Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique
Article rédigé par Tom Chazelle Schulze — Journaliste
Dans un contexte de mondialisation, de changements constants et d’accès aux informations instantané, la langue anglaise devient, dans de nombreux domaines, la langue universelle. Face à une américanisation croissante, des voix s’élèvent, notamment en Belgique et au Québec, pour renforcer le statut du français.
Le français, langue historiquement importante
Étant la langue officielle de 29 pays, le français a toujours été une langue d’importance majeure dans le monde. L’organisation internationale de la francophonie (OIF) estime qu’en 2022, le monde comptait 321 millions de locuteur.ice.s, une tendance montante, avec certaines estimations affirmant le dépassement d’un milliard d’ici 2050.
Bruno Bernard, expert d’origine belge en « francophonie économique », souligne que le français a toujours joué un rôle clé dans le développement intellectuel et scientifique, notamment en Europe. Cependant, il remarque aussi une tendance inquiétante : il regrette qu’en raison de l’influence de l’anglais, de nombreux.ses francophones, notamment les jeunes, perdent leur vocabulaire en français, et des termes anglais envahissent de plus en plus les conversations quotidiennes.
Dans une lettre ouverte adressée à certain.e.s député.e.s du Québec, notamment Francis Drouin, Bernard exprime sa préoccupation profonde pour la survie de la langue française à Bruxelles, qu’il qualifie de « capitale de l’Europe francophone », mais dont l’avenir linguistique est, d’après lui, incertain face à la montée en puissance de l’anglais.
Dans sa lettre, il met en avant plusieurs points clés, notamment l’utilisation croissante de l’anglais dans les espaces publics et les institutions, tels que des panneaux « kiss and ride » ou des documents administratifs. Il évoque également la création du Brussels International Business Court, une juridiction commerciale en anglais, qui, d’après Bernard, présente un danger pour la place du français dans les affaires et la justice. L’expert appelle dans sa lettre à une intervention des institutions francophones pour renforcer le statut de la langue française et propose de s’inspirer du Québec, qui a mis en place des législations strictes pour protéger le français. Finalement, il avertit d’autres villes européennes francophones, telles que Paris ou Genève, de ce risque d’anglicisation.
Un phénomène international et intersectionnel
Le « français est la démocratie», réagit Jean-Paul Perreault, président d’Impératif français, organisme québécois chargé de protéger le français au Québec. En effet, étant donné l’influence mondiale du français, la langue doit être perçue comme un enrichissement culturel, commente-t-il.
Bernard et Perreault se lamentent d’ailleurs du fait que de plus en plus de politicien.ne.s semblent se tourner vers la langue anglaise. « Chaque fois que la France, donc Macron, parle anglais, la France s’affaiblit », s’indigne Perreault.
La France aurait comme devoir de parler français, de représenter la langue française. Une des langues officielles des institutions de l’Union européenne étant le français, les politicien.ne.s francophones devraient s’adresser au monde en français, insiste l’actuel patron d’Impératif français.
Dans les sciences et l’éducation, l’« anglicisation » prend de plus en plus le dessus sur les langues nationales, ce qui ne concerne pas seulement les pays francophones. Bernard constate que de nombreuses universités offrent de plus en plus de cours en anglais, et ce au détriment des cours dans la langue locale. Il cite notamment l’exemple d’universités néerlandophones, où beaucoup d’étudiant.e.s se battent pour une offre de cours plus importante en néerlandais.
Bernard mentionne aussi l’exemple des mathématiques : recevoir des médailles d’honneur, telles que la médaille Fields, devient de plus en plus difficile pour des francophones, car les sciences se font de plus en plus en anglais.
Solutions possibles
Quelles mesures faut-il adopter pour protéger la langue française dans une société mondialisée de plus en plus anglophone ? L’angle adopté par le Québec de créer des lois strictes pour protéger la langue française pourrait être une solution pouvant être adaptée à d’autres pays, suggère Bernard. Cependant, il continue qu’il faut ici s’assurer de ne pas tomber dans des motifs d’oppression d’autres langues locales, surtout quand on considère le fait que nombreux de pays francophones ont plus qu’une langue officielle ou parlée.
Perreault et Bernard estiment que l’implication des francophones est importante. Choisir de faire ses études en français, parler en français quand on le peut, que ce soit dans des situations de tous les jours ou bien sur les réseaux sociaux. Ceux et celles qui peuvent s’impliquer dans la promotion de la francophonie devraient le faire, à leur façon et dans leur capacité, d’après les deux experts. Ceux-ci concluent en affirmant que, surtout pour la jeunesse française, il y a des chances énormes de s’impliquer, de prendre de la place dans le monde et de faire entendre les voix francophones.