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Réélection de Ford : prévisible, mais pas sans conséquences

Dawson Couture
12 juin 2022

Crédit visuel : Pixabay

Article rédigé par Dawson Couture – Journaliste

Les Ontarien.ne.s ont réélu le Parti progressiste-conservateur (PPC) de Doug Ford dans une écrasante victoire le 2 juin dernier. Toutefois, en raison d’un taux de participation historiquement faible de 43,7 %, seul.e.s 1,9 million des 11 millions d’électeur.rice.s inscrit.e.s ont contribué à la seconde majorité du parti de Ford. 

Le PPC a remporté 83 sièges, soit sept de plus que l’élection précédente, tandis que le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Parti libéral ont réussi à faire élire respectivement 31 et huit député.e.s. Des résultats qui ont provoqué la démission des chef.fe.s de ces deux familles politiques.

L’élection marque très peu de changement dans les circonscriptions de la Capitale-Nationale. La libérale et francophone, Lucille Collard, gardera son siège pour Ottawa-Vanier, qui comprend aujourd’hui la Basse-Ville, Vanier et Sandy Hill. En outre, la députée fait partie du taux historique, soit 48 % de femmes et de personnes non binaires qui se sont présenté.e.s lors de ces élections provinciales.

Une victoire sans encombre pour le PPC

Depuis le début de la campagne électorale au mois de janvier, rien n’a pu décrocher Ford et le PPC de la tête des sondages. Pour Emmanuelle Richez, professeure agrégée en sciences politiques à l’Université de Windsor, le parti a réussi en se positionnant au centre de l’échiquier politique où aucun concurrent n’a été capable de le faire basculer.

« Ford a très rapidement cerné l’enjeu central de l’élection, soit la hausse du coût de la vie, et a mis de l’avant des mesures concrètes pour s’attaquer à ce problème », souligne-t-elle. Les progressistes-conservateurs ont ainsi été en mesure de rallier les votes modérés et ceux des travailleur.se.s, selon Richez, des gagne-pains traditionnellement libéraux et néo-démocrates.

Les résultats de jeudi marquent non seulement une victoire pour le PPC, mais également une défaite importante pour le NPD et le Parti libéral. Daphnée Veilleux-Michaud, étudiante de quatrième année en Études de conflits et droits humains à l’Université d’Ottawa (U d’O), ne peut cacher sa déception vis-à-vis des campagnes des différents partis. « Elles paraissaient faites à la dernière minute et n’ont pas réussi à faire participer le public de manière significative », constate-t-elle. 

Une affirmation soutenue par Richez, selon qui les principaux partis de l’opposition ont tous deux souffert de campagnes peu convaincantes et de l’absence d’un réel leadership.

Apathie, cynisme et abstention

Le taux d’abstention a atteint un nouveau plafond jeudi, obligeant les acteur.rice.s concernés à réfléchir sur les causes du désengagement politique en Ontario. Pour la professeure, une multitude de facteurs sont plausibles. Elle rapporte toutefois aux partis d’opposition une certaine difficulté à mobiliser la grogne contre le gouvernement et à retenir l’attention de l’électorat. Richez estime qu’avec le retrait de la pandémie, les électeur.rice.s n’avaient pas non plus l’appétit pour la politique. 

Si Veilleux-Michaud souligne la nécessité d’une réforme électorale, elle s’estime également désemparée face au manque d’éducation civique chez les jeunes. Le nombre de personnes qu’elle a dû aider à parcourir le processus était, selon elle, « époustouflant ». Elle confie par exemple que les nouveaux.elles électeur.rice.s ignoraient qu’ils.elles avaient droit à des heures de congé pour voter, ou encore plus qu’ils.elles croyaient nécessaire d’être inscrit.e en ligne pour pouvoir déposer leur bulletin de vote.

L’étudiante de l’U d’O reconnaît tout de même que voter et être intéressé.e par la politique sont des privilèges. Tandis que l’abstention peut être un geste politique, elle souligne qu’il est souvent alimenté par la pauvreté et le manque d’accès à certaines ressources. « J’espère que les chiffres de cette année serviront d’alarme pour réveiller nos politicien.ne.s », affirme-t-elle.

Ford 2.0

Le PPC bénéficiera d’une faible opposition à Queen’s Park, selon Richez, étant donné que les deux principaux partis d’opposition se retrouvent sans chef.fe.s au lendemain de l’élection. La professeure croit que les coupures pourraient continuer à faire partie de la stratégie de Ford. Alors que le PPC propose d’augmenter l’offre en matière de logement et de bâtir le système ontarien de santé mentale, les étudiant.e.s ne seront toujours pas une priorité pour ce gouvernement, estime-t-elle. 

La suppression de certains programmes risque d’affecter disproportionnellement les francophones, selon Veilleux-Michaud. Elle-même originaire de Sturgeon Falls, elle rappelle ainsi que les coupures, que ce soit dans les services en français ou en éducation, ont souvent ciblé le Nord ontarien où vit une grande concentration de francophones. Ces restrictions budgétaires ont d’ailleurs entraîné le chômage d’un tiers des enseignant.e.s à son école secondaire, y compris sa mère. « J’ai dû me battre pour qu’elle ne perde pas son emploi et pour que je puisse graduer à temps », se remémore-t-elle, alors qu’elle n’avait que 17 ans à l’époque.

Richez estime finalement que le gain de cette forte majorité n’enraye pas les défis de taille auxquels devra faire face le gouvernement Ford. En raison de l’énorme dette accumulée pendant la pandémie, elle croit que le Premier ministre réélu éprouvera certaines difficultés à lutter contre l’inflation et à établir un équilibre budgétaire. Par conséquent, elle prévoit un regain d’intérêt pour l’opposition dans les rangs de la société civile. 

 

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