t-elle.
Ce sentiment de liberté artistique résonne aussi auprès des interprètes, notamment pour Lucia Micu, qui joue le rôle de Tweedle Dee dans Alice. « [Le spectacle fait ressortir] un côté de moi que je n’ai pas vraiment le droit de montrer à l’Université. Maintenant, je peux être encore enfant. J’ai une excuse pour le faire. »
Le spectacle, comme le rappelle Deschamps, est bilingue. Elle souligne que le français « n’est pas forcément la langue maternelle de tout le monde » et félicite les efforts de ses collègues en matière de prononciation.