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Les professeur.e.s et le défi de l’adaptation à l’enseignement virtuel

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22 septembre 2020

Crédit visuel : Yves Laberge

Par Miléna Frachebois – Cheffe de la section Actualités

Les cours en lignes sont un réel défi pour les étudiant.e.s ; entre concentration, rigueur, organisation, il faut s’adapter à cette nouvelle manière d’étudier, particulièrement puisque les cours du semestre d’hiver 2021 suivront le même format. Mais ces élèves ne sont pas les seul.e.s à devoir s’adapter. Qu’en est-il des professeur.e.s ? La Rotonde s’est entretenue avec Yves Laberge, professeur à l’Université d’Ottawa (l’U d’O), afin de discuter des défis rencontrés par ses confrères et consoeurs. 

La Rotonde (LR) : Bonjour, pouvez-vous vous présenter ? 

Yves Laberge (YL) : Je m’appelle Yves Laberge. Je suis sociologue et je détiens un doctorat en sociologie ; je suis professeur de sociologie des religions et professeur d’anthropologie des religions au Département des études anciennes et des sciences de religion.

J’ai aussi donné des cours en arts visuels et en études internationales. Je donne des cours en français et en anglais. 

LR : Combien de cours enseignez-vous en ligne ce semestre ? Quel est votre format d’enseignement ? Pourquoi avez-vous choisi ce format ? 

YL : J’enseigne la sociologie des religions et l’anthropologie des religions en tant que professeur à temps partiel. J’ai, en tout, plus de 100 inscrit.e.s. Je fais du télé-enseignement depuis deux sessions : l’été dernier à la maîtrise, et actuellement au premier cycle.

J’apprécie cette nouvelle formule hybride ou en ligne car je peux interagir de différentes manières avec mes groupes et leur faire profiter des ressources virtuelles offertes par notre Bibliothèque virtuelle. Les étudiant.e.s devraient mieux exploiter les ressources de notre bibliothèque universitaire, au lieu de s’en remettre à leur téléphone en cliquant sur Wikipedia.

Je dois ajouter que j’ai créé un cours en humanités numériques, et que les possibilités infinies des humanités digitales m’intéressent vivement. 

LR : Diriez-vous que la préparation à la transition en ligne a été facile ou difficile pour vous ? Pourquoi ? À quels défis avez-vous dû faire face ? 

YL : C’est vrai qu’il faut souvent s’adapter à de nouveaux systèmes et que ces technicités sont souvent encombrantes et laborieuses. De plus, les explications ne sont pas toujours claires ; les concepteur.rice.s ont souvent la fâcheuse habitude de reprocher aux usager.ère.s de ne pas comprendre, même lorsque les instructions sur leurs portails sont surabondantes !

[Un autre problème est que nombre] d’instructions et consignes, comme les convocations de rendez-vous sur Zoom, ne sont pas systématiquement données en français.

LR : Avez-vous eu accès à des ressources d’aides de la part de l’université ? Si oui, lesquelles ? 

YL : La meilleure chose, ces derniers temps, aura été pour les professeur.e.s de pouvoir obtenir une licence gratuite de Zoom, système interactif bien plus convivial que le système Teams, ou que le système Adobe, qui me semblent beaucoup plus lourds.

En revanche, il faudrait que la direction de l’U d’O accepte de rémunérer le temps que les professeur.e.s à temps partiel consacrent à la préparation de leurs cours et à la conversion numérique car, pour le moment, nous le faisons encore durant plusieurs semaines avant le début des cours, et ce, sans être payés ! Il faudrait un geste équitable de la part de la direction pour mettre fin à notre bénévolat forcé. 

LR : Pensez-vous que cette façon de procéder est propice à un enseignement de qualité ? 

YL : Je crois qu’il y a des avantages et des inconvénients, comme par exemple l’impossibilité de surveiller tou.te.s les étudiant.e.s durant les examens. 

LR : Avez-vous des étudiant.e.s internationaux.ales dans vos classes ? Est-il difficile pour eux.elles d’accéder à votre enseignement ? 

YL : Comme l’expliquait le sociologue Dominique Wolton dans son livre « Internet et après ? », la technologie rapproche instantanément des personnes qui sont géographiquement éloignées, mais cette proximité n’est qu’apparente, car derrière ce rapprochement et le partage d’une langue commune, on persiste à constater des différences énormes du point de vue culturel, politique, et religieux.

La vision du monde n’est pas la même d’un pays à l’autre, et nous voilà réuni.e.s artificiellement, nos différences ne seront pas automatiquement abolies. Et nous avons des étudiant.e.s internationaux.ales localisé.e.s sur plusieurs continents qui nous suivent à partir d’endroits où bien souvent, la liberté d’expression, de culte, le droit à la dissidence ou simplement le droit de ne pas croire en Dieu sont inconcevables, voire punissables de mort dans certains pays. Et dans d’autres pays asiatiques, c’est exactement le contraire : pratiquer un culte religieux peut conduire à des représailles, et même à la prison.

C’est une disparité énorme, à laquelle nous sommes désormais confronté.e.s quotidiennement dans nos enseignements, ici, à l’U d’O. C’est aussi une responsabilité lourde à porter. Et tous les étudiant.e.s doivent en prendre conscience, même ceux qui vivent à Ottawa.

C’est, pour poursuivre dans le raisonnement sociologique, une des conséquences inattendues de la mondialisation. Qu’on le veuille ou non ; que cela nous plaise ou non. C’est pourquoi l’enseignement universitaire des sciences humaines des religions est pertinent et qu’il doit être revalorisé. C’est ce que je fais dans mes recherches et dans mes cours depuis très longtemps. 

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