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Par Nicolas Hubert – Journaliste
LA RÉALITÉ DES PERSONNES TRANSGENRES
Le mardi 7 mars dernier, l’École de service social de l’Université d’Ottawa organisait une conférence titrée « La réalité des personnes transgenres ». L’objectif? Présenter aux étudiantes et aux étudiants les témoignages de travailleuses sociales et de personnes transgenres sur cet enjeu social encore trop marginalisé. La Rotonde a souhaité faire le point sur la situation des personnes trans* sur le campus.
« L’identité de genre est une étape normale »
Tout en déplorant le « sérieux manque de ressources dans la région », Julie Sylvestre, travailleuse sociale indépendante, souligne la nécessité de sensibiliser les futurs intervenantes et intervenants à ce sujet afin de pallier les carences actuelles de la profession. « Quand j’ai eu mon premier cas, je n’avais pas les connaissances nécessaires pour bien aider, alors j’ai dû aller me former à Montréal à l’Institut des minorités sexuelles », explique-t-elle.
Sylvestre souligne que cette réalité est en pleine émergence et qu’« il y aura de plus en plus de comingouts au fil des années » ce qui pourrait s’accompagner de nombreux préjugés, de craintes et de discrimination, d’où l’importance de former et de sensibiliser à ce sujet. Pour elle, il est important de rappeler que « l’identité de genre est une étape normale de tout être humain dans son développement ».
« Apprécier et accepter ce qui t’arrive, accepter comment tu es »
En évoquant son expérience personnelle, Charles Gorafano, étudiante au doctorat à l’École d’études politiques, tient à rappeler que chaque personne est différente et qu’il n’existe pas de situation ou d’identité référentielle.
« Tu ne peux pas contrôler ces situations-là, peu importe si la société évolue, tu auras toujours du monde récalcitrant » poursuit-elle. « La seule chose que tu puisses faire c’est de comprendre le mieux possible ce qui t’arrive, d’apprécier et d’accepter ce qui t’arrive, de t’accepter comme tu es. »
« L’éducation universitaire est cruciale », poursuit Gorafano en regrettant qu’il y ait très peu de personnes ouvertement transgenres au sein du corps professoral de l’U d’O et que cette réalité demeure très marginale parmi les étudiant.e.s.
« Il y a une réalité interne à l’administration de l’Université »
La gestionnaire des relations avec les médias de l’U d’O, Isabelle M.-Pulkinghorn, soutient quant à elle que l’Université « œuvre à assurer […] la mise en œuvre et l’évaluation des politiques, des procédures et des pratiques en matière de diversité, d’inclusion, d’équité, d’accessibilité et de prévention du harcèlement et de la discrimination » et qu’elle travaille également à créer des salles de bain neutres sur le campus.
Angela Prempeh, superviseure à l’équité du Centre de la fierté, nuance néanmoins cette affirmation et souligne au contraire qu’au sein de la communauté universitaire les personnes transgenres ont un accès considérablement restreint à de nombreux services. « Il y a un réalité interne à l’administration de l’Université, où les personnes ne peuvent pas changer leur nom ou leur identité sexuelle », souligne-t-elle.
Selon Prempeh, il s’agirait d’une réalité largement « institutionnalisée, hiérarchisée » qui structure le genre. « À chaque fois, tu te le fais rappeler, à chaque fois tu te fais placer », soupire-t-elle.
Une nécessaire généralisation des espaces non genrés
En évoquant les deux toilettes neutres du 11e étage de la Faculté des sciences sociales, Prempeh rappelle l’incohérence d’avoir ce type d’initiative dans un seul étage et dans un seul bâtiment du campus. « Ce n’est vraiment pas pratique par exemple quand vous êtes à la salle d’entrainement de Montpetit et que vous devez allez dans un vestiaire ou dans des toilettes dans un autre bâtiment », explique-t-elle en appelant à généraliser les installations sanitaires neutres dans le campus.
Gorafano rappelle pour sa part que ce n’est pas un hasard si le seul endroit où les toilettes sont neutres est l’Institut d’études féministes et de genre. « J’hésite très franchement à donner le crédit à l’université pour une action qui est relativement simpliste et qui consiste à afficher une feuille de papier par-dessus le bonhomme genré pour dire les personnes trans* et les personnes genderqueer sont les bienvenues », estime-t-elle.
« Deux logiques totalement différentes »
En évoquant la relation entre le monde universitaire et la réalité des personnes transgenres, Gorafano explique que « ce sont deux logiques totalement différentes, deux logiques financières différentes ». En effet, alors que les couts des démarches préliminaires et de changement sont importants, cette réalité se heurte violemment à la situation financière des étudiant.e.s.
De même, ces deux logiques s’opposent autant sur le rythme scolaire que sur les états émotionnels qu’elles impliquent. Gorafano témoigne de la difficulté de gérer le stress universitaire. « Moi, personnellement, j’ai arrêté parce que cela coutait cher, mais également parce que j’avais commencé à écrire mon mémoire et que je n’avais pas le temps de stresser avec cela en plus », confie-t-elle en estimant que cela est encore pire au doctorat. Comme quoi le travail est loin d’être fini.