Inscrire un terme

Retour
Actualités

Les failles du système d’accommodements scolaires pour les étudiant.e.s en situation de handicap sur le campus

Actualités
28 septembre 2021

Crédit visuel : Dereck Bassa – Photographe

Un article rédigé par Camille Cottais – Cheffe du pupitre Actualités, avec la contribution de Nisrine Nail – Directrice artistique

Les étudiant.e.s en situation de handicap de l’Université d’Ottawa (l’U d’O) peuvent bénéficier d’accommodements scolaires, encadrés par le Service d’appui au succès scolaire (SASS). Beaucoup d’étudiant.e.s se plaignent néanmoins de la difficulté d’accès et du non-respect de ces accommodements. Comment se fait-il que les élèves ayant une incapacité ou un handicap manquent autant de confiance envers le SASS, alors même qu’il est censé être le service les aidant sur le campus ?

Un système qui a du potentiel

Le Service d’accommodements scolaires de l’U d’O propose différents services, comme un service visant à adapter les examens, un service d’interprétation en langue des signes pour les personnes sourdes et malentendantes, ou encore un service de transcription pour convertir le matériel de cours en braille, en PDF ou en audio.

Kenza Seffar, étudiante internationale en troisième année, explique qu’elle peut par exemple bénéficier de temps supplémentaire aux examens et d’un.e preneur.se de notes pour ses cours. Ses professeur.e.s sont également tenu.e.s d’accepter qu’elle ait un ordinateur, et elle passe ses examens dans une salle à part. En outre, elle ajoute que ses accommodements lui permettent théoriquement de ne jamais avoir plus d’un examen dans la même journée. Néanmoins, elle souligne que cela n’est pas toujours pris en compte, et ainsi qu’il faut demander un examen différé, ce qui est très compliqué.

Mélissa Meunier, ancienne étudiante à l’U d’O, bénéficiait d’accommodements similaires, ajoutés à une autorisation de garder sa calculatrice peu importe les circonstances. Elle indique avoir bénéficié de logiciels comme Antidote et un ordinateur portable lui étaient également prêtés pour les examens.

Florence Letarte, étudiante en troisième année, vient d’entamer le processus pour obtenir des accommodements. Elle précise que ces derniers lui permettront d’être considérée comme une étudiante à temps plein et non à temps partiel, même si elle ne prend que deux cours, afin de pouvoir conserver ses bourses. Elle pourra également garder son casque réducteur de bruit pour les examen et bénéficier au besoin d’extensions pour ses travaux. Une conseillère du SASS lui est attitrée, et elle peut la rencontrer dès qu’elle le souhaite.

Des lacunes dans le système d’accommodements scolaires

Cependant, ces accommodements ne sont pas toujours respectés, et les services du SASS ne satisfont pas toujours les étudiant.e.s ayant un handicap. Seffar déplore un manque d’informations sur les différents accommodements possibles et sur la façon à s’y prendre pour y accéder. Selon elle, beaucoup d’étudiant.e.s qui en auraient besoin ne s’engagent pas dans les démarches, car elles sont trop longues et complexes, voire même parce qu’ils.elles ne savent pas qu’avoir des accommodements est possible.

Les documents à fournir diffèrent selon le type de handicap. Pour Seffar, le nombre de documents requis complique l’accès aux accommodements. Il faut également souligner qu’avoir un diagnostic est un privilège, étant donné la complexité des procédures et les longs délais d’attente avant les rendez-vous, qui sont par exemple de plusieurs années pour un trouble du spectre autistique (TSA).

À cela s’ajoute le prix à dépenser pour obtenir ses papiers. Si Letarte n’a dû payer que 80 dollars pour les obtenir, ce ne fût pas le cas de Meunier dont les papiers de diagnostic ont été jugés trop anciens, malgré la permanence de son handicap. « J’ai dû reprendre rendez-vous avec ma neuropsychologue, ce qui m’a coûté très cher, uniquement pour me faire redire la même chose. » rapporte-t-elle. Letarte précise que ses papiers ont été acceptés, et que sa conseillère a pu s’appuyer sur les accommodements dont elle bénéficiait au secondaire.

Seffar parle également du manque de suivi à partir du deuxième semestre, par contraste avec le premier semestre où elle avait rendez-vous une semaine sur deux avec sa conseillère. Meunier, quant à elle, a été surprise du manque de connaissances de certain.e.s employé.e.s du SASS sur les handicaps. Elle ne s’est pas senti comprise, sa conseillère ne sachant pas ce qu’était la dyscalculie et connaissant peu de choses sur la dyslexie. Le mauvais accompagnement du SASS est une des raisons qui ont poussé Mélissa à changer d’université : « Je n’aimais vraiment pas les services du SASS. Pour réussir, il me fallait une école qui puisse m’aider. ».

Willow Robinson est coordinatrice du Centre pour étudiant.e.s ayant une incapacité (CEI). Cette dernière, qui dépend du Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO), est présente pour aider les étudiant.e.s ayant besoin d’accommodations, notamment lorsque le SASS n’aide pas les étudiant.e.s ou lorsqu’un.e professeur.e ne respecte pas les politiques du SASS.

Robinson souligne que beaucoup de personnes sont anxieuses à cause des difficultés d’accès aux accommodements ou en raison de la complexité du site internet. Letarte partage cette expérience, ayant trouvé qu’obtenir toutes les informations requises était difficile.

Difficulté décuplée pour les étudiant.e.s internationaux.ales

Seffar juge qu’accéder à des accommodements est bien plus dur pour les étudiant.e.s internationaux.ales. Premièrement, parce que le rendez-vous expliquant les documents requis a lieu une fois les étudiant.e.s arrivé.e.s au Canada et la rentrée commencée. Mais surtout car, selon elle, beaucoup de diagnostics et de tests effectués à l’étranger ne sont pas valables au Canada. Lors de son premier rendez-vous, la conseillère lui a ainsi expliqué qu’elle devait passer un nouveau test au Canada, coûtant 2 000 dollars et ayant jusqu’à un an d’attente. Finalement, elle a réussi à trouver une solution et est retournée au Maroc pour passer le test pour 200 dollars. Elle souligne également que les tests sont différents entre les différentes provinces du Canada, ce qui n’est pas précisé sur le site internet.

Selon Letarte, en effet, l’expérience n’est pas la même pour tout le monde : « Cela a été beaucoup plus simple pour moi d’avoir des accommodations, car je suis privilégiée, je viens de l’Ontario, j’avais déjà un diagnostic et des professionnel.le.s de santé qui me suivent depuis longtemps, donc je n’ai pas eu à effectuer d’autres tests ou à fournir d’autres documents ».

Un droit de refus des professeur.e.s ?

Selon le Règlement académique I-16 relatif aux Accommodements académiques, les enseignant.e.s sont tenu.e.s de respecter les mesures d’adaptation académique des étudiant.e.s en situation de handicap. Pour Willow, ce n’est pas toujours le cas : beaucoup d’étudiant.e.s se plaignent au CEI que leurs aménagements ne sont pas respectés, notamment lors des examens finaux.

Meunier raconte que sa conseillère attribuée lui a explicitement mentionné que les professeur.e.s avaient le droit de refuser qu’elle utilise son logiciel Antidote ou son ordinateur, car il s’agissait de leur cours et donc qu’ils faisaient les règles. Néanmoins l’étudiante dit qu’il était pourtant écrit noir sur blanc dans la liste de ses accommodations qu’elle était autorisée à garder ces outils peu importe la situation. On l’a également informé que les professeur.e.s de mathématiques pouvaient refuser qu’elle garde sa calculatrice et qu’il allait falloir qu’elle en discute avec le professeur. Elle rappelle pourtant que le SASS est supposé garantir l’anonymat des élèves handicapé.e.s en s’occupant pour eux.elles de communiquer avec les professeur.e.s.

En vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario, l’Université garantit aux étudiant.e.s de ne pas avoir à divulguer leur diagnostic pour pouvoir obtenir des accommodements. Meunier déclare avoir dû expliquer, voire débattre avec certain.e.s professeur.e.s de son handicap pour qu’ils.elles acceptent ses accommodements. Robinson souligne qu’il est également fréquent que des professeur.e.s dévoilent devant toute la classe l’identité ou le handicap de la personne bénéficiaire des accommodations.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire