Paris 2024 : le sport comme vecteur de rêves avec l’escrimeuse Trinity Lowthian
Crédit visuel : The Canadian Press / Ho-Canadian Paralympic Committee, Dave Holland
Entrevue réalisée par Jessica Malutama – Cheffe du pupitre Sports et bien-être
Championne panaméricaine d’escrime en fauteuil roulant, Trinity Lowthian a marqué sa première apparition aux Jeux Paralympiques à l’édition de Paris 2024. Celle qui caresse cette ambition depuis longtemps a décroché la cinquième place dans sa discipline. Étudiante en sciences de la nutrition à l’Université d’Ottawa, elle partage avec La Rotonde son expérience globale, ses espoirs et les défis rencontrés en cours de route.
La Rotonde (LR) : Qu’est-ce que concourir sur une telle scène a signifié pour vous et qu’avez-vous pensé de votre performance ?
Trinity Lowthian (TL) : Mon principal objectif était de ne pas avoir de regrets. Mon entraîneur et moi savions que si je me donnais à 100 %, je serais capable d’avoir un bon résultat en mettant en pratique ce que nous avions travaillé. Je suis très fière de ma performance, même si j’ai été éliminée suite à une défaite de 15 – 14 points.
Au Canada, l’escrime en fauteuil roulant n’est pas un grand sport et il n’y a pas beaucoup de public lors des compétitions. À Paris, cependant, il y avait environ 7 000 personnes. C’était une expérience incroyable, au-delà de tout ce dont j’aurais pu rêver, de me retrouver sur une scène comme celle-là.
LR : En 2018, votre santé est compromise, et en 2022, on vous a diagnostiqué une neuropathie autonome auto-immune. Comment ces événements ont transformé votre rapport à la vie, à vous-mêmes et au sport ?
TL : Avant 2018, j’étais très active et je pratiquais plusieurs sports d’endurance, comme le waterpolo, le biathlon et le triathlon. En 2018, je suis tombée très malade et j’ai dû être hospitalisée. J’étais au secondaire et c’était très dur parce que j’ai dû manquer beaucoup de temps avec mes ami.e.s, arrêter le sport et suivre mes cours depuis l’hôpital.
En 2022, je n’étais toujours pas en bonne santé, mais une fois le diagnostic posé, j’ai pu commencer les traitements et trouver ce qui convenait à mon corps, notamment en faisant des choses qui m’ont permis de me sentir à nouveau moi-même, comme le sport. J’ai essayé de revenir à d’autres sports d’endurance, mais je n’étais pas aussi bonne qu’avant. Je devais trouver une discipline dans laquelle je pouvais être compétitive à nouveau.
LR : Quels sont les principaux obstacles que vous avez rencontrés en cours de route et qu’a-t-il fallu pour protéger votre rêve ?
TL : Avant et pendant la compétition de Paris, le premier obstacle a sans aucun doute été ma santé. J’ai subi une chirurgie deux mois avant de partir à Paris et je n’ai pas pu me déplacer ou pratiquer l’escrime pendant un mois avant la compétition. J’étais vraiment inquiète et même quand j’ai commencé à concourir, j’étais toujours préoccupée par ma santé et j’ai souvent été admise à l’hôpital. J’ai dû manquer des compétitions parce que je devais aller à l’hôpital, ce qui a ralenti ma progression.
Un autre défi est certainement l’aspect financier des choses. Il n’y a pas vraiment de soutien au Canada pour l’escrime en fauteuil roulant, alors j’ai dû financer tous mes voyages et toutes mes compétitions qui étaient en dehors de l’Amérique du Nord (à l’exemption d’une), ainsi que payer mon entraîneur. Avec l’aide de ma famille et du club d’escrime avec lequel je m’entraîne, j’ai fait beaucoup de collectes de fonds. Sans cela, je n’aurais pas pu participer aux compétitions et aux qualifications.
LR : Qu’est ce qui vous a aidé à vous concentrer sur l’essentiel lors des Jeux Paralympiques ?
TL : J’ai beaucoup travaillé avec mon entraîneur et avec la psychologie du sport. J’ai aussi fait beaucoup de visualisation pour me sentir mieux préparée et pour me concentrer sur le sport : je craignais, une fois à Paris, de ne pas pouvoir entendre l’arbitre ou d’être distraite par le bruit. Finalement, j’ai pu rester concentrée tout au long de la compétition.
LR : Quels sont les principaux apprentissages que vous avez tirés de Paris 2024 et en quoi vont-ils changer votre manière d’opérer en tant qu’être humain et en tant qu’athlète ?
TL : L’une des choses que j’ai apprises, c’est que les résultats ne sont pas liés à mon bonheur et que si je me donne à 100%, mon lendemain sera le même, que je gagne l’or ou non. J’ai participé à deux compétitions et lors de la première, j’ai tout perdu. Je n’ai pas été très bonne et je savais que ça serait le cas parce que je ne m’entraîne pas dans cette discipline au sein de l’escrime, mais je l’ai fait pour acquérir de l’expérience et pour m’amuser. J’ai eu du plaisir dans les deux épreuves, mais surtout dans la première.
Cette prise de conscience m’a vraiment fait du bien et m’a enlevé un grand poids sur les épaules. Cela m’a permis de me lancer dans la compétition parce que c’était avant tout amusant. Je pense que c’est ce qui a été le plus important.
Les Jeux Paralympiques et Olympiques sont une occasion unique pour cela. Dans toutes les autres compétitions qui ont précédé les Jeux Paralympiques, mon état d’esprit était que je devais bien performer pour me garantir une place à Paris. C’est donc bien d’avoir une compétition où l’on concourt juste pour s’amuser et non pas pour se qualifier. Mon entraîneur me dit toujours : « C’est juste une célébration. Profite-en, amuse toi. »
LR : Quels conseils donneriez-vous à un.e étudiant.e dans votre tranche d’âge qui aspire à devenir athlète de haut niveau et qui veut savoir comment s’y prendre ?
TL : Je pense qu’il faut se lancer. Il n’est jamais trop tard. Essaie le sport qui t’intéresse et si c’est déjà un sport que tu pratiques, fonce.
En même temps, fais des choses en dehors de ton sport, comme te concentrer dans tes études ou un passe-temps qui t’intéresse. Si tu aimes le sport et que tu ne fais que du sport, tu ne le feras pas pour très longtemps. Le sport ne fera pas partie de ta vie pour toujours, alors il est essentiel de trouver quelque chose d’autre qui t’apportera de la joie.