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Opinions

La Rotonde mène à tout

Rédaction
8 avril 2019

Chronique

Par Jean-François Plante

Crédit photo : Le Droit

J’avais 11 ans et je savais déjà ce que je voulais faire dans la vie.

J’en ai la preuve écrite dans l’album de mes souvenirs d’école. Au verso de la pochette qui contenait mes trucs scolaires, il y avait une section de choix de carrière. Sans hésiter, j’avais coché les cases faciles: « vedette, joueur de hockey, joueur de baseball». À la mitaine, j’ai ajouté « statisticien et journaliste des sports ».

Je n’ai pas été un joueur de hockey professionnel ni un joueur de baseball. Une carrière de vedette ? Qu’est-ce que ça insinue exactement ?! On s’en fiche un peu puisque depuis 25 ans, j’ai le privilège d’écrire dans les pages du quotidien Le Droit. Depuis 12 ans, j’occupe aussi l’un des quatre postes de journalistes sportifs du seul quotidien francophone en Ontario ! Et les statistiques ? Elles ont été ma porte d’entrée au journal avant d’obtenir une permanence au journal de ma ville natale.

Aujourd’hui, si j’ai l’occasion de vivre mon rêve tous les jours en pratiquant le métier que j’ai toujours voulu faire, c’est grandement attribuable à mon passage à La Rotonde.

Je dois tout à la Rotonde et à mon ami Patrick Lagacé. À l’été 1993, à force d’insister, il a fini par me convaincre d’accepter le poste de chef des sports lorsqu’il est devenu rédacteur en chef. J’hésitais parce que j’étais jeune. Je jouais encore au hockey. J’avais un autre travail à temps partiel. Ma blonde habitait à Masson. Je n’étais pas certain de vouloir sauter dans le bain tout de suite.

Je n’ai jamais regretté la décision de me joindre à l’équipe de La Rotonde.

À l’époque, au début des années ‘90, le programme de journalisme à l’Université d’Ottawa était surtout constitué de cours de communications. Mon apprentissage, il a été fait dans les locaux de La Rotonde. Nous avions une superbe équipe. Nous avons appris sur le tas. Nous étions passionnés. Nous voulions nous faire entendre. Nous voulions changer le monde. Nous avions une tribune. Celle-ci nous donnait l’impression de jouer dans la cour des grands. Pour nous, c’est tout ce qui comptait. 

Nous n’avions peut-être pas la notoriété de La Presse ou du Devoir, mais un simple regard à ma première signature-photo imprimée dans un journal m’a procuré des frissons. J’ai conservé la découpure de ce premier papier. Nous avions tout à apprendre, mais nous voulions produire du matériel digne d’un grand quotidien. Nous savions que nous faisions du bon travail quand les médias de la région d’Ottawa/Gatineau reprenaient les nouvelles de notre journal étudiant.

La Rotonde m’a fait connaître au Droit. En 1993, j’avais publié une histoire sur un entraîneur de football controversé qui s’était présenté à une séance vidéo avec un t-shirt portant l’inscription « Québec: Da Stink Society ». Les 23 joueurs francophones et 33 joueurs québécois n’avaient pas apprécié, d’autant plus qu’à cette époque, seulement quatre Québécois faisaient partie du « 24 partant ». Les joueurs avaient l’impression que le racisme de cet entraîneur était à l’origine de ce déséquilibre dans l’alignement.

Le lendemain de la publication de cette bombe, on ne pouvait plus trouver une seule copie de La Rotonde sur le campus. Paraît que les gens de l’équipe de football se promenaient pour les enlever des présentoirs et les jeter à la poubelle. Gilles Proulx, à Montréal, avait été saisi de l’histoire. Son recherchiste m’avait joint pour en discuter. J’étais trop gêné pour lui accorder une entrevue en direct à la radio provinciale… 

Quelques jours après la sortie de mon article, l’entraîneur en question avait été congédié. L’histoire a été reprise dans Le Droit. À la fin de mes études, quand je suis allé cogner à la porte du quotidien de la rue Clarence en 1995, ils me connaissaient déjà. J’ai été embauché sur-le-champ. Les temps ont changé depuis l’âge d’or des médias écrits! Les postes sont beaucoup moins nombreux, surtout pour les pigistes.

Patrick Lagacé était un chef fier. Sa Rotonde, c’était sa Presse. Il tenait à ce que notre journal soit plus pertinent que celui de notre « compétiteur » du Fulcrum ! Il nous rassemblait chez lui, dans sa chambre. Sur un tableau, il écrivait nos plans, nos idées. Sa passion était contagieuse. Il conduisait l’autobus et il nous amenait sur les lieux de l’action.

Mes amis de La Rotonde font toujours partie de ma vie aujourd’hui. On se rencontre encore deux à trois fois par année et il est souvent question de nos histoires de Rotonde.

Les liens que nous avons tissés là-bas sont forts. Richard Dufour, mon collègue des sports de l’époque, est devenu journaliste à l’économie à La Presse+. Il est devenu mon meilleur ami à l’université. Notre chef de pupitre, Dominique Fugère, est président et directeur général du Grand Prix de Trois-Rivières, mais il a aussi oeuvré au Journal de Montréal pour couvrir des « courses de chars » avant le lock-out qui a fait mal à plusieurs journalistes de Québecor. Martin Landreville, l’éditorialiste que nous surnommions affectueusement « virgule », a commencé sa carrière en journalisme avant de bifurquer vers le monde de l’immobilier. Le sens inné pour la nouvelle a mené Bruno Genest à un poste de chef de pupitre au réseau TVA où il est aussi le recherchiste principal de Denis Lévesque. Et Pat n’a pas besoin de présentations…

Quand on se rencontre, nous revenons toujours au même refrain : « La Rotonde mène à tout ».

Ses artisans ne devront pas l’oublier même si leur édition papier approche peut-être la fin de son cycle. 

La Rotonde mène à tout et j’en serai éternellement reconnaissant. Je lui dois ma joie de vivre d’aujourd’hui. Bonne continuité.

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