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La santé-mentale, encouragée par l’U d’O ?

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4 février 2020

Crédit visuel : Loïc Gauthier Le Coz – Photographe 

Par Camille Cottais – Contributrice

Lors de mon arrivée à l’Université d’Ottawa (U d’O), en septembre 2019, j’ai tout de suite décidé de demander un médecin de famille afin d’obtenir une recommandation pour un psychiatre et un psychologue. Nous sommes début février et je n’ai toujours pas eu accès ni à l’un, ni à l’autre. 

Souffrant d’anxiété, je suis incapable de passer des appels téléphoniques. Cette angoisse est partagée par de nombreux jeunes anxieux ou autistes. Afin d’avoir accès aux services de santé mentale, il m’a été demandé d’appeler, à plusieurs reprises. Je me retrouve alors, comme d’autres étudiant.e.s, dans un cercle vicieux : vouloir consulter pour son anxiété, mais ne pas pouvoir à cause de son anxiété. 

Les forfaits téléphoniques sont aussi moins chers en Europe. J’ai donc fait le choix de garder mon numéro français. Une erreur qui m’a empêchée d’accéder aux services de santé du campus. J’ai attendu plusieurs mois pour consulter un spécialiste et mon rendez-vous a été annulé quelques jours avant, car l’Université ne pouvait me joindre.

Quand j’ai enfin accédé à un psychiatre, malgré ces difficultés, celle-ci était anglophone. J’avais pourtant explicitement précisé vouloir un médecin francophone. Deux nouveaux mois d’attente et j’aurais, au final, attendu plus de six mois pour obtenir un premier rendez-vous avec un psychiatre.

Un processus complexe

De nombreux étudiant.e.s de première année m’ont confié avoir eu, eux aussi, des difficultés à accéder à un psychologue. Cela, en raison de la lourdeur des démarches ou de la longueur des délais d’attente, renforcée pour les francophones.

Une étudiante suivie par un de ces professionnels de l’Université m’a confirmé que les problèmes étaient majoritairement administratifs plus que sur les services en eux-mêmes. Ce que demande l’administration semble imprécis, flou et chronophage.

La nécessité de devoir appeler complique les démarches. Les étudiant.e.s doivent être disponibles lors de l’appel et les services ne répondent souvent pas. Selon moi, faire une demande de consultation en ligne ou en personne faciliterait sûrement le processus.

Froids et impersonnels

En 2019, quatre étudiant.e.s de l’U d’O sont décédé.e.s. Les causes de ces décès n’ont jamais été explicitement formulées. Les courriels, nous informant du décès des étudiant.e.s le semestre passé, semblent très vagues. Ceux-ci ont tous été identiques, formels et froids. La cause du décès a été évoquée par des sous-entendus, qui contribuent à perpétuer le tabou et la stigmatisation des problèmes de santé mentale.

Le nom des étudiant.e.s n’a pas été mentionné, déshumanisant les personnes derrière les mots et déresponsabilisant l’Université. Cela m’a donné l’impression que les étudiant.e.s ne sont que des numéros, qu’il n’y a aucune reconnaissance pour leur vie. Tout le monde a été mis.e.s dans le même sac, comme s’il s’agissait d’une mort insignifiante.

Au contraire, les trois étudiant.e.s décédé.e.s dans le vol PS752 ont directement été nommé.e.s. La cause de leur mort a été mentionnée et une bourse a été créée en leur nom. L’Université affirme vouloir lutter contre la stigmatisation, mais ce traitement de morts différent contribue à faire du suicide quelque chose de honteux et à culpabiliser les personnes ayant commis cet acte.

Problème de l’Université ou plus général ? 

Je ne veux cependant pas associer trop vite les suicides des étudiant.e.s aux problèmes administratifs des services de santé. Les problèmes mentaux sont multifactoriels et ne concernent pas que le domaine scolaire.

Fabien Lamour Provost, récemment gradué de l’U d’O, rappelle qu’il faut distinguer les cas de maladies mentales et les personnes ayant des défis avec leur santé mentale. Les derniers cas de suicide concernaient probablement des personnes ayant des problèmes de santé complexes et non des difficultés plus mineures nécessitant un psychologue ou du counselling. Le problème viendrait aussi du système de santé publique dans son ensemble.  

L’Université semble chercher à promouvoir et à sensibiliser sur le sujet de la santé mentale. Il est positif de savoir que l’on peut avoir accès à de l’aide et non avoir à la chercher soi-même. Des étudiant.e.s européen.ne.s m’ont affirmé que les universités de leur pays n’abordent souvent jamais le sujet et ne proposent presque aucun service. Néanmoins, les suicides advenus ont montré une faille dans le système, un décalage entre la « publicité » faite par l’Université et les faits. 

Selon Sarah-Maude, étudiante en première année, le problème n’est pas forcément causé par l’U d’O, mais par le système scolaire en général qui met beaucoup de pression sur les étudiant.e.s.

À travers des moyennes minimums requises pour certains programmes comme COOP ou pour accéder à certaines bourses, l’Université encourage la performance exagérée, au détriment parfois de la santé mentale des élèves. 

Si l’Université augmente les services mis en place, il serait peut-être une bonne chose de rendre les services déjà présents plus accessibles. Une plus grande publication pourrait permettre aux étudiant.e.s d’être mieux informé.e.s et de faire le tri dans tout ce qui est proposé. 

Les ressources disponibles

Actuellement, les étudiant.e.s peuvent accéder aux services de santé du campus ; psychologue après un entretien téléphonique et/ou un psychiatre sur recommandation du médecin de famille. Les délais d’attente sont d’environ deux mois.

En cas d’urgence, l’Université propose également une clinique de counselling sans rendez-vous, au quatrième étage du 100 Marie Curie.

Quant au programme Empower Me offert par Studentcare, il permet de contacter gratuitement des professionnel.le.s, en personne, par téléphone ou par courriel, 24 heures sur 24, tous les jours, au 1-844-741-6389.

Un centre d’entraide a également été ouvert au local 211D du Centre universitaire Jock-Turcot pour discuter entre étudiant.e.s et avec des aides-paires. Un centre de bien-être permanent devrait aussi ouvrir, pour septembre 2020, et d’autres projets sont en cours. 

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