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Éditorial

Des prix vertigineux et des gouvernements paresseux

Miléna Frachebois
24 janvier 2022

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique et Dereck Bassa – Photographe

Un éditorial rédigé par Miléna Frachebois – Co-rédactrice en chef

Statistiques Canada a sorti récemment un rapport sur l’Indice des prix à la consommation (IPC). Celui-ci se révèle troublant, mais confirme de manière concrète les défis et les peurs auxquelles ont fait face les Canadien.ne.s : la vie coûte chère, beaucoup plus chère. Face à cette hausse, nous, les étudiant.e.s, sommes exaspéré.e.s, nous sommes inquiet.e.s.

Selon ce rapport, l’IPC est monté à 4.8 % en décembre, c’est-à-dire que le niveau moyen des prix et services a augmenté de 4.8 %. L’Ontario a quant à lui un IPC de 5.2 %, soit au-dessus de la moyenne nationale. Pour faire court, la vie est de plus en plus chère au Canada, et elle l’est encore plus en Ontario. Que ce soit les logements, les légumes frais et les aliments, les transports… presque aucun secteur n’est épargné.

Une inflation rapide

D’après Mario Seccareccia, professeur émérite en sciences économiques à l’Université d’Ottawa, cette inflation pourrait être causée par plusieurs facteurs, notamment reliés à la pandémie. La COVID-19 a engendré des contraintes dans les chaînes d’approvisionnement et la production, notamment un manque de main-d’œuvre, ce qui a ralenti les activités économiques. Les confinements se sont succédé, nuisant à beaucoup de commerces locaux, de restaurants, et mettant l’économie en pause. Selon le Syndicat canadien de la fonction publique, « une augmentation temporaire de la demande pour des articles qui n’étaient pas disponibles pendant la pandémie et les sécheresses généralisées qui affectent la production agricole » sont aussi en cause.

Le professeur ne peut pas prédire l’issue de ce problème d’inflation, car tout dépend des causes qui lui sont associées et des solutions mises en place. Si la situation est liée à la chaîne d’approvisionnement, la flambée inflationniste pourrait se calmer plus rapidement. Mais nous ne pouvons pas prédire l’avenir. Ce que nous constatons, c’est le présent. C’est pourquoi nous avons besoin d’actions immédiates pour soulager cette montée des prix.

Tanné.e.s et exaspéré.e.s

Oui, tout le monde se prend une belle claque face à cette inflation. Aucune génération n’y échappe. Les parents vont devoir dépenser plus s’ils.elles veulent repeindre leur maison, les aîné.e.s vont devoir payer plus s’ils.elles veulent gâter leurs petits-enfants. Ne parlons même pas des personnes aux faibles revenus, qui sont encore plus fragiles dans cette situation. Nous, les étudiant.e.s, la future génération, qui nous apprêtons à entrer sur le marché du travail, qui avons dépensé des milliers de dollars dans des études afin d’avoir des emplois stables avec des salaires qui suivent, nous sommes inquiet.e.s.

Parce qu’être étudiant.e en 2022, c’est payer des frais de scolarité de plus en plus chers. C’est payer des loyers de plus en plus chers. C’est payer des épiceries de plus en plus chères. C’est avoir un emploi à temps partiel rémunéré au salaire minimum, qui suffit à peine à couvrir les dépenses de la vie. C’est entendre nos parents se lamenter que nous ne pourrons pas nous offrir de maison, en raison des prix de l’immobilier.

Notre investissement de vie semble compromis. Même si cette inflation est temporaire, elle fait mal. Elle nous fragilise. Elle nous décourage. Même si l’inflation est normale, et qu’elle va ralentir avec le temps, il en reste que les salaires ne suivent plus les coûts. Un salaire d’entrée au gouvernement plafonne aux alentours de 56 000 $ à l’année. Que peut-on faire avec ça ? Une fois les épiceries faites, et le loyer payé, il ne reste malheureusement pas grand-chose… Il est d’ailleurs impensable de songer à s’acheter une maison. Cela veut-il dire que notre génération va vivre moins bien ? Que, malgré une potentielle baisse de l’inflation, nous ne serons pas capables de nous offrir une maison ?  Alors à quoi bon travailler si le salaire à la clé ne fait pas grande différence ? Nous nous sentons abandonné.e.s, délaissé.e.s.

Où sont nos gouvernements ? 

Que fait le gouvernement ? Que font LES gouvernements ? Du côté de l’Ontario, pas grand chose. L’année dernière, Doug Ford a monté le salaire minimum à 15 $ de l’heure. Inflation énorme ou non, cette hausse devait avoir lieu. Cette augmentation salariale touche les personnes les moins nanties, les étudiant.e.s. Mais elle est insuffisante, et de loin, pour couvrir les coûts de la vie. 

À ce niveau-là, Ford a au moins « fait » quelque chose en rehaussant le salaire minimum. Par contre, le gouvernement a décidé de ne pas renouveler le gel sur les prix des loyers. En 2021, « l’Ontario [avait] gelé les loyers de la vaste majorité des locataires en 2021. Pour aider les locataires, le gouvernement [avait] fixé le taux légal d’augmentation des loyers de 2021 à 0 % ». Cette année, le taux légal d’augmentation des loyers en Ontario est passé à 1.2 %. Pour résumer : on ne peut pas acheter de maison car c’est trop cher, alors on doit louer des logements dont les prix flambent. Mais on ne touche pas nécessairement plus d’argent, et la vie coûte plus chère. Pourquoi Ford ferait-il ça en pleine crise ? N’oublions pas que ceux et celles qui louent sont souvent plus démuni.e.s que les propriétaires. Pourrait-on dire que Ford s’en fiche ? Clairement. Il se préoccupe seulement des grandes corporations, de tout ce qui fait de l’argent finalement. 

Ford aime tellement la communauté étudiante ontarienne qu’il a gracieusement décidé de couper les fonds qu’offrait le Régime d’aide financière aux étudiant.e.s de l’Ontario (RAFÉO) il y a quelques années. Même si ces coupures ont eu lieu en 2019, elles affectent encore grandement la communauté estudiantine qui se voit octroyer des prêts et non plus des bourses. La précarité étudiante n’est pas chose du passé : en 2019 ou en 2022, les étudiant.e.s se trouvent dans une situation financière difficile. On dirait même que la précarité étudiante est plus actuelle que jamais. Même s’il y a prescription, ceci est un exemple de comment le gouvernement ontarien n’est pas présent pour ses étudiant.e.s, et ne l’a jamais été.

Il n’y a malheureusement pas que les actions de l’Ontario qui laissent à désirer. Le gouvernement fédéral, qui nous concerne aussi, n’aide pas. Certes, l’inflation n’est pas unique au Canada, et ce n’est pas le gouvernement qui l’a voulu. En attendant, des actions concrètes pourraient être entreprises pour soutenir la population face à ce désarroi, et notamment les personnes aux faibles revenus. Dans certains pays, on retrouve des indemnités inflation, comme en France, pour les plus petits salaires. Nous savons que l’inflation touche les plus démuni.e.s, pour qui la différence se fait ressentir durement. Il est temps de se réveiller. ‘Wake up’ (pour notre M. Ford).

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