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Pourquoi la sexualité féminine est-elle si mal comprise ?

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4 novembre 2019

Crédit visuel ; Andrey Gosse – directeur artistique 

Par Maeve Burbridge – Cheffe du pupitre Actualités

La sexualité féminine est un sujet tabou et qui reste conséquemment mystérieuse et mal comprise. Réprimée et ignorée socialement, elle est aussi exagérée et convoitée. 

Est-ce que la sexualité féminine est compliquée ? Pour démystifier l’enjeu, j’ai tourné mon regard vers ce que les femmes ont a dire sur leur propre sexualité. 

Le débat sur la sexualité féminine est devenu plutôt public au cours de la deuxième vague du féminisme nord-américain, qui a pris vie des années 1960 jusqu’aux années 1980, approximativement. Ce débat persiste encore aujourd’hui.

Au cours de cette deuxième vague de féminisme, une démarcation s’est dessinée entre deux groupes de féministes qui avaient des points de vue opposés. D’abord, il y avait des féministes qui condamnaient pratiquement toutes les représentations de la sexualité féminine de la société occidentale.

En réponse au groupe susmentionné, un autre courant s’est formé. Celui-ci se déclare comme étant prosexualité. La vague voyait en la sexualité l’opportunité d’affirmer l’équité à l’homme. Depuis 2013 environ, on assiste à une quatrième vague féminisme qui se démarque par son positionnement qui est, majoritaiement, prosexualité.

Sexe et soumission de la femme

Pour illustrer la différence entre ces deux courants de pensée, j’ai examiné leurs points de vue vis-à-vis la pornographie. Les féministes du premier groupe opposent toute pornographie, car, selon elles, ça tend à légitimiser la dominance de l’homme sur la femme. En effet, la pornographie hétérosexuelle présente souvent une situation où l’homme est dans une position de pouvoir et la femme est complètement sujette à ses désirs.

La pornographie présente aussi souvent des scénarios où l’homme est violent, ce qui tend à normaliser et légitimiser la violence masculine envers les femmes. De surcroît, la femme a souvent l’air de prendre plaisir à se faire violenter. Ceci dédramatise la violence envers la femme, donnant l’impression que c’est normal et que cela peut être fait par amour.

Ces féministes soulèvent aussi l’argument selon lequel la pornographie tend à sexualiser les femmes et les filles qui sont encore très jeunes. Ça devient donc normal de porter un regard sexuel sur des adolescentes qui, souvent, ne veulent pas du tout être perçues comme des symboles de sexualité.

L’hypersexualisation de jeunes femmes et de filles ainsi que la légitimisation de la violence patriarcale ne sont pas seulement présentes dans le domaine de la pornographie. Ces attitudes problématiques sont mises de l’avant dans pratiquement toutes les formes de médias, que ce soit dans les films, les publicités ou sur les réseaux sociaux, bien que la pornographie expose cette dynamique de manière évidente.

Outil d’émancipation féminine ?

Si on regarde l’autre côté de la médaille, les féministes prosexualité affirment que si les femmes peuvent prendre en charge leur sexualité, celles-ci deviendraient une arme contre l’oppression masculine. Si les représentations de la sexualité sont souvent axées sur le plaisir de l’homme, la femme, en prenant autant de plaisir que l’homme dans les contextes sexuels, peut se mettre sur un pied d’égalité avec ce dernier.

La femme qui affirme fièrement sa sexualité est aussi révolutionnaire, car elle contredit l’idée que la femme est docile et chaste, idée qui a été utilisée pour limiter la liberté de la femme par les institutions religieuses et sociales depuis des siècles.

Le courant féministe prosexualité est également associé au mouvement du body positivity, qui met de l’avant l’acceptation et l’amour du corps féminin, peu importe son apparence. Ce mouvement lutte contre l’idée selon laquelle le corps de la femme doit se conformer à un « idéal » inatteignable pour plusieurs. 

Le féminisme prosexualité a même donné lieu à la naissance de l’industrie de la pornographie féministe, qui vise à produire de la pornographie qui redonne le pouvoir à la femme.

Donner la parole à la femme

L’ouvrage d’Estelle B. Friedman et de Barrie Thorne intitulé Débats de la sexualité féministe utilise le terme « dualité » pour explorer la nature de la relation entre sexualité et féminisme. Le terme suggère que la question ne sait pas quel côté a raison. On voit alors que la sexualité peut être un outil d’émancipation pour la femme, tout comme un instrument de sa subordination.

Bien que les opinions divergent sur le sujet d’une représentation appropriée de la sexualité féminine, une chose est assurée ; l’image de la sexualité de la femme ne pourra jamais être adéquatement définie par l’homme parce que celui-ci n’a jamais habité le corps de  la femme.

Le sujet de la sexualité de la femme restera incompris et tabou jusqu’à ce que les femmes prennent en main les représentations de leur sexualité. Elles seules peuvent répondre à la question de ce qui définit l’essence de la sexualité de la femme. Elles seules peuvent assurer une représentation de celles-ci qui est véridique, respectueuse et qui affirme l’égalité de la femme vis-à-vis son homologue masculin.

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