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Les professeur.e.s à temps partiel en grève ? Entrevue avec Luc Angers

Camille Cottais
29 juin 2022

Crédit visuel : Archives

Entrevue réalisée par Camille Cottais – Journaliste

L’association des professeur.e.s à temps partiel de l’Université d’Ottawa (APTPUO) négocie actuellement sa convention collective. Ces négociations ne répondant pas à leurs attentes, les membres de l’association ont procédé à un vote de grève du 18 au 22 juin dernier. Près de 88 % des professeur.e.s à temps partiel appuient l’utilisation de moyens de pression allant jusqu’à la grève pour obtenir une meilleure entente avec l’Université d’Ottawa (U d’O). 

La Rotonde (LR) : Pouvez-vous vous présenter et expliquer en quoi consiste votre rôle au sein de l’APTPUO ?

Luc Angers (AG) : Je suis le vice-président de l’APTPUO et je m’occupe principalement de la mobilisation des membres. Je fais également partie du comité de négociations à titre de chargé de cours. J’enseigne à la Faculté d’Éducation depuis 2016.

L’APTPUO représente près de 2 500 membres, qui enseignent dans différentes facultés de l’U d’O. Il y a environ 60 % des cours qui sont donnés par des chargé.e.s de cours, c’est-à-dire des professeur.e.s à temps partiel.

LR : En quoi consistent les négociations actuelles entre l’APTPUO et l’administration de l’U d’O ?

AG : Nous avons débuté un processus de négociation, car notre convention collective prenait fin au mois d’août 2021. Ces négociations ont habituellement lieu tous les deux ans.

Avant le début des négociations avec l’U d’O, nous avons eu une période de pré-campagne pendant les semestres d’automne et d’hiver. Il s’agit de temps publics pendant lesquels les membres de différentes facultés viennent s’entretenir avec nous pour poser les points sur lesquels nous voulons négocier.

C’est il y a environ un mois et demi qu’a commencé la période de négociations plus formelles, qui est toujours en cours. 

LR : Quelles sont les demandes de l’APTPUO lors de ce processus de négociation ?

AG : Les revendications portent essentiellement sur l’obtention de meilleures conditions de travail. Par exemple, étant donné que nous n’avons pas de contrat sur plusieurs années comme les professeur.e.s réguliers, nous voudrions des dates d’affichages des cours fixes pour permettre aux professeur.e.s à temps partiel d’avoir suffisamment de temps pour préparer leurs cours.

L’évaluation des étudiant.e.s, l’instauration de primes selon l’expérience ou encore l’inclusion des professeur.e.s à temps partiel au Sénat et au Bureau des gouverneurs font également partie des items en train d’être négociés. Pour l’instant, tout ce que l’APTPUO a proposé a été refusé par la partie patronale.

LR :  Dans votre rapport du comité de négociation, il est mentionné que « l’Université réclame d’importantes concessions à la table de négociation, ce qui ferait reculer d’une décennie les gains importants réalisés par les membres de l’APTPUO ». En quoi consistent ces concessions demandées par l’Université et pourquoi vous y opposez-vous ?

AG : Le gouvernement de l’Ontario a fixé un gel salarial de 1 % pour tou.te.s les fonctionnaires publics pendant trois ans. Puisque Doug Ford a été réélu, ce cap ne va certainement pas bouger, malgré l’inflation qui atteint des taux records. Nous proposons à l’Université une entente de quatre ans, avec une augmentation salariale de 12 % à la quatrième année. L’U d’O insiste sur une entente de trois ans prévoyant une augmentation salariale de 1 % par an.

Nos membres sont qualifié.e.s, ils.elles ont un doctorat et même parfois des post-doctorats, ont étudié pendant des années, mais pourtant certain.e.s peinent à survivre. Principalement pour les jeunes professeur.e.s qui débutent, c’est une situation très précaire. 

Aussi, nous avons fait des sacrifices immenses pendant la pandémie. Nous étions contre les cours bi-modaux qui étaient catastrophiques. Nous avons réussi à conserver la qualité de l’éducation pendant la pandémie malgré de mauvaises conditions de travail. Nous méritons une plus grande reconnaissance.

LR :  Vous vous êtes donc opposé.e.s à ces concessions demandées par l’Université et avez décidé de faire un vote de grève le 22 juin. Pourquoi avoir fait ce vote et que signifie vraiment son résultat ?

AG : Ce vote signifie que nos négociations ne doivent pas être prises à la légère. Nous sommes un corps professoral très important, donc le déclenchement d’une grève paralyserait l’U d’O. 

À l’Université, nous parlons beaucoup d’inclusion, de diversité et d’équité, mais on ne prend pas en compte les inégalités entre professeur.e.s à temps partiel et professeur.e.s régulier.e.s. Dans une optique d’équité, nous ne devrions pas être considéré.e.s comme des professeur.e.s bon marché. D’autant plus qu’un bon pourcentage des professeur.e.s à temps partiel sont issu.e.s de minorités visibles.

Je ne dis pas qu’il faudrait que l’APTPUO ait la même convention que l’Association des professeurs de l’U d’O, mais on voit une véritable différence de considération. Leur convention collective a été négociée facilement, en deux ou trois mois. Nous, on nous considère comme des employé.e.s uniquement, et non des membres. C’est diminutif par rapport à ce que l’on représente.

LR : En 2016 et 2019, il y a également eu un très fort pourcentage en faveur lors du vote de grève, sans qu’une grève soit enclenchée. Que s’est-il passé à ce moment-là, et cela a-t-il permis d’obtenir des gains dans les négociations ?

AG : Certainement, l’employeur n’est pas dupe, il est au courant de ce qu’une grève pourrait représenter. Grâce à ce vote, on ressent tout de suite dans les négociations qu’on est davantage pris.e.s au sérieux.

Les résultats similaires de 2016 et de 2019 n’ont pas abouti à une grève ni même à un lock-out. Il n’y a pas de gagnant.e.s dans une grève. Surtout pour les étudiant.e.s, on revient de deux années de quasi-absence sur le campus, beaucoup préparent avec enthousiasme leur rentrée de septembre, veulent retourner à une vie étudiante normale. Ce serait donc très malheureux de devoir déclencher une grève.

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