Inscrire un terme

Retour
Arts et culture

Pourtant j’aime… l’hydro ?

Culture
11 novembre 2019

Crédit visuel;  David Mendoza 

Par Clémence Roy-Darisse – Cheffe du pupitre arts et culture 

Depuis sa création en 2015, la pièce J’aime Hydro de Christine Beaulieu parcourt le Québec. Du 6 au 9 novembre 2019, la pièce fait son premier arrêt hors de la province au Centre national des arts d’Ottawa.

L’hydroélectricité : trésor national du Québec qui n’est pas souvent remis en question et qui semble intouchable. J’aime Hydro pose la question ; sommes-nous toujours maîtres chez nous ?

Cette ressource autrefois nationalisée est-elle réellement partagée, tel que demandé par J’aime Hydro. Hydro-Québec a été nationalisé par René Lévesque en mai 1963 mais la société d’état ferait aujourd’hui affaire avec plusieurs contracteurs privés et suit les tendances gouvernementales fluctuant du libéralisme au socialisme.

Une pièce de 4 heures, sur Hydro-Québec ?

Tout au long du spectacle, Beaulieu interroge de multiples intervenant.e.s aux opinions diverses et contradictoires face au développement du barrage hydroélectrique dans la rivière romaine. Sa quête devient rapidement terrain fertile à débats : intérêts environnementaux versus économiques, communautés versus hommes politiques et PDG de grandes entreprises.

À travers de multiples rencontres, la pièce trace le portrait de la compagnie reconnue. Elle expose la construction de nouveaux barrages sur une communauté innue. 

Le développement de ce barrage s’avoue rapidement défavorable ; contrats aux plus bas soumissionnaires ayant pour effet des pertes économiques considérables, mauvaise valorisation du bois, 4 accidents mortels… Les seuls avantages semblent être les redevances aux petites municipalités, les 100 emplois stables et la conservation d’une certaine expertise. 

Une forme simple et captivante

Portée avec passion et sincérité par les comédiens Christine Beaulieu et Mathieu Gosselin dans une mise en scène de Philippe Cyr, l’enquête citoyenne sur Hydro-Québec éveille une conscience collective sur la question tout en influant le désir d’agir et de prendre la parole.

La forme de J’aime Hydro épate par sa simplicité. Cette dernière semble audacieuse. Sur la scène ; deux tables de bois servent à projeter les personnages dans leur différents lieux de quête. Des tableaux noirs servent à exposer la matière « enseignée ». 

La comédienne et auteure prend tour à tour la parole au micro pour dévoiler son parcours personnel sur la question, enseigner certains concepts ou émietter le feuilleton de sa vie avec un charisme épatant. La narration côtoie aussi le jeu.

Elle se déplace pour jouer quelques scènes accompagnée de son partenaire de scène, Mathieu Gosselin, qui interprète 28 personnages avec brio. Il, par sa présence dynamique, rafraîchit. Elle, surprend, par sa franchise.

Le ton utilisé par Christine est naturel et donne l’impression que les propos énoncés semblent presque improvisés. 

La musique et le visuel servent à engager le public dans le périple ardu et à éclairer les pratiques actuelles d’Hydro Québec. Des films, des entrevues et des moments passés sont projetés pour alléger l’ambiance ou apporter des précisions permettant ainsi d’imager ce qui est raconté. 

Au niveau du son, le comédien et concepteur sonore Mathieu Doyon se prête aussi à l’exercice en narrant les différents flashbacks, parfois ponctués de piano, ajoutant une touche de sensibilité. 

La clé reste dans le texte, le propos et les personnages interprétés avec précision. L’histoire, accessible et la protagoniste vertueuse d’ignorance primaire, emplie de doutes et d’angoisse permettent l’identification.

La traversée J’aime Hydro

Celle qui avait entamé cette quête par amour de son Québec, en ressort aimant davantage ce que l’on peut parfois prendre pour acquis ; la terre sur laquelle on pose les pieds tous les matins, l’eau qui coule et abreuve, l’électricité qui éclaire et assure un contact avec ceux et celles que nous chérissons.

« Parler quand c’est impossible de parler », c’est ce que dit Annabel Soutar au sujet de la mission de sa compagnie Porte-Parole, productrice de J’aime Hydro.

Suite à ses multiples recherches, trouvailles et réflexions, Beaulieu conclut sans réponse. Elle inspire au questionnement, au dialogue et à la découverte de ce que l’on « aime » assez pour défendre. 

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire